samedi 17 février 2018

Chronique du règne de Charles IX, de Prosper Mérimée,

Que le lecteur ne s’y trompe pas : en dépit de son titre, ce livre n’a rien d’une austère chronique. En prenant pour sujet la Saint-Barthélemy et les guerres de Religion qui ensanglantèrent la France du XVIe siècle, Mérimée, au plus fort de la ferveur romantique pour Walter Scott, s’attache à déjouer les codes du roman historique. Souhaitez-vous un portrait de Charles IX ? Allez plutôt « voir son buste au musée d’Angoulême », rétorque l’auteur. Vous attendez-vous à ce qu’apparaisse la reine Margot ? Vous serez déçu : « elle était un peu indisposée, et gardait la chambre »… C’est Bernard de Mergy, un parfait anonyme, qui occupe le devant de la scène : ce jeune huguenot, amoureux d’une comtesse catholique prompte au prosélytisme, est aux prises avec son propre frère, qui s’est converti. Dans cette œuvre de jeunesse, qui est aussi son unique roman, Mérimée engage avec brio une réflexion sur cette question brûlante : comment les hommes en viennent-ils à s’entretuer monstrueusement ? Et nous offre une chronique d’un genre inédit – « un ouvrage plein d’esprit à la Voltaire », disait Stendhal.
Quatrième de couverture par GF Flammarion.
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J’ai toujours été fascinée par l’événement du massacre de la Saint-Barthélemy : le contexte religieux houleux, la période historique trouble, les antécédents et les aboutissants… Historique ou fantasmé, le 24 Août 1572 est un sujet riche et complexe.
Et dans cette fausse chronique qui n’a l’air de rien par un auteur plus nouvelliste que romancier, cette date fatale prend des allures d’un roman d’aventure à la Dumas : le drame s’associe à l’action, l’amour romanesque à l’opposition entre protestants et catholiques.
« […] [Satan] porte tout un arsenal : ce sont nos péchés, armes offensives et défensives à la fois. Il me semble le voir entrer en champ clos, la Gourmandise sur le ventre : voilà sa cuirasse ; la Paresse lui sert d’éperons ; à sa ceinture est la Luxure, c’est un estoc dangereux ; l’Envie est sa dague ; il porte l’Orgueil sur la tête comme un gendarme son armet ; il garde dans sa poche l’Avarice pour s’en servir au besoin ; et pour la Colère, avec les injures et tout ce qui s’ensuit, il les tient dans sa bouche : ce qui vous fait voir qu’il est armé jusqu’aux dents. »
P. 82

Arrestation de la huguenote (1875),
par Vassili Polenov
Là où Mérimée surprend, c’est dans sa façon de faire : il retire de son roman histoire des figures mythiques comme Catherine de Médicis, la reine Margot ou Charles IX. Sang royal ou pas, toute cette galerie se colle au décor, pas le moindre relief ne les rehausse, ils font partie d’un cadre qui accueille deux frères : le capitaine George, catholique, et Bernard de Mergy, protestant. Sur leur chemin, une bande de reîtres, un audacieux raffiné du nom de Comminges ou encore une magnifique Madame de Turgis à la fois sensuelle et pieuse.
Des rencontres qui promettent une lecture rythmée et des rebondissements romanesques. Ce qui est surprenant quand on pense que Mérimée était qualifié de plat par ses contemporains littéraires !

Mais ici, la plume de Mérimée sait se montrer comique tout en communiquant les émotions, préservant le précieux mystère de certains passages ambigus (si je parle d’un rendez-vous galant avec une espagnole masquée, les lecteurs sauront de quoi je parle) ou pimentant des événements forts avec deux protagonistes hauts en couleurs.
De plus, pas le temps de s’ennuyer car le roman est relativement court et se lit avec beaucoup de facilité.

Une très bonne surprise avec ce roman historique malheureusement éclipsé par des œuvres comme Notre-Dame de Paris ou Les Trois Mousquetaires et pourtant, Prosper Mérimée n’a pas à rougir de son texte.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il s’agit de l’unique roman de Prosper Mérimée.

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