samedi 12 mars 2016

Mordred, de Justine Niogret,

"Oyez la sinistre et triste histoire de Mordred, le chevalier renégat."
La légende veut que Mordred, fruit des amours incestueux d’Arthur et de sa sœur Morgause, soit un traître, un fou, un assassin. Mais ce qu’on appelle trahison ne serait-il pas un sacrifice ?
Alité après une terrible blessure reçue lors d’une joute, Mordred rêve nuit après nuit pour échapper à la douleur. Il rêve de la douceur de son enfance enfuie, du fracas de ses premiers combats, de sa solitude au sein des chevaliers. Et de ses nombreuses heures passées auprès d’Arthur, du difficile apprentissage de son métier des armes et de l’amour filial. Jusqu’à ce que le guérisseur parvienne à le soigner de ses maux, et qu’il puisse enfin accomplir son destin.
Quatrième de couverture par Mnémos.
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La célèbre illustration qui oppose Mordred à Arthur...
Oui bah non, retirez cette image de votre tête. Le mythe de Mordred est dépoussiéré.

Légendes arthuriennes, dit-on. Le grand et bon roi Arthur chante-t-on sur un air du roi Dagobert.
Mais si Arthur n’a pas sa culotte à l’envers, son rôle l’est : n’avez-vous jamais été frustré de le voir si peu présent dans les romans de Troyes ? Si lisse, si effacé et si fade ? Voire même cliché ?
Par chance, les romans plus modernes font reculer de leur plume le torturé Lancelot, le preux Perceval et le noble Gauvain pour s’intéresser à la source de cette immense Table Ronde : le roi Arthur. Le roi, mais aussi tout simplement l’homme.
Justine Niogret fait même plus en prenant pour narrateur de ce roman un chevalier bien mal aimé dans cet univers : Mordred.
On laisse la pureté de Galaad et le divin de Perceval pour s’intéresser à quelque chose de plus terre à terre, quelque chose de plus humain. On se fiche du Graal ici, ce n’est pas Dieu qui compte mais les relation humaines, les liens tissés.

Je n’aime pas beaucoup lire un résumé habituellement : il révèle des passages clés de l’intrigue, des rebondissements que l’auteur avait pourtant travaillés... Mais pour Mordred, le résumé sert d’introduction et aide le lecteur à s’installer dans ce roman, ce qui est primordial : tout comme Mordred, le lecteur nage en plein brouillard, entre le rêve et le réveil, le passé et le présent, le réel et les hallucinations.
De plus, la plume de Justine Niogret, bien que très poétique et admirablement travaillée, n’aide pas à la compréhension : il y a de ces phrases au sens ambigu et il faut accepter de ne pas pouvoir les comprendre. Mais cela ne retire rien à la beauté de certains passages. Un peu comme lorsqu’une indienne vous fait une chorégraphie endiablée d’odissi : c’est très beau, c’est même émouvant… mais impossible de comprendre comment fonctionne son corps et ce qu’elle exprime exactement.
La clarté n’a pas de place ici et les sentiments de l’auteure sont personnels, tout comme ceux du lecteur et son interprétation donne un nouveau souffle à Mordred.

J’avoue que j’avais peur de ce court roman : ma rencontre avec Chien du Heaume il y a quelque temps m’avait un peu laissée froide et je craignais de finir sur un sentiment d’inachevé ou de creux…
Déjà, en moins de 200 pages, Justine Niogret ne commet pas l’impair de faire un catalogue des chevaliers arthuriens : seuls les acteurs essentiels ont leur place sur scène, c’est-à-dire Mordred, Arthur, Morgause et l’étrange Porîk.
Ah oui, et les chevaux et un mire cynique que j’ai bien aimé. Sans oublier un serpent aussi.
On s’écarte des réunions avec un Mordred "adolescent" en quête d’un concept inconnu, à la découverte d’un monde trop connu mais qui a ici une nouvelle dimension. Lire Mordred ne donne pas l’impression de reconnaître un autre livre du thème, et pourtant, les plus néophytes seront perdus : pas pour les références, il n’y en a quasiment pas, mais pour l’intérêt de voir un Mordred jeune et "inoffensif", tout comme de voir un Arthur en simple homme.
J’ai aimé ces personnages mais j’ai surtout aimé leurs relations et plonger dans les souvenirs de Mordred aide à la familiarité.

Justine Niogret dresse donc un portrait de ce méchant et ténébreux Mordred très personnel, sortant des clichés et de l’interprétation facile. Quand on ouvre Mordred, on s’attend à des empoisonnements, des viols, de la boucherie, un tout façon Borgia à Camelot et pourtant, une ambiance celtique accueillera plutôt le lecteur dans des forêts humides où la pluie est courante, la magie timide et les hommes plein de doutes, de remords et de souhaits.
Un doux roman plein de poésie que je ne regrette pas d’avoir lu mais que je conseille aux lecteurs patients et sensibles qui ne demandent pas le mythe du chevalier courtois et valeureux.

Par contre, si quelqu’un veut me partager son interprétation sur le passage concernant les dragons intérieurs, je suis preneuse !

Cette chronique rejoint le Challenge des Légendes Arthuriennes :
J’aimerais une adaptation avec Alexandre Astier d’ailleurs.
Je sais qu’il peut jouer autre chose que le roi Arthur mais sa version a des échos avec celle de Niogret et sans regret, je l’ai imaginé durant ma lecture.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Rien à ce jour~
• Mais seulement pour l’instant.
• Nous verrons.

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