vendredi 17 octobre 2014

Le Moine, de Matthew Gregory Lewis,

À l’époque de l’Inquisition, Ambrosio, prieur du couvent des Capucins à Madrid, est admiré pour sa vertu et la pureté de sa foi. Les fidèles se bousculent pour assister à ses célébrations de messes et tremblent devant ses sermons.
Cet homme rigide et pur ne se sent d’amitié que pour un jeune moine, Rosario. Mais celui-ci va révéler sa véritable identité et la vie du prieur va basculer, entraînant de nombreuses victimes dans les pires infamies...
Quatrième de couverture repris de LivrAddict.
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« Honte à l’âme pusillanime qui n’a pas le courage d’être ami sûr ou ennemi déclaré ! »
P. 295 - 296

Quand mon cœur s’empêtre dans l’émotion ou dans la peur durant une lecture, quand je reste accrochée aux lignes jusqu’aux heures les moins raisonnables, alors je pense que je peux dire, sans me tromper, que ce livre est un véritable coup de cœur. À mes yeux, Le Moine est tout simplement une pure merveille du genre gothique, une perle noire que je place sur un écrin de velours.
Il y a bien longtemps que mon petit cœur ne s’était pas emballé comme ça et Matthew Lewis m’a captivé jusqu’aux dernières lignes de son premier roman.

Quelques couvertures, toutes les trois représentant très bien l'ambiance.

Le Moine relate un scénario classique dans la fiction religieuse : la foi du plus pieux moine ébranlée par les tentations, révélant ses faiblesses humaines. Classique mais à la fois rare ! Car quel livre peut se vanter d’avoir présenté ces tragédies aussi bien que dans Le Moine ? Quel auteur a osé pousser le vice aussi loin que Lewis ? Son récit s’est englué dans les thèmes les plus morbides, n’épargnant rien à son lecteur.
J’ai admiré l’audace de Lewis et l’ambiance qu’il a réussi à transmettre dans son œuvre, j’ai aimé ses personnages et son sujet osé. Mais je reprends bout à bout...

Déjà, Le Moine était à la base un roman éponyme : Ambrosio, Le Moine. Mais le protagoniste peut se nommer aussi Ambrosio, le tenté, Ambrosio, le narcissique, Ambrosio, l’infortuné... Tant de titres qui peuvent marcher ! J’ai trouvé ce moine très complet, très réaliste. Orgueilleux comme un coq mais à la fois ignorant comme un agneau, il est aussi innocent, capricieux et violent qu’un enfant.
Il accumule les conneries et les faux-pas et pourtant, pas une seule fois je l’ai détesté, prenant davantage pitié de ce personnage très tragique (quelle bonne chrétienne je fais).
Bien sûr, si je lui pardonnais, ce n’est pas à cause de Vincent Cassel sur la couverture (ce détail ne joue que 5%...), mais à cause de sa relation très complexe avec Mathilde. Je n’en dirais pas plus, mais cette femme m'a tout simplement fascinée. Déstabilisante, surprenante, riche et complexe, les moments les plus forts du roman ne se font jamais sans Mathilde. L’ombre d'Ambrosio surgit toujours à la moindre éclaircie et apporte son lot de surprises.
Forcément, ce duo ténébreux a un peu éclipsé les autres personnages... Même si je n’en garderai pas un souvenir aussi vif, je me souviendrai de la pauvre Antonia, du récit un peu déstabilisant et finalement captivant de Raymond, de la force d’Elvire, l’adorable Théodore qui apporte des lueurs dans ce roman noir et bien sûr, Agnès. Agnès qui restera enfermée dans le secret même dans ma chronique car je ne veux absolument rien dévoiler !
Sans oublier les créatures qu’on croise aux détours des pages...

« — Grand saint François ! [...] Savez-vous que le suicide est le plus grand des crimes ? Que vous perdez votre âme ? Que vous renoncez à tout salut ? Que vous vous préparez des tourments éternels ?
— Peu m’importe, peu m’importe, répliqua-t-elle avec véhémence ; ou votre main me guidera au paradis, ou la mienne va me vouez à l’enfer. »
P. 77

Tant de personnages différents des uns des autres qui connaîtront tous un destin plus ou moins jalonné de drames et d’épreuves. Matthew Lewis soulève par ces occasions des questions presque philosophiques sur les conditions humaines, la faiblesse du corps et les barrières que la religion n’arrive pas à dresser contre la violence, les passions irraisonnées et les tentations brûlantes. Il y narre aussi la déchéance ou au contraire l’apogée de certaines vies en nous épargnant, par bonheur, les questions de morale ([spoiler] par exemple, Ambrosio n’est pas puni par la justice de l’Inquisition, il est tout simplement piégé par Satan, mais ça, il était dans son collimateur dès les premiers chapitres…[/spoiler]). Bref, un programme bien intense pour tous ces acteurs.
Le style est bien évidemment dans le registre classique et les moins habitués risquent d’être rebutés, mais armez-vous de courage si les romans noirs vous attirent, foncez si vous connaissez déjà Victor Hugo ou une autre figure du classique, le roman de Matthew Lewis vaut vraiment le coup. Moi-même si j’ai mis tant de temps à écrire cette chronique, c’est que je cherchais mes mots pour exprimer combien cette histoire m’a marquée.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Tout d’abord intitulé Ambroise, ou le Moine, le roman a été écrit en seulement dix semaines en 1794 et fut publié durant l’été 1795. Son livre eut un tel succès qu’on finit par surnommer son auteur  Le Moine Lewis.
• Matthew G. Lewis aurait écrit ce livre pour sa mère, dans l’intention de la « divertir »… Il pensait à quoi alors que c’est une œuvre aussi glauque qu'une nuit brumeuse dans un cimetière ?!

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