lundi 25 mars 2013

Contes Fantastiques des Pays Celtes, de Gérard Lomenec’h,

Tous les représentants du monde fantastique ont rendez-vous avec les rêveurs de chimères celtiques: géants d’Irlande, elfes danseurs, banshees, mais encore les cluricaunes faux-monnayeurs, follets d’Écosse et autres femmes cygnes. Aussi ne s’étonne-t-on pas que Shakespeare ait puisé à ces sources, et que Walter Scott emprunte aux traditions des Highlanders ses récits les plus dramatiques. L’amour du surnaturel était très vif chez les Gaëls et les Bretons. La mythologie celtique est riche en divinités des eaux, mermaids, merrows et autres kelpies. Comme au temps des Thuatha De Danann, géants, sorcières, animaux monstrueux et prodiges de toutes sortes hantent la nuit les routes, les carrefours et les lacs. Irlandais et Gallois se figent à l’évocation des duitahans, personnages décapités qui viennent de l’Autre Monde. De toute façon, on évitera d’errer dans la campagne la veille du 1er mai au risque de se voir enlever par les Fairies. Pour s’en rendre invisible, il faut être assez favorisé du hasard et posséder un trèfle à quatre feuilles…

Rassemblés et présentés par Gérard Lomenec’h, ce recueil propose plus de soixante-dix contes issus de la tradition des sept pays celtiques où se mêlent l’étrange, l’effroi et le mystère…
Quatrième de couverture par Terre de Brume.
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Kelpie sous sa forme féminine, par Herbert James Draper (1913)
« - […] vous ne seriez pas Jack Myers, qui s’est noyé il y a sept ans au gué d’Ah-na-Fourish ?
- Supposez que je le sois, répliqua-t-il ; un homme n’a-t-il pas le droit de se noyer en face de sa maison le jour qu’il lui plaît, depuis le dimanche matin jusqu’au samedi soir ? »
P. 218

Je pense que je ne me lasserai jamais des mythes et des légendes celtes, bien qu’il serait plus agréable de les entendre dans un pub ou au coin d’un feu au lieu de les lire en solitaire. Malgré cela, j’ai passé un très bon moment en compagnie de Gérard Lomenec’h avec les récits fantastiques qu’il nous sert dans Contes Fantastiques des Pays Celtes.

Déjà, j’ai beaucoup aimé la présentation du livre : divisé en cinq chapitres, Contes Fantastiques des Pays Celtes propose des nouvelles réunies par thème avec en introduction un petit aperçu de ce qui suivra. En bonus, complément de vocabulaire, explications de certaines croyances, précisions sur les nouvelles… C’est pourquoi je divise cette chronique en cinq parties aussi et je réserverai une sixième partie pour la conclusion pour une impression globale du recueil :

Midsummer Eve, par Edward Robert Hughes (1908)

Le Chapitre I est consacré aux êtres les plus populaires : les Fairies ou les elfes espiègles avant que Tolkien ne les transforme en êtres divinement beaux et gracieux. Cela dit, malgré la popularité d’Arwen, Galadriel ou Elrond, la plupart des curieux savent que les elfes étaient également des lutins farceurs, des fées minuscules, etc. Forcément, je n’ai pas eu beaucoup de surprise au cours de la lecture de ce premier chapitre et je l’ai même trouvé assez monotone. En revanche, j’ai eu un énorme coup de cœur pour la légende de Thomas Le Rimeur, nommée Thomas le Rimeur et la Reine des Elfes (Irlande)* dans Contes Fantastiques des Pays Celtes. J’ai découvert ce mythe l’an dernier en tombant sur une musique composée par Cécile Corbel qui se nomme The King of the Fairies. J’avoue que je préfère cette version lyrique, plus poignante et plus conservatrice (dans l’ouvrage Contes Fantastiques des Pays Celtes, je trouve que le nom de Reine des Elfes porte à confusion à cause de l’image qu’on a désormais des elfes depuis les ouvrages de Tolkien, Fairies est selon moi un thème plus fidèle). Attention cependant à ne pas confondre la mésaventure de Thomas le Rimeur avec celle du chevalier dans La Belle Dame sans Merci : les deux légendes se ressemblent beaucoup mais chacune à sa magie propre.

Thomas The Rhymer, par Thomas Canty

J’ai beaucoup aimé Les Elfes Danseurs de Cae-Caled (Pays de Galles) aussi, pour son côté légèrement terrifiant, tendant vers les frayeurs d’enfant.
* Contes Fantastiques des Pays Celtes désigne Thomas le Rimeur et la Reine des Elfes comme étant un conte irlandais, or j’en doute puisque Thomas le Rimeur était un poète écossais et que la plupart des sources désignent ce conte comme étant d’Écosse à la base.
Le Chapitre II aborde des créatures moins connues du folklore celte : les êtres de l’eau. Il y a bien sûr les sirènes (ou pour respecter les origines irlandaises et écossaises : les merrows), à la différence que ce peuple marin possède des chapeaux rouges qu’un mortel peut dérober pour visiter leurs villes sous la mer sans risque la noyade. Mais il y a aussi les redoutables kelpie, les nuckelavee et les îles qui disparaissent et réapparaissent à différentes époques. Forcément, ce chapitre était plus agréable car avec plus de découvertes, plus de diversité. On passe de légendes touchantes sur des métamorphoses, comme La Truite Blanche (Irlande) à des contes mythologiques comme La Légende de Tamara (Cornouailles) qui racontent les origines fantastiques des rivières Tamar, Tavy et Tawr près de Plymouth.

La rivière Tamar serait à l’origine une nymphe du nom de Tamara qui avait pour amants deux frères géants Tavy et Tawrage.

D’autres légendes touchent à un aspect géographique comme La Ville Engloutie (Gallice) et Le Château Suspendu dans les Airs (Bretagne)… Quoique pour ce dernier, bien que très sympathique et digne à être raconté, je n’ai pas trop compris pourquoi il était placé dans le chapitre concernant Les Créatures de la Mer puisqu’il y a très, très peu de rapports ?
Sans oublier les nouvelles plus brèves mais toujours très agréables comme Le Vieillard de Corentin (Cornouailles) et La Mermaid (Îles Shetlands) qui est mémorable grâce à la réplique finale de la mermaid de cette courte nouvelle.

Un Kelpie dans sa forme réelle, par Tygwa sur DeviantArt
Le Chapitre III, Des Temps Aventureux est digne des légendes grecques de l’Antiquité : ce genre d’histoires avec des retournements de situation complètement incongrus et qui semblent pourtant bien normal pour le narrateur et ses personnages. Mais malgré quelques situations un peu tirés par les cheveux (où le narrateur vous prend aussi franchement pour un con), deux nouvelles m’ont énormément plu : celle des Douze Oies Blanches (Irlande) et La Demoiselle-Biche (Gallice). La dernière se finit en fait très mal et ça fait plaisir (excusez le terme) car la plupart des contes connaissent des happy ending : sauf que les fins tristes, quand c’est bien mené comme dans La Demoiselle-Biche, ça se refuse pas.

Le Chapitre IV est, sans surprise, un de mes préférés puisqu’il s’intitule Cohortes de la Nuit. Ou plus franchement : légendes à raconter durant un soir d’Halloween. Évidemment, les Banshee sont ici abordées, mais pas que ! Les démons sont aussi invités, les fantômes et le très populaire Cavalier sans tête fait même une apparition. J’ai beaucoup aimé Le Maître et son Élève (Irlande) qui est assez hilarante (Béelzébuth qui fait rire, c’est assez extraordinaire). D’autres font quant à elles un peu plus flipper, comme Le Fantôme de Gloddaeth (Pays de Galles), lu à minuit, c’est sacrément efficace ! La Légende de la Banshee (Irlande) aussi m’a plu, bien que classique et enfin, Le Doreur et le Diable (Bretagne) dont la fin était très bien trouvée.

Halloween, artiste inconnu

Et enfin, le Chapitre V qui se nomme l’Or du Temps qui a un thème moins évident que les autres mais qui regroupe des légendes plaisantes. Le Puits aux Têtes d’Or (Écosse) est celle que j’ai préféré car j’ai l’impression qu’elle divulgue discrètement une petite morale de fin où les notions de bien et de mal, gentil et méchant sont très relatives au bout du compte.

En somme, Contes Fantastiques des Pays Celtes est un recueil qui souffre d’une certaine monotonie mais il y a quelques perles que je retiens encore. Il permet de découvrir des mythes et des créatures symboliques oubliés et le lecteur étranger peut donc se familiariser avec les légendes des contrées celtiques.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Gérard Lomenec’h est avant tout musicien et musicologue.
• Fnac nous ment en affirmant que les tirages sont épuisés, par chance, l'ouvrage est toujours disponible sur le site des éditions Terre de Brume.
En bonus, King of the Fairies par Cécile Corbel →
À savoir cependant qu'il existe beaucoup de morceaux celtiques nommés King of the Fairies

4 commentaires:

  1. Concernant Thomas, je te conseillerai bien "Thomas le Rimeur", d'Ellen Kushner, j'en garde un souvenir très lyrique et visuel personnellement ;)

    Les Kelpies font parties de ces créatures que j'adore et qui me fascinent, je pense jeter un oeil à ce recueil en tout cas !

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    1. Je connais l'ouvrage d'Ellen Kushner, oui, mais le résumé ne me tentait pas plus que ça comme je craignais que l'auteur brode un peu trop autour de la légende en elle-même, je verrai si je change d'avis à mesure du temps.

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  2. Je note ce titre dans un coin de ma tête, et le rajoute par précaution dans ma wish au cas où, car ce recueil me fait bien envie et d'après ce que tu en as dit, il l'a l'air plutôt intéressant, d'autant plus que le folklore celte des pays anglophones (et plus particulièrement l'Irlande et l'Ecosse) m'attirent, et ça m'a l'air d'être une occasion de découvrir des histoires celtiques et de découvrir des créatures de ce folklore que je ne connais pas ou peu.

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    1. Il est très complet concernant le folklore celtique, oui ! Si toutefois tu ne le trouves pas autrement que sur le site de l'éditeur, je pense que tu peux te rabattre sur d'autres ouvrages édités par Terres de Brume, ils ont diverses collections comme Bibliothèque Celte, Terres Fantastiques, etc. où il y a beaucoup de livres sur le même thème. Ça fait déjà deux que je lis et c’est très complet. En plus, sur le site, il n’y a vraiment sur l’embarras du choix !

      Une autre méthode aussi infaillible pour connaître des légendes si tu veux : les groupes de musique celtes. Je ne compte même plus le nombre de récits que j'ai découvert grâce à la chanteuse Loreena McKennitt !

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