mercredi 5 septembre 2012

Basil, de W. Wilkie Collins,



Un jeune homme s’engage dans un mariage qui ne tarde pas à se révéler un guet-apens…
Où la bonne société victorienne nous découvre le dessous -peu reluisant- de ses crinolines.
Quatrième de couverture par Phébus libretto.
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Lire du Wilkie Collins, c’était dans ma liste des 1000 choses à faire avant de mourir (numéro 327, entre Toucher le torse musclé d’un ouvrier russe stakhanoviste et Philosopher avec un ivrogne sur l’existence des poussins bleus) et bien c’est maintenant chose faîte. Et c’est bien parti pour lire d’autres œuvres de ce populaire auteur victorien.

Et un portrait de l'auteur par Rudolph Lehmann (1880) pour la route

Déjà, vous avez compris que Basil a été une bonne découverte pour moi. Une très bonne je dirai même. Peut-être pas excellente, mais il s’agit de mon premier Collins et selon les rumeurs, la Dame en Blanc et Pierre de Lune sont eux excellents. Mais venons en au fait : Basil, malgré le bon moment que j’ai passé, ne serait pas à mettre dans n’importe quelles mains. J’entends par là qu’on à affaire à du classique pur et dur, le roman victorien dans toute sa splendeur. Ceux qui ne s’entendent pas avec le genre et fuient les classiques comme la peste et bien, il vaut mieux ne pas s’approcher de Basil.
Enfin, je ne dirai pas que vous ratez quelque chose (enfin, presque), car comme on dit, chacun ses goûts.

Maintenant, je m’adresse à vous, mes précieux amis, passionnés de classique et de littérature victorienne. Déjà, j’avoue que mon admiration pour l’auteur W. Wilkie Collins a été imminent dès la préface qui s’intitule « À l’honorable Mr. Charles James Ward ». J’ai ressenti un véritable élan de sympathie en lisant ce paragraphe :

« Aux personnes qui refusent les principes généraux exposés ici ; qui estiment que le romancier n’a d’autre rôle que celui d’amuseur ; qui répugnent à trouver dans les livres des allusions honnêtes et sérieuses à des sujets auxquelles elles pensent dans le particulier et qu’elles évoquent partout en public ; qui voient des sous-entendus là où il n’y en a pas, et des insinuations inconvenantes qui n’existent pas davantage ; qui placent leur innocence dans le verbe, et non dans la pensée ; dont la moralité réside au bout de la langue, sans jamais aller jusqu’au cœur ; à ces personnes, je considérerais comme une perte de temps ou pis encore d’offrir de plus amples éclaircissements quant à mes motifs que ceux, bien suffisants, que j’ai déjà exposés [dans les paragraphes précédents la citation]. Ce n’est pas à elles que je m’adresse dans ce livre, et jamais je n’envisagerai de m’adresser à elles dans aucun autre. »

Sans grande raison d’ailleurs, mais je me suis tout de suite sentie proche de l’auteur qui prend son rôle très à cœur dans son travail et donne de la richesse à des avis sincères habillés de récits fictifs. Bref, Mr. Collins, dès que je vous croise au paradis, on va boire un verre tous les deux (ou on ira dans un opium den à la rigueur).

Et après cette longue intro concernant la découverte de l’auteur, j’expose enfin mon avis concernant Basil.
Première édition du roman,
Datant de 1856
Si mon opinion, en fermant le livre, s’est révélé positif, ce n’était pas le cas au début… Disons que le narrateur prend énormément de temps à installer le décor. Et quand je dis énormément, c’est qu’il faudra attendre d’être arrivé à la moitié du livre pour découvrir le véritable intérêt : le drame qui attend notre héros et ses compagnons. Sinon, durant toute la première partie, ce n’est que descriptions des alentours, récits linéaires sur le quotidien d’un brave gentleman qui passe ses journées dans l’oisiveté et qui tombe amoureux de la façon la plus simple qui soit.
Pas particulièrement palpitant quand on pense que Collins est considéré comme un des précurseurs du roman à sensation. Ça fait même tache en fait.
Heureusement, ces longueurs sont rattrapées par un atout qu’on trouve rarement dans un livre : du talent. Dans Basil, la narration est soutenue avec un certain style loin d’être plat, sans pour autant en faire des tonnes. Et pourtant, il s’agit d’un ouvrage qui, selon son auteur, souffre d’un manque de maîtrise, encore novice… Tudieu. Faudra que je lise ses ouvrages les plus populaires alors !

Enfin, une fois passé ce dur labeur qu’on traverse avec indulgence et patience, les doutes arrivent. Rien n’est révélé dans Basil, tout est gardé, on laisse mijoter l’inquiétude avant les vagues de frissons. Je ne révélerai rien de ce qui s’y passe, naturellement, mais les retournements de situation et les réponses se sont avérés très efficaces sur moi. En gros : un puzzle prenant et dont la conclusion n’arrive qu’à la fin. 

Les relations abordées (notamment celle de Basil et sa femme, Margaret) m’ont totalement ému, car elles poussent les sentiments à l’extrême et ne laissent pas insensible. Car au fond, on redoute de vivre ce que vivent les pantins de Basil. De plus, Collins met une telle force dans les dialogues que les lire ont eu autant d’effet que si les paroles m’étaient adressées :

Petit faible pour la couverture
de Phébus (j'aime cette édition ♥)
« - C’est parce que je vous ai compris, monsieur, que je pars. J’ai mérité votre colère, et je me suis soumis sans un murmure à tout ce qu’elle était capable de m’infliger. Si vous ne voyez dans ma conduite envers vous aucune atténuation de ma faute, si vous ne pouvez envisager la honte et le tort que j’ai subis sans qu’un peu de pitié se mêle à votre douleur, je crois avoir le droit de demander que votre mépris soit silencieux, et que les dernières paroles que vous m’adressez ne soient pas des paroles d’insulte. »
p. 208



J’aborde d’ailleurs un point que j’ai aimé dans le roman : les personnages. Je ne parlerai que de Basil pour ne pas gâcher la surprise : Basil est donc le gentleman par excellence de l’époque victorienne et réunit à lui tout seul tout l’esprit de l’époque. Jeune et romantique, innocent et naïf, passionné mais bon malgré tout. En bref : j’ai été touchée par le personnage, de même que j’ai adoré Margaret, Mrs. Sherwin, Clara, Mannion… En fait, j’ai même été incapable de détester les personnages les plus abjectes (sauf peut-être Mr. Sherwin au vu de son comportement vis-à-vis de son épouse, vous comprendrez pourquoi en le lisant).

En quelques mots, Basil a été une bonne découverte, un plaisir qui a nourri mon amour pour les romans victoriens puisque ce livre réunit passion douloureuse, romance tragique et mesquinerie hypocrite. Très dans la lignée de Jane Eyre (en plus bref) en fait : ou du moins, ce que j’ai ressenti en lisant Basil a été aussi fort que lorsque j’ai lu Jane Eyre.
Bref, esclaves de la littérature victorienne, jetez-vous sur Basil et possiblement, les autres romans de Collins.

J'en profite pour inclure ce billet comme étant ma première participation au challenge Victorien (vous me connaissez, je résiste pas à ce siècle) dans la section Charles Dickens, organisé par Arieste (mille mercis à elle d'ailleurs). Tout est expliqué sur cet article si vous voulez nous rejoindre !



             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il s’agit du second roman de W. Wilkie Collins, qui remua toute la population de Londres si paisible et, vous le savez, sans reproche. Bien entendu. Non, plus sérieusement : Basil aurait fait scandale car il dénonce le mécanisme hypocrite du mariage de l'époque, les dangers des sociétés basses et hautes, etc. Bref, pas de quoi nous faire rougir, nous, bêtes dévergondées du XXIème siècle.

2 commentaires:

  1. de cet auteur je n'ai lu pour le moment que l'hôtel hanté que j'ai adoré, je retiens donc Basil pour renouveler l'expérience :)

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    1. Ce roman-là m'a complètement emballée mais je n'avais que entendu parler de Pierre de Lune et La Dame en Blanc (J'ai Sans Nom aussi sous le coude), le titre L'Hôtel Hanté me fait de l'oeil, donc il va falloir que je me décide lequel lire ensuite !

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