Nous sommes en Norvège à la fin du IXe siècle, au début de l'épopée viking. Leif et Ingolf sont les fils respectifs de deux seigneurs : Rodmar et Orn. Ingolf, le sensible, le raisonnable, est de deux ans l'aîné de Leif, l'intrépide. Devant la force de leurs sentiments respectifs, les deux amis décident de se lier à la vie à la mort. Paroles d'enfants ? Non, et c'est ainsi qu'au cours d'une cérémonie officielle ils deviennent frères jurés. Désormais, ils sont responsables l'un de l'autre, se promettent fidélité et assistance. Quelques années plus tard, à cause d'une tragique histoire d'amour, les frères de cœur sont bannis des terres de Norvège par un haut dignitaire du royaume. Ils s'établissent alors sur une île lointaine qu'aucune peuplade ne semble revendiquer : l'Islande.
Quatrième de couverture par Fayard
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« C’étaient les montants du haut-siège qui l’absorbaient particulièrement. Ils prenaient une vie si étrange à la lumière rutilante du feu vespéral.Pendant la journée, ils étaient curieusement morts. On eût dit alors que l’esprit des dieux était rentré dans le bois dur et desséché. […] Mais le soir, ils prenaient vie. Les dieux revenaient ou du moins, l’esprit sortait de l’intérieur du bois et se laissait pressentir à la surface. »
P 10 - 11
Il était temps que j’écrive cette chronique, mais j’ai fini Frères Jurés malade, en période d’exams et de fêtes de fin d’année et je n’avais aucun courage à écrire mes impressions. Pourtant, j’ai passé un agréable moment et je me dépêche de vous expliquer pourquoi avant d’oublier les détails que je juge importants sur ce livre signé Gunnar Gunnarsson.
Déjà, un petit mot sur le fameux Régis Boyer, car si on oublie la plupart du temps le traducteur, Régis Boyer est tout un peu particulier car c'est sûrement le norsophile français le plus important : il a été professeur à Paris de langues, littératures et cultures scandinaves pendant près de 30 ans, cause le norvégien, l'islandais, le suédois et le danois et a dépoussiéré pour le peuple français l'Edda, les Sagas Islandaises et autres œuvres qui étaient pour les norrois ce que l'Odyssée était pour les grecs. Bref, un bonhomme dont la bibliographie intéressera tous les norsophiles grâce à sa diversité et son accessibilité.
[ci-contre, un calendrier norvégien antique (~XVème siècle) avec les jours prolongés par des annotations d'agriculture, mariages, rituels religieux...]
L'identité du traducteur annonce déjà un peu la couleur : Frères Jurés est une ode de l'auteur pour son pays d'origine, l'Islande. Quoique pas vraiment un hommage tout à fait personnel puisque Gunnarsson reprend en fait une légende de la conquête de cette Île de Glace menée par deux frères, Leif et Ingolf, récit tiré du Landnámabók, ou en français, le Livre de la Colonisation.
Enfin, frères, plutôt deux amis d'enfance très proches qui ont passé un pacte de fraternité pour veiller sur l'un et l'autre. Gunnarsson commence donc son récit par une amitié sympathique et complexe : Ingold et Leif sont peut-être amis, leurs avis divergent sur beaucoup de sujets et malgré la tendresse qu'ils se portent, les bagarres et disputes ne sont pas rares. Une amitié d'enfants qui est donc réaliste et promet de grandes étapes. Ma préférence n'a pas su trancher entre ces deux norvégiens car c'est surtout leur relation qui faisait le charme des personnages.
Quant aux autres, bien qu'assez classiques, sont tous sympathiques. Je me suis même attachée aux trois frères Atle, à Hallveig la taciturne, Vifel... Même Helga, qui m'a beaucoup émue à la fin. Tous ont l'air de puiser un peu dans le cliché, mais le cliché des légendes, des figures exemplaires et cela ne m'a pas dérangé (je peux pardonner n'importe quoi aux ancêtres, décidément...).
[ci-contre, un calendrier norvégien antique (~XVème siècle) avec les jours prolongés par des annotations d'agriculture, mariages, rituels religieux...]
L'identité du traducteur annonce déjà un peu la couleur : Frères Jurés est une ode de l'auteur pour son pays d'origine, l'Islande. Quoique pas vraiment un hommage tout à fait personnel puisque Gunnarsson reprend en fait une légende de la conquête de cette Île de Glace menée par deux frères, Leif et Ingolf, récit tiré du Landnámabók, ou en français, le Livre de la Colonisation.
Enfin, frères, plutôt deux amis d'enfance très proches qui ont passé un pacte de fraternité pour veiller sur l'un et l'autre. Gunnarsson commence donc son récit par une amitié sympathique et complexe : Ingold et Leif sont peut-être amis, leurs avis divergent sur beaucoup de sujets et malgré la tendresse qu'ils se portent, les bagarres et disputes ne sont pas rares. Une amitié d'enfants qui est donc réaliste et promet de grandes étapes. Ma préférence n'a pas su trancher entre ces deux norvégiens car c'est surtout leur relation qui faisait le charme des personnages.
Quant aux autres, bien qu'assez classiques, sont tous sympathiques. Je me suis même attachée aux trois frères Atle, à Hallveig la taciturne, Vifel... Même Helga, qui m'a beaucoup émue à la fin. Tous ont l'air de puiser un peu dans le cliché, mais le cliché des légendes, des figures exemplaires et cela ne m'a pas dérangé (je peux pardonner n'importe quoi aux ancêtres, décidément...).
D'autant plus que le caractère de chacun colle au récit typiquement viking : le livre ne nous raconte pas seulement deux amis qui partent à la conquête de l'Islande, il partage des informations sur les coutumes maritimes (par exemple que les Vikings nommaient leur knörr/drakkar selon la figure de la proue, au lieu de dire « mon bateau », il disaient plutôt « mon dragon », « mon taureau ») les traditions et rituels, religion, mentalité... À partir d'un certain moment, Frères Jurés prend même une tournure carrément documentaire tout en restant dans le romanesque, équilibrant les doses sans que ce soit lourd.
C’est la plume, par contre, qui peut paraître lourde. Je ne sais pas si c’est le style de Gunnarsson ou la traduction de Boyer, mais la lecture était assez laborieuse car lente et alourdie par beaucoup de répétitions. Par chance, ça n’altère pas l’ambiance portée par les personnages, les décors, les dialogues et les détails cités plus haut. En fait, le style demande surtout un temps d’habituation qui arrive après quelques chapitres.
Le Serment, passage du chapitre XII du Livre Premier (p. 110)
En somme, Frères Jurés est un très bon livre qui a répondu à toutes mes attentes, en plus d’être un livre que j’aimerais trouver plus souvent dans nos librairies françaises avec un thème aussi bien traité. À la place, on a droit à des textes plus kitchs et des modestes perles comme Frères Jurés ne sont plus imprimés.
Dommage, mais la bibliographie de Régis Boyer permet de se reporter sur d’autres ouvrages !
Et triple-combo-de-challenges pour Frères Jurés puisque je raccroche cette chronique à l’idée 62 du Challenge des 170 Idées grâce à Hugin et Munin, les deux corbeaux d’Odin sur la couverture.
Ensuite, comme le récit se déroule durant le IXème siècle, Frères Jurés a sa place pour le Challenge Moyen-âge organisé par Hérisson. Et bien sûr, comme il s’agit d’un récit vikings, c’est ma première participation au Challenge Vikings !
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Je n’ai pas réussi à me décider entre Littérature Islandaise ou Littérature Danoise, car bien que né à Fljótsdalur, Gunnar Gunnarsson a écrit une grande majorité de ses livres en danois en plus d’avoir vécu une partie de sa vie au Danemark, pourtant, Frères Jurés est surtout un hommage à son pays natal.
• Le véritable nom d’Ingolf est en réalité Ingólfr Arnarson, quant à Leif, son nom est dans la légende Hjörleifur Hródmarsson mais les raisons sont expliquées dans Frères Jurés.
• Vous pouvez lire les chapitres X et XI gratuitement ici.
• Je n’ai pas réussi à me décider entre Littérature Islandaise ou Littérature Danoise, car bien que né à Fljótsdalur, Gunnar Gunnarsson a écrit une grande majorité de ses livres en danois en plus d’avoir vécu une partie de sa vie au Danemark, pourtant, Frères Jurés est surtout un hommage à son pays natal.
• Le véritable nom d’Ingolf est en réalité Ingólfr Arnarson, quant à Leif, son nom est dans la légende Hjörleifur Hródmarsson mais les raisons sont expliquées dans Frères Jurés.
• Vous pouvez lire les chapitres X et XI gratuitement ici.
C’est un livre qui n’est plus édité et j’ai réussi à chopper un dernier exemplaire (il y a le prix en franc encore sur le livre…). Je refuse de partager les liens amazon ou fnac où il est vendu à un prix exorbitant entre 33 et 50€, alors que pour ma part, je l’ai acheté à 19€ 45 chez l’éditeur chez qui il n’est plus disponible. Pour ceux qui veulent lire Frères Jurés, une solution : Gibert Joseph et autres mines de raretés littéraires du net ! En espérant que vous tomberez sur des prix honnêtes.
J'ai justement une traduction de Boyer portant sur l'Edda dans ma PAL...
RépondreSupprimeren tout cas, c'est dommage que ce livre soit difficilement trouvable car c'eût été intéressant de découvrir une histoire de vikings racontée par un descendant de vikings (enfin pas tout à fait, plus un viking d'adoption mais bon^^)... :)
Il faudrait que je me trouve aussi l’Edda au lieu de me contenter de bribes sur le net, d’ailleurs… Depuis le temps qu’il m’intéresse en plus. xD
SupprimerMais c’est carrément dommage pour Frères Jurés, surtout que je l’avais acheté in-extremis et en revenant sur le site à la fin de ma lecture, le lien n'existait plus... Et impossible de le trouver à des prix corrects, faudrait fouiller les sites d’occasions mais quand on le trouve à 50€, ce n'est pas vraiment la peine…
Cela dit, d’après ce que j’ai compris, l’histoire de ces « deux frères » est relatée aussi dans Les Sagas Islandaises qui sont aussi traduites par Boyer et qui restent plus accessibles je pense, c’est juste une version différente (originale, cette fois) mais si l’histoire reste la même ?
Ta chronique donne envie de le découvrir surtout si c'est écrit par un passionné. Je pense que je me pencherai sur un livre de cet auteur pour le challenge. ;) J'aime beaucoup les images que tu as choisis ;)
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