vendredi 6 juillet 2012

Sans Âme, de Gail Carriger,

Alexia Tarabotti doit composer avec quelques contraintes sociales. 
Primo, elle n’a pas d’âme. Deuxio, elle est toujours célibataire et fille d’un père italien, mort. Tertio, elle vient de se faire grossièrement attaquer par un vampire qui, défiant la plus élémentaire des politesses, ne lui avait pas été présenté. Que faire ? Rien de bien, apparemment, car Alexia tue accidentellement le vampire. Lord Maccon – beau et compliqué, Écossais et loup-garou à ses heures – est envoyé par la reine Victoria pour enquêter sur l’affaire. 
Des vampires indésirables s’en mêlent, d’autres disparaissent, et tout le monde pense qu’Alexia est responsable. Découvrira-t-elle ce qui se trame réellement dans la bonne société londonienne?
Quatrième de couverture par Orbit.
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Série qui fait parler d’elle du côté de la Bit-Lit et de la littérature Steampunk, la saga du Protectorat de l’Ombrelle a beau être discrète en France, elle ne tardera peut-être pas trop à se faire connaître comme aux États-Unis actuellement.
Avant de commencer, j’aimerais remercier Bea puisque c’est elle qui m'a vivement conseillée de lire cette série et honnêtement, je ne regrette pas !

Donc, pour débuter, je voudrais débattre sur la question de : est-ce que Sans Âme est bien de la Bit-Lit, si on doit absolument classer tous les livres par genre ? Oui, si vous considérez que l’unique ingrédient qui compte est la présence d’une romance, mêlant un ou plusieurs surnaturels (enfin, ici, une paranaturelle est carrément au rendez-vous). Mais j’ai aussi envie de vous dire non. Car Sans Âme nous offre un brin d’originalité qui fait rompre son contrat avec la bit-lit : une enquête surnaturelle !
Bien que la balance entre romance et mystère soit bien équilibrée, les énigmes se multiplient et on sent que l’auteure a une idée derrière la tête autre que de caser une charmante Lady italienne et un loup-garou ténébreux je veux dire.
Dernier point donc concernant la famille du Protectorat de L’Ombrelle : l’univers des lunettes croisées avec des longues-vues, des voitures aux moteurs révolutionnaires, de la vapeur qui se mêle au smog… Bref, du cuivre et du cuir partout, rangeant le roman dans le genre Steampunk.
Pour ceux qui ont donc peur de la Bit-Lit autant que moi, soyez tranquilles, prenez vos aises et laissez-vous convaincre.

Étapes pour créer la couverture

Déjà, non que je veuille prendre la défense de Sans Âme (enfin, ce n’est certes pas l’œuvre du siècle mais il fallait bien que je prenne sa défense sur ce point) : les critiques négatives pointant du doigt le contexte historique. J’ai lu des arguments qui m’ont fait sourire, voire ricaner comme une hyène, tels que « On voit bien que l’auteure ne connaît rien de l’époque victorienne ». Si, si, j’ai même une preuve à l’appui qui vient d’Amazon (vous aurez le lien tout en bas de la page si vous voulez voir par vous-même). Mais voilà un extrait du pavé cassant :
« L’héroïne est exposée comme une "vieille fille", dédaignée à cause de son teint et de nez (origines italiennes) et qui n’a même pas été "présentée au monde" à l’âge du mariage (monstrueuse invraisemblance pour l'époque. Jamais une famille nantie n’aurait relégué ainsi une jeune fille, c’est un stratagème grossier pour placer l’héroïne, qui choque d’autant plus que l’auteur feint la fidélité historique). »
De Larouette (L.A), sur Amazon.

Notre chère rédactrice d’Amazon n’aura sans doute pas remarquer que Gail Carriger, sans prétention, nous offre une époque inspirée de l’époque victorienne, jamais on ne parlera de Sans Âme comme un roman historique. Jamais nous lirons Sans Âme pour lire du Jane Austen pur et dur ou du Anne Perry ! Il faut se rendre compte que c’est le genre Fantasy qui prime et (je me répète) Steampunk. 
Au cas où : personne n’avait de tels gadgets à l’époque, désolée de briser vos rêves.
Forcément, comme je ne m’attendais pas à ce que Gail Carriger m’offre un petit roman bien propre et bien discipliné sous les coutumes victoriennes, je n’ai pas crié au scandale de mon côté. 

Par contre, le point où j’ai un peu râlé (en silence), c’est l’écriture. Si l’époque victorienne est franchement modernisée, le style prend bien le ton soutenu et collé-monté de l’époque, mais au point de devenir presque pédant, trop coquet. Sur le coup, ça fait parfois rire, mais lorsque la plume de Gail Carriger devient rébarbatif (comme par exemple nous rappeler à tous les coins de page qu’Alexia a des difficultés à se battre à cause de ses tournures de jupes ou de son corset, à la longue, on a envie de lui répondre « Oui. On a compris ! »). Cela dit, il y a des passages gratinés de détails que j’ai aimés : je pense aux robes décrites, aux plats et aux décors. On sent les multitudes de couches, mais c’est comme le glaçage sur le mille-feuilles : on en redemande et on ne redemande que ça.
Autre point qui rattrape la lourdeur de certains passages : les dialogues. Rythmés, enthousiastes, riches, les dialogues pimentent la lecture de Sans Âme et, si ils ne vous font pas rire aux éclats, ils vous feront sûrement sourire. Je vous annonce la couleur si il y a des Larouette d’Amazon aux alentours : Gail Carriger ne reprend les expressions de « très chère » et « puis-je porter votre manteau ? » que pour les rendre ridicules. Expressions presque modernes et insultes cinglantes vues à l’horizon. Pour les jurons telles que « Par le gros cul de la fière Marie », il faudra remercier le charmant Lord Maccon, soit dit en passant.
On notera aussi la présence de quelques passages légèrement érotiques, visant donc un public plus mature que d’habitude.

Version poche de Sans Âme. 
Qui est la même que la version allemande.

Abordons maintenant un des points essentiels du livre : les personnages.
J’ai eu un peu de mal au début avec Alexia Tarabotti : l’introduction la rend assez pompeuse, très au-dessus des autres, et puis finalement, on découvre ses petites faiblesses et son côté gourmand qui la rendent attendrissante. Pour Lord Maccon, pas de grande révolution du genre, même si il s’agit d’un héros viril (enfin ! Vous voyez que ce n’est pas de la bit-lit ! Non, c’était méchant et je m’en excuse…) qui reconnaît mater les décolletés. Chose que des vampires de 107 ans refusent de faire pour d’obscures raisons… 
Malheureusement, même si chacun sont des personnages intéressants, je n'ai pas tellement accroché à l'union Alexia/Lord Maccon. Si dans certaines littératures, le couple est trop "niais", "trop romantique", dans ce livre-ci, je le trouve trop charnel. Après, je verrai comment leur relation évoluera dans les prochains tomes où on assiste peut-être à plus d’attentions romantiques.
Cela dit, si le duo n’offre pas une originalité écrasante, Sans Âme dévoile quand même une galerie d’acteurs très sympathiques. Je ne veux pas gâcher des découvertes comme la Comtesse Nadasdy. Oui, c’est une vampire-reine sadique, cruelle… Un vrai cliché et pourtant… Si vous l’imaginez habillée en dominatrice avec un fouet, vous avez tord. Lisez, vous comprendrez.
Mais mon gros coup de cœur et, c’est puéril à dire, personnage préféré, je dirais que c’est Lord Akeldama. Il m’a fait l’impression du jeu des Robot Unicorn Attack (pour ceux qui ne connaissent pas) : trop de fleurs, trop de ciels nuageux, trop d’italiques… Et finalement, il est extraordinaire et on devient accro. Un personnage en somme qui est riche en couleurs et en burlesque mais qui est très rafraîchissant. Je dirai qu’il est presque osé et prouve donc que Gail Carriger écrit sans prétention et avec peu de sérieux... Pour notre plus grand plaisir.
Vous aurez de bonnes surprises niveau personnages.

Alors oui, rien de révolutionnaire dans le genre : les vampires et les loup-garou sont fidèles aux mythes. Et pourtant, Gail Carriger prend quelques libertés raisonnables et s’adonne dans quelques renouveaux. Je pense par exemple aux odeurs qui se rattachent à chaque meute de loups : c’est ainsi qu’ils savent à quel clan ils ont affaire.
Ensuite, le concept de l’âme, rarement abordé dans la littérature et ici maîtrisé. J’ai aimé cette idée d’absence d’âme et les répercutions qu’il y a. Alors oui, Gail Carriger triche un peu en effaçant les états d’âme d’Alexia trois fois sur quatre mais les hypothèses et les études qu’elle présente autour rattrape le tout.

Un demi-portrait bien sympa de l'auteur

En conclusion donc, Sans Âme est un roman qui n’est peut-être pas l’œuvre du siècle mais qui présente de quoi nous divertir, nous amuser et surtout, nous intriguer. L’enquête est bien ficelée et le mot fin n’apparaît pas dans ce premier tome, il faudra donc lire plus loin pour retirer vraiment le voile. En plus d’en avoir pour tous les goûts (romance et enquête), Sans Âme vise donc un public large et hétérogène.
On se retrouve donc sans faute pour le second tome.

Ce billet est également ma septième participation au challenge Victorien dans la section Charles Dickens, organisé par Arieste (mille mercis à elle d'ailleurs). Tout est expliqué sur cet article si vous voulez nous rejoindre !

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il s’agit du premier roman de Gail Carriger, à l’origine, cette jeune américaine est une archéologue.
Le Protectorat de l’Ombrelle a été traduit au Japon, la série a donc droit à ses propres couvertes qui ne manquent pas de charme. Mais elle a aussi droit à son propre manga (d’origine anglaise par contre) ! Les couvertures sont à ne pas confondre donc…
 Manga anglais à gauche, roman japonais à droite

De mon côté, j’aurai bien aimé essayer la version manga, mais le dessin ne me charme pas plus que ça et Alexia a vraiment des airs d’autosuffisance qui tiennent plus de l’orgueilleuse que de la Lady anglaise. Ça sera donc sans moi. 
(Je préfère nettement l’allure d’Alexia sur la couverture de droite d’ailleurs.)


5 commentaires:

  1. La chronique est longue mais ô combien plaisante! Les descriptions valent effectivement le détour. J'ai beaucoup ri, à la lecture, je n'avais pas l'impression que l'auteur se prenait vraiment au sérieux et c'était assez agréable.

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    1. Bon, ça me rassure si ma chronique été facile à lire alors!
      Et oui, c'est un roman qu'il faut prendre à la légère, l'auteur ne se prend pas au sérieux et pourtant, ça n'enlève en rien à la qualité. J'aime lire des critiques négatives, mais quand j'ai l'impression qu'on ne lit pas le même roman, ça m'a fait immanquablement rire. :>

      Merci d'être passée~

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  2. il faut absolument que je teste cette série, les quelques avis mitigés que j'ai lus portaient plus sur le côté romance que sur le côté steampunk, c'est clair que ce n'est pas un livre historique et ce n'est pas ça qu'on lui demande d'ailleurs :)

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    1. Je suis rassurée si je ne suis pas le seule à avoir eu du mal avec ce côté romance alors, c'est un des défauts je dirai (et puis, les couples où on est sûrs dès les premières pages qu'on les verra ensemble à la fin, moi, j'ai toujours du mal !), mais heureusement, le côté steampunk est très bien maîtrisé et puisque tu n'attends pas non plus de cours d'histoire, je pense que tu peux te lancer ;)

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  3. J'oublie toujours de venir sur ton blog régulièrement mais c'est toujours avec plaisir quand j'y fais un détour. Ton blog est vraiment plaisant et original. J'ai beaucoup sourie à ta chronique. A bientôt Dylan. ^^

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