lundi 8 janvier 2018

Fleur de tonnerre, de Jean Teulé,

Ce fut une enfant adorable, une jeune fille charmante, une femme compatissante et dévouée. Elle a traversé la Bretagne de part en part, tuant avec détermination tous ceux qui croisèrent son chemin : les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants et même les nourrissons. Elle s'appelait Hélène Jégado, et le bourreau qui lui trancha la tête le 26 février 1852 sur la place du Champs-de-Mars de Rennes ne sut jamais qu'il venait d'exécuter la plus terrifiante meurtrière de tous les temps.
Quatrième de couverture par Audiolib.
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"Bizarre" est un mot qui revient assez souvent dans les critiques de Fleur de tonnerre, en bien ou en mal. "Bizarre" est un mot qui revient même souvent quand on parle de Jean Teulé, tout simplement. Donc j’éviterai d’utiliser le terme dans ma chronique : déjà parce que, étant prévenue, je ne l’ai pas trouvé si étrange que ça et ensuite, Fleur de tonnerre est agréablement étrange.

Il y a de ces histoires qui passent toujours mieux en audiobook : Fleur de tonnerre en fait partie, sans le moindre doute, vu la narration très animée qui rappelle une légende celte. Si j’avais commencé initialement ce roman parce qu’il a pour sujet une empoisonneuse en série française du XIXème siècle, j’ai été surprise de voir que Teulé ne s’aventurait ni sur un policier, ni sur une réflexion criminelle : l’auteur exploite pleinement le cadre breton et nous entraîne dans des relents mystiques propres à cette région.
Fleur de tonnerre est le roman d’apprentissage venimeux d’Hélène Jégado, un livre qui retrace sa vie ponctuée par des empoisonnements provoqués selon ses envies hasardeuses. Ce schéma qui se répète fait penser à un road-movie le long des côtes bretonnes, sans analyse psychologique et peu d’historique : Fleur de tonnerre accorde bien plus d’importance à l’esprit de la Bretagne et son folklore, une place privilégiée étant accordée à Ankoù, l’équivalent de la faucheuse avec une brouette. Mais il y a également le vocabulaire breton, les villes bien connues et un choc culturel entre les bretons et les français venant de l’Est (qui est assez comique à certains moments d’ailleurs).

Ceci dit, Jean Teulé ne néglige pas le côté criminel et reprend quelques codes qui font du criminel un personnage fascinant (malgré une conclusion très perturbante). Hélène Jégado partage un délire de destiné avec Raskolnikov, le protagoniste de Crime et Châtiment : elle s’imagine être née pour tuer, elle est née pour être Ankoù. Mais sous ce vernis de légende se cache une once de vérité que j’ai appréciée : Teulé raconte une enfance à la fois traumatisée et fascinée par la mort (une enfance partagée (et prouvée) par des tueurs en série plus modernes) qui est à l’origine de la quête de Jégado.
Peut-on vraiment comprendre les motivations de Jégado ? Pas vraiment : il faut juste prendre en compte cette fascination et suivre cette empoisonneuse dans son délire.

Mais si je devais reprocher quelque chose, c’est la répétition : certains événements se démarquent (la fois où Jégado tombe amoureuse, quand elle apprend que Napoléon "a tué des millions de personnes" sans y croire, etc…) mais la succession reste tout de même assez linéaire.
Hélène Jégado est sympathique mais quelque chose m’a dérangée et là, je blâmerais le narrateur plutôt que l’auteur : Jean-Christophe Lebert, lorsqu’il lit les lignes de Jégado, s’efforce de prendre une voix fluette et douce mais qui sonne beaucoup trop forcée, ce qui est dommage puisque le personnage est très prometteur.

Retenez donc de Fleur de tonnerre un récit basé sur un fait divers qui est animé grâce à une plume originale, plus que l’histoire mais après tout, l’auteur s’en tient aux faits et n’avait pas à changer la vie d’Hélène Jégado, celle que l’on surnommait la Brinvilliers Bretonne et qui possède probablement le record d’empoisonnements.
Une vraie Ankoù qui a tiré sa charrette et laissé un sillon funèbre derrière elle.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Jean Teulé a été invité la 13 janvier 2017 à l’émission de RTL L’Heure du crime, présentée par Jacques Pradel, pour parler d’Hélène Jégado aux côtés de Stéphanie Pillonca-Kerven et Philippe Dagron. Vous pouvez écouter, voire télécharger, l’émission ici !


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