lundi 22 mai 2017

Six mois dans la vie de Ciril, de Drago Jančar,

Un matin, Ciril joue la Marche turque de Mozart dans le métro de Vienne et croise l’étonnant Štefan Dobernik – slovène comme lui. En quelques secondes, la vie du jeune violoniste bascule Le lendemain, il rentre à Ljubljana dans la voiture de Štefan et devient son plus proche conseiller au sein de l’énigmatique D & P Investments. Là, il retrouve ses rêves et ses amours d’étudiant, passés au moulin du temps. Son épopée dérisoire ne dure que six mois, mais ceux-ci veulent tout dire…
Quatrième de couverture par Phébus.
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« Et elle attend que ça s’éclaircisse. Entre elle, Štefan et la femme de Štefan. Que Štefan n’aime plus, depuis longtemps déjà, pourtant il vit avec elle et ajourne toujours la décision qu’il aurait dû prendre il y a belle lurette. La décision, c’est se séparer de cette femme auprès de qui il vit et ensuite vivre avec elle qui n’est pas ici pour, éternellement, se cacher et attendre. Štefan peut prendre des décisions, ça, elle le savait bien, tous les jours, de grandes décisions, mais cette décision-là, manifestement il n’est pas capable de la prendre. »
P. 98

J’avoue que je n’aurais jamais lu ce livre (ou ne serait-ce qu’un auteur slovène) sans La Comédie du Livre 2017 : forcément, c’est grâce à eux que j’ai découvert ce très bon roman et je les remercie de m’avoir offert Six mois dans la vie de Ciril. Sans compter que j’ai accompagné l’auteur durant sa visite du salon et j’ai été ravie d’avoir eu cette fonction.
Alors un grand merci !

J’avoue encore que je n’étais pas très partante au début de cette lecture : ce n’est pas le genre de roman que j’ai l’habitude de lire et je n’en connais pas assez sur l’histoire de la Slovénie, j’avais peur d’être perdue. Mais finalement, j’ai vraiment aimé Six mois dans la vie de Ciril !

Déjà, bravo pour la traduction car il s’agit d’un roman porté sur la musique, la musicalité est très présente : Ciril Kraljevič est violoniste, Mme Dobernik écoute régulièrement des opéras (plus exactement Madame Butterfly, Cio-Cio-San), les concerts viennent animer le décor… Cet univers se reflète dans l’écriture digne d’un poème où les éléments sont récurrents et se répètent comme un refrain.
Pourtant, ce n’est pas un roman avec pour thème la musique, cet art sert de fond à un thème plus social : le fait de prendre sa vie en main. Ciril est un jeune homme qui souhaite vivre de sa musique mais baisse les bras après s’être heurté à quelques refus, il est embarqué dans le monde du chantier (côté patron, pas ouvrier) et découvre une mentalité étrange, inspirée par le capitalisme. Mais les prises de décision ne concerne pas seulement le plan professionnel, elles concernent aussi la vie sentimentale.

Bon, ce n’est pas un roman qui donne envie de rire, loin de là, il est plutôt déprimant même car, sans être trash, ces six mois dans la vie de Ciril se résument à une descente aux enfers de Mai à Novembre… Finalement, Drago Jančar démontre dans ce roman ce que, selon lui, il ne faut pas faire de votre vie.
Curieusement, si Ciril en a énervé plus d’un avec son côté passif, je n’ai pas été agacée par ce personnage (qui mérite un coup de pied au derche, c’est vrai, m’enfin) : perdu dans un nouveau monde à découvrir, je comprenais sa retenue. Mais enfin, celle que j’ai beaucoup aimé, finalement, c’est la femme de Štefan : personne plein de détresse, j’ai été très émue à cette femme-là.


Un roman donc très réussi, aussi bien sur le plan littéraire que sur le plan thématique puisque Drago Jančar aborde dans Six mois dans la vie de Ciril le passage à l’âge « vraiment adulte », la recherche d’une identité (qui parlera plus aux slovènes, qui viennent d’un pays récent, qu’aux français) et l’importance de se prendre en main avec une attention soignée, jouant avec la musique des mots.
Une lecture que je conseille pour les curieux de la littérature slovène.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• L’idée de ce roman est venue à Drago Jančar lors d’un voyage à Vienne : pendant deux semaines, un violoniste jouait régulièrement, jusqu’au jour où Jančar lui a parlé en slovène, se rendant compte que le musicien était slovène également. Mais le lendemain, le violoniste n’était plus là et l’auteur est rentré en Slovénie en se demandant bien qui était le violoniste et pourquoi il n’était plus là.

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