dimanche 20 juillet 2014

Le Cadavre de Bluegate Fields, d'Anne Perry,

Fidèle à son instinct de fin limier, l’inspecteur Pitt ne tarde pas à trouver la noyade d’Arthur Waybourne suspecte : issu de la gentry londonienne et atteint de la syphilis à seize ans, le jeune homme semblait avoir plus d’un secret à cacher... Mais après avoir arrêté et fait condamner à mort le précepteur antipathique de la victime, Pitt commence à douter. N’aurait-il pas envoyé un innocent à la potence ? Derrière les murs des salons cossus et les discours de façade, la vérité devient plus que jamais urgente à débusquer !
Quatrième de couverture par 10/18.
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La série des enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt ont commencé à remonter dans mon estime depuis le tome 5 Rutland Place. J’ai donc enchaîné avec le tome suivant Le Cadavre de Bluegate Fields.
Si celui-ci comporte plus de défauts à mes yeux que son prédécesseur, il reste un très bon tome.

La prison de Coldbath Fields est régulièrement citée dans ce tome : le quotidien des prisonniers 
était fait de travail épuisant, ce qui fait que la réputation de cette maison de correction était redoutable. 
Elle a toutefois fermé définitivement ses portes en 1885.

Comme je l’avais dit dans une ancienne chronique, Anne Perry a cet avantage de ne pas être censurée par les éditeurs de 1890 et même en tant que femme, elle peut nous composer les enquêtes sordides, noires. Ici, elle touche donc un crime qui ne s’est pas vu beaucoup dans les ouvrages d’époque : le viol. Mieux encore, le viol homosexuel. Et suprême cerise sur le gâteau : un viol homosexuel qui touche un membre de la Haute Société Victorienne.
Une chose est sûre : ni Arthur Conan Doyle, ni Agatha Christie n’aurait osé présenter un tel scénario.
Anne Perry, par chance, ne commet pas l’idiotie de vouloir choquer son lectorat mais uniquement ses personnages guindés. L’enquête sordide lui sert surtout d’un excellent point de départ pour explorer la société du XIXème siècle : les familles reluisantes qui ont autant de tabous que de tenues, les préjugés qui affrontent les ignorances, les bas-fonds secrets et réservés. Bien plus que dans les cinq premiers tomes, l’auteure nous partage vraiment ses connaissances concernant cette décennie riche. Le seul hic, c’est qu’elle s’empêtre encore une fois dans les clichés habituels : comme pour dans Resurrection Row, la plupart des personnages se ressemblent un peu, rappellent des acteurs des enquêtes précédentes. Heureusement qu’il y en a moins que dans Le Mystère de Callander Square où les caricatures affluaient aussi !

Toutefois, certains personnages sortent de l’ordinaire, ce n’est d'ailleurs pas plus mal car j’avoue que plus ça va, plus j’ai du mal avec Thomas et Charlotte : non qu’ils m’insupportent, mais je les trouve de moins en moins fidèles à l’esprit de l'époque, entre Thomas qui est le pauvre policier incompris qui veut remédier seul aux injustices, Charlotte qui a la sensibilité d’une femme de 2014 et non de 1886. Bref, à force d’être autant décalés de leur univers, je les trouve de moins en moins attachants.
Pour les remplacer, quelques personnages m’ont par chance convaincue : déjà le taciturne Maurice Jerome, fier et avec une force psychologique admirable, la tendre mais perspicace Callantha Mortimer et sans oublier l’insolent Albie Frobisher. Chacun a son importance et un rôle bien personnel et j’espère ne pas les oublier de sitôt.

Portrait d’une Comtesse, un portrait d’Albert Lynch qui a servi pour la couverture.

Quant à l’enquête, il est clair que je risque de m’en souvenir. Tout du moins le déroulement, car la conclusion ne m’a pas satisfaite : expédiée et sans réel mot-fin, on se demande si Anne Perry avait peur de rajouter une cinquantaine de pages supplémentaires ? J’ai noté quelques petites facilités aussi mais rien de bien alarmant car elles n’entachent pas le charme du contexte historique ou de l’originalité du sujet.

Le Cadavre de Bluegate Fields est donc un tome très bon qui répondra certainement aux attentes des lecteurs d’Anne Perry.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Anne Perry a eu l'intelligence de placer cette enquête en 1886 car 1885 marque la mise en place de la loi qui condamnait l'homosexualité : plus qu’une tare ou un défaut, la société victorienne jugeait vraiment cette sexualité comme un acte criminel. Pour mieux illustrer leur vision : la loi condamnait en même temps le viol sur les femmes et les enfants, comme si une relation homosexuelle ne pouvait pas être consentante. Oscar Wilde est une des personnalités les plus connues à avoir été a été jugé pour avoir enfreint cette loi.
• Si Whitechapel est connu grâce à Jack l’Éventreur, Bluegate Fields était aussi un autre quartier mal famé connu des policiers de l’époque.
• Pour voir les chroniques des tomes précédents, je vous invite à aller sur Le Guide de la Série.

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