vendredi 14 mars 2014

Arthur, Lancelot, le Graal : Le Grand Roman, de Christine Ferlampin-Acher et Denis Hüe,

L'histoire du monde arthurien est un univers où les trajectoires des héros se croisent sans fin, où les versions des histoires se reprennent et se modifient sans cesse, depuis les premiers chroniqueurs jusqu’aux versions modernes. Au milieu de ces récits, un cycle de textes constitue le cœur de la légende ; il n’est pas le plus ancien, mais il sait rassembler à la fois Arthur et le Graal, Lancelot et Guenièvre, Perceval et la Table Ronde, et les inscrire dans une histoire qui va de la passion du Christ à la mort d’Arthur, et traverse cinq ouvrages essentiels : L’Histoire du Graal, Merlin, Lancelot, La Quête du Graal, La Mort du Roi Arthur.
Ce vaste ensemble n’est pas encore complètement traduit, et même ses résumés sont peu accessibles au grand public ; on en trouvera ici quelques-unes des pages les plus marquantes, fidèlement restituées.
Quatrième de couverture par Éditions OUEST-France
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Vision du Saint Graal, par William Morris (1890)

Cela fait déjà un sacré moment que j’ai envie de me plonger dans les légendes arthuriennes sans passer par les réécritures modernes et c’est dans la fameuse libraire Le Bleuet que je suis tombée sur ce recueil qui élabore et résume les récits de Chrétien de Troyes. Je n’ai encore rien lu de Troyes pour le moment, mais Arthur, Lancelot, le Graal : le Grand Roman ne semble pas altérer les aventures des chevaliers de la Table Ronde. Je ne sais donc pas si les retranscriptions sont véridiques et si tous les éléments ont été conservés, mais quoiqu’il en soit, j’ai passé un très, très bon moment.

Je ne voulais absolument pas d’une réécriture moderne, pas de Cycle d’Avalon, pas de Prince du Graal, que de l’officiel, que du véridique et je n’ai pas été déçue : les résumés de Christine Ferlampin-Archer et Denis Hüe, deux professeurs de littérature médiévale spécialisés dans les légendes arthuriennes, ont même conservé le penchant absurde et les réactions excessives qu’on ne rencontre que dans les vieux mythes. Je ne compte plus le nombre de fois où Lancelot du Lac se rue dans la forêt par désespoir et espère la mort en errant pendant des jours, voire des semaines.
Le livre est également structuré, on a tout d’abord L’Histoire du Graal qui possède, évidemment, un côté religieux beaucoup plus prononcé que les autres récits. Il faut le prendre vraiment comme un préambule dans des temps encore plus reculés que ceux du roi Arthur et ses chevaliers. Si je n’ai pas détesté cette partie, je ne l’ai pas aimé non plus mais par chance, le récit qui tourne autour du vase sacré est très bref.
Vient ensuite Merlin, un récit que j’ai vraiment adoré notamment à cause du fameux enchanteur. Il faut reconnaître que, pour son époque, Merlin est un personnage particulièrement unique car possédant des pouvoirs démoniaques, il ne sert pas moins Dieu et tout ce qui doit représenter le Bien, ce qui lui confère un certain charisme et beaucoup d’originalité. Bref, un personnage que j’adore déjà.

S’ensuit ensuite un livre qui plonge cette fois définitivement dans la légende de la Table Ronde : Lancelot. On rencontre alors un des plus célèbres chevaliers, celui qui illustre si bien le guerrier valeureux et vertueux (enfin, sauf quand Guenièvre est dans les parages où il devient un membre du cercle des gros émotifs anonymes). Ravie de lire les aventures de cet illustre défenseur du peuple, j’avoue que je me suis attachée à ce personnage plein de contradictions et très riche. J’ai également été touchée par la fameuse Dame du Lac et de sa relation avec son protégé.

De gauche à droite : Lancelot passant le pont de l'Épée (enluminure, vers 1475), Lancelot prenant la Douloureuse Garde (enluminure, date ?) et Lancelot et l'Humiliation de la Charrette (enluminure, vers 1475) qui a donné le fameux titre Le Chevalier à la Charrette.

Et on entre enfin dans le vif du sujet avec le roman de La Quête du Graal. J’ai été un peu déstabilisée (mais complètement captivée) car je ne m’attendais pas à tant de drames : si les chevaliers sont preux et presque surhumains avec leurs duels qui durent des heures et des heures, leur armure rutilante ne reste pas éclatante bien longtemps. Je n’imaginais pas que certains s’entretuaient en fait dans l’aventure ! Mais j’aime les tragédies et La Quête du Graal connaît en fait une bien triste conclusion.
Bien sûr, la quête n’est pas seulement menée par Lancelot, le lecteur rencontre un autre chevalier dont je connaissais peu de choses (notamment la naissance accidentelle) de Galaad, le fils de Lancelot, bien plus pur, bien plus valeureux. Malheureusement, trop de perfection fait que ce protagoniste m’a laissée un peu indifférente…
Quant aux autres, je déplore surtout l’absence du roi Arthur, car le titre Lancelot, le Graal, Arthur : Le Grand Roman aurait été plus juste. Le lecteur croise aussi Perceval, Bohort que j’ai beaucoup apprécié et Gauvain dont le caractère violent et acharné, bien différent de celui de ses collègues, m’a beaucoup étonnée.
Les femmes ont également leur place, il y a bien sûr Guenièvre dont le rôle est assez ambivalent : je l’appréciais à de nombreux passages, mais à d’autres, elle paraissait assez transparente. J’ai davantage apprécié Morgain (dite aussi Morgane) en fait et la Dame du Lac.

Premier baiser de Lancelot et Guenièvre (entre 1404 et 1460)

L’ouvrage se conclut enfin avec La Mort du roi Arthur (plus souvent orthographié en Le Morte d’Arthur) où cette fois, on profite pleinement de la présence du roi de Bretagne. Peut-être un peu long, le récit est quand même rythmé par de nombreuses batailles et affrontements. Si La Quête du Graal était déjà assez sombre, ce n'est rien comparé à La Mort du roi Arthur où on sent que la fin approche et en l’espace de 300 pages, j’ai eu le temps de m’attacher à chaque personnage et la conclusion de chacun tire les larmes des yeux.

La confrontation de la Joyeuse Garde.

En somme, c’est un livre entaché par quelques défauts qui sont pardonnables à cause de l’époque et de la difficulté de réunir fidèlement les exploits des chevaliers de la Table Ronde, cela ne m’a pas empêché de passer un excellent moment avec des passages marquants, entre la tapisserie de Lancelot, son voyage en charrette, les prophéties de Merlin, le procès de Guenièvre, les erreurs de Gauvain, le cimetière près de la Douloureuse Garde et j’en passe…
Bref, le coup de cœur était proche, si seulement Lancelot avait un peu laissé la scène à Arthur et aux autres chevaliers.

Comme l’enluminure Arthur retirant l’Épée puis est couronné Roi de Bretagne a servi à la couverture, je pense que je ne me trompe pas si je lie cette chronique à l'Idée 130 du Challenge des 170 Idées et je rajoute évidemment le Challenge des Légendes Arthuriennes :

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
 • Christine Ferlampin-Acher et Denis Hüe proposent, dans l’introduction, une lien pour lire des traductions des récits arthuriens (cela dit, ils sont en ce moment indisponibles mais reviendront peut-être). Il y a un second lien mais n’étant plus valide, je ne juge pas essentiel de le laisser...

2 commentaires:

  1. Je ne connaissais absolument pas ce titre mais ta chronique est très convaincante, je me laissera tenter :D

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    1. C'est très efficace pour connaître "les grandes lignes" et le tout assemblé en un seul livre ! J'espère qu'il aura le même succès auprès de toi ;)

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