lundi 23 septembre 2013

Des Délits et des Peines, de Cesare Beccaria,



Pour ma première chronique dans la section psycho'n'crimino, Des Délits et des Peines de Cesare Beccaria, en italien Dei delitti e delle pene, est à l'honneur. Quoiqu'il faut l'avouer tout de suite : il s'agit surtout d'un ouvrage de référence pour les juristes novices et Cesare n'aborde pas une seule fois les paraphilies d'un pédophile ou les idées confuses d'un schizophrène (surtout pas à son époque), mais il est toujours bon de connaître les racines du système juridique surtout lorsque l'on veut s'y frotter, car le Droit n'a pas toujours été un pouvoir noble et juste.
(Comme aujourd'hui, m'voyez ?)

« C’est là une de ces vérités évidentes qui n’ont besoin pour être découvertes ni de cadrans ni de télescopes, mais sont à la portée de toute intelligence moyenne, et qui cependant, par un concours de circonstances étonnant, n’ont été reconnues avec une sûreté décisive que par bien peu de penseurs dans toutes les nations et dans tous les siècles. »
P. 77

Conseillé par un excellent professeur de Droit (je l'encense, ce Mr. S., mais il le mérite, croyez-moi, en plus, c'est un fan de McGiver), Des Délits et des Peines est un ouvrage que je conseille à mon tour aux personnes qui, sans entamer pour autant des études en Droit, s'intéressent à l'Histoire de la Juridiction.
Déjà parce qu'il s'agit d'un ouvrage authentique, d'époque et qui, loin d'être épais (il ne fait en vérité que 180 pages), a le mérite d'être clair et concis.
Tranché en plusieurs chapitres avec des thèmes visés (entre autres : les témoins, la durée d'une procédure, la complicité, etc.), Beccaria énumère les situations et fait du cas par cas. Il se concentrera pourtant sur un point essentiel car son ouvrage a un but particulier : dénoncer l'injustice dont font preuve les juristes (c'était la belle ironie de l'époque). Et en effet ce jeune italien, qui n'avait que 26 ans au moment de publier Des Délits et des Peines, fût le premier à réagir face à l'abus de pouvoir dans le système judiciaire, car le cliché de la torture moyenâgeuse existait bel et bien, sans oublier les lois qu'un juriste pouvait modifier pour son bon plaisir en plein procès, la rédaction des lois volontairement ambigüe qui aboutissait surtout par l'interprétation ou encore les avantages portées par l'analphabétisme courant de l'époque...
Pour faire simple, les procédures se basaient surtout sur des ressentis avec deux issus : au choix, "Toi là-bas, j'aime bien ta gueule, tu es donc innocent" contre "Toi t'es laid comme un poux, t'étais à 40 kilomètres au moment du fait criminel mais t'es coupable quand même".


On remerciera donc Beccaria d'avoir dénoncé ce Code Pénal (ou devrais-je écrire ces codes pénaux ?) customisé comme une garde-robe ou un portable. Mais on peut également remercier ceux qui ont soutenu ce philosophe, chez qui on peut compter Voltaire et Diderot, car c'est ainsi que Des Délits et des Peines frappa le Droit d'une révolte intellectuelle. Bien entendu, pour les lecteurs d'aujourd'hui, l'ouvrage pourra sembler niais et évident mais il faut se remémorer absolument le contexte historique ! Pour ma part, je reprocherai peut-être une certaine naïveté de la part de Beccaria (peut-être volontaire pour sensibiliser) puisqu'à travers ses lignes, on touche surtout à l'exemple de l'innocent faible mentalement (qui avouera forcément et injustement sous la torture) et du criminel insensible (qui est trop badass pour le berceau de Judas et qui avouera rien du tout). Bref, chez Beccaria, c'est rarement l'inverse dans les rôles mais je suspecte là un moyen de vouloir sensibiliser ses auditeurs.

« Un homme ne peut être déclaré coupable avant la sentence du juge, et la société ne peut lui retirer sa protection tant qu’on n’a pas établi qu’il a violé les conditions auxquelles elle lui avait été accordée. Quel est donc le droit, si ce n’est celui de la force, qui peut donner à un juge le pouvoir de faire subir un châtiment à un citoyen, alors qu’on est encore dans le doute quant à sa culpabilité ou à son innocence ? »
P. 96

Des Délits et des Peines est donc un excellent ouvrage d'introduction au Droit je dirais, datant de l'époque où la Justice a subi son plus gros changement et surtout, le plus prometteur. Beccaria apporte les bases, les fondations du Droit que l'on connaît aujourd'hui. Et puis, si vous tombez sur quelqu'un d'une philosophie trop bourrine et trop cruelle, vous pourrez lui ressortir les arguments de Beccaria et, avec un peu de chance, le raisonner.


             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Sorti en 1764, Des Délits et des Peines est donc téléchargeable en divers format pour l'ordinateur ou la liseuse (et bien entendu, gratuitement et légalement, ce serait horrible de vous inciter à la piraterie après un tel article, héhé~)
• NOTE : Toutes les chroniques de livres en rapport avec la Psychologie ou la Criminologie se trouve dans l'onglet "Bouts de Papier".

(si comme moi, vous voulez l'ajouter à votre bibliothèque)

2 commentaires:

  1. Moi même juriste je trouve que pour l'époque de cet ouvrage ce livre est absolument riche et bien qu'évidemment je l'ai lu une fois traduit, je le trouve très juste et accessible contrairement à ce que j'avais souvent entendu (des personnes pas aussi passionné que moi du sujet certainement). En effet, ce livre n'est pas exclusivement destiné aux juristes, justement du fait de cet accessibilité. J'ai beaucoup aimé ma lecture je viens de le finir et comptais faire un article justement après avoir donné ma note sur livraddict et ainsi avoir découvert ton blog :) Merci beaucoup pour ton point de vue ! Ce livre est beaucoup plus riche que ce qu'un grand nombre pourrait penser et ainsi nous permettre de ne pas reproduire des erreurs du passé, car après tout, c'est bien ce à quoi sert l'histoire n'est-ce pas ? ;)

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    1. C'est vrai qu'il peut demander un attrait pour le monde juridique, mais il est très clair, court et les chapitres défilent vite donc pour un livre du XVIIIème, il est très accessible, je suis entièrement d'accord !

      Absolument ! C'est juste dommage d'entendre des gens dire "L'histoire ? Pfeuh, on y était pas, on s'en fout" (c'est du vécu !), comme quoi, un Beccaria² du XXIème sera peut-être obligé d'écrire un livre semblable dans quelques décennies...

      Je passerai à l'occasion voir ta critique, ça fait un moment que je l'ai lu, ça me rappellera des souvenirs :D

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