mercredi 27 décembre 2017

Fangirl, de Rainbow Rowell,

Cath est fan de Simon Snow.
Okay, le monde entier est fan de Simon Snow...
Mais pour Cath, être une fan résume sa vie – et elle est plutôt douée pour ça. Wren, sa sœur jumelle, et elle se complaisaient dans la découverte de la saga Simon Snow quand elles étaient jeunes. Quelque part, c’est ce qui les a aidé à surmonter la fuite de leur mère.
Lire. Relire. Traîner sur les forums sur Simon Snow, écrire des fanfictions dans l'univers de Simon Snow, se déguiser en personnages pour les avant-premières de films.
La sœur de Cath s’est peu à peu éloignée du fandom, mais Cath ne peut pas s'en passer. Elle n'en éprouve pas l'envie.
Maintenant qu'elles sont à l'université, Wren a annoncé à Cath qu'elle ne voulait pas qu'elles partagent une chambre. Cath est seule, complètement en dehors de sa bulle de confort. Elle partage son quotidien entre une colocataire hargneuse qui sort malgré tout avec un mec charmant et toujours collé à ses bottes, son professeur d'écriture inventée qui pense que les fanfictions annoncent la fin du monde civilisé, et un camarade de classe au physique alléchant qui a la passion des mots...
Mais elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter à propos de son père, aimant et fragile, qui n'a jamais vraiment été seul.
Pour Cath, la question est : va-t-elle réussir à s’habituer à cette nouvelle vie ?
Peut-elle le faire sans que Wren lui tienne la main ? Est-elle prête à vivre sa propre vie ? Écrire ses propres histoires ?
Et veut-elle vraiment grandir si c’est synonyme d’abandonner Simon Snow ?
Quatrième de couverture par Castelmore.
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J’ai entendu beaucoup de bien de ce livre, vraiment. Et j’étais très heureuse de le commencer. Mais après une cinquantaine de pages, la magie ne prenait toujours pas et elle n’a jamais pris.
Fangirl me fait penser à une sorte de sitcom basique qui présente un condensé de clichés, une série feel good pour donner le sourire (même si j’ai, de mon côté, multiplié les soupirs agacés). Et je reproche énormément de points à ce roman que je voulais pourtant apprécier…

Cath déjà. Cath est une jeune étudiante quand elle a le comportement d’une collégienne et, si elle doit représenter les communautés d’internet et les geeks, je trouve cette égérie très réductrice. On ignore si elle souffre vraiment de phobie sociale tant le trouble est mal représenté dans Fangirl : l’auteure la dote tantôt d’une timidité maladive, tantôt d’un handicap réel.
Ce trouble pauvrement amené (et qui sert surtout les retournements de situation prévus par l’auteure) l’amène presque à devenir une Mary-Sue (le terme apparaît dans Fangirl, je me permets de le reprendre) : Cath est l’auteure de fanfics de Simon Snow la plus populaire d’internet, elle est canon (puisque sa sœur jumelle l’est), elle se fait remarquer par une enseignante, auteure publiée, à cause d’un talent littéraire qui ne demande qu’à apparaître, elle a des problèmes de santé mentale (paraît-il) mais s’en sort quand Dieu le veut… Même la fin de Fangirl va dans ce sens en occultant beaucoup de parties qui méritaient d’être exploitées et en faisant de ce personnage un modèle.

Car le plus gros souci de Fangirl est là : des thèmes très intéressants, un traitement quasi-inexistant. Déjà l’alcoolisme chez les jeunes, qui est assez vite écarté finalement, sans connaître de conclusion. Les fanfics peuvent-elles être une branche littéraire ? J’avoue que j’ai lu peu de fanfics mais j’en ai écrit une flopée et j’ai toujours vu cet exercice comme étant enrichissant quand il est bien mené. Sauf que Rainbow Rowell adopte un silence agaçant pour cette question : elle ne défend pas les fanfics, n’explique pas la richesse de ces histoires, ne développe pas clairement ce que les fanfics ont apporté à son héroïne.
Et puis sérieusement : Magicath, nom de plume de Cath, est méga populaire mais ne s’implique pas plus dans le monde virtuel ? Je ne me souviens pas qu’internet était si pauvre… Elle rencontre bien une fan à un moment mais aucune suite ne sera donnée…
Et surtout, le thème qui m’a fait grimacer : le départ d’un parent, le sentiment d’abandon. C’est certainement le plus gros échec de ce roman. Cath a un comportement immature qui gomme toute l’émotion que cette trame pourrait susciter, [spoiler et moment coup de gueule] je sais ce que c’est d’être abandonnée par un parent lors d’un événement marquant, pendant l’adolescence, j’ai eu une période de rébellion, mais depuis que je suis rentrée à la fac, j’ai repris contact afin de discuter d’adulte à adulte. Je ne dis pas que mon comportement est exemplaire ou quoi, chacun gère ses problèmes à sa façon, mais j’estime qu’après un certain âge, si on peut demander à nos parents de se mettre à notre place, en tant que jeune adulte, on peut se mettre à leur place également. C’est juste une logique d’échange afin de comprendre l’un et l’autre. Le fait que Cath repousse sa mère comme une gamine qui se ferme comme une huître était agaçant, mais au-delà de ça, elle refuse même d’en parler avec sa sœur jumelle et son père. Qu’elle refuse de parler à sa mère, bon, mais le reste de sa famille ? C’était nécessaire ? [/fin du spoiler et du moment coup de gueule]
Un sujet sensible pour moi et j’ai trouvé que Rainbow Rowell ne faisait pas honneur à un problème aussi riche, notamment à cause d’un personnage casse-couilles au possible.

(j’ai même préféré Reagan malgré son attitude bizarre et ses absences qui arrangent)

Le seul détail qui sauve ce roman, c’est la romance : elle est plus complexe qu’il n’y paraît, elle est tout en pudeur et faite de découvertes… en fait, c’est bien le seul fil peaufiné de Fangirl. Même si, encore une fois, c’est un peu léger.
Levi est, bien sûr, adorable et c’est certainement le personnage le plus sympathique, même si j’ai tiqué à sa réflexion contre un autre gars qui lui sort, grosso modo, que c’est honteux de se branler devant YouPorn. Alors oui, le gars en question est un pervers, mais on est en 2017 et la masturbation est encore un sujet de moquerie ? Levi n’avait pas autre chose en réserve ?

Bref, si certains moments me motivaient à poursuivre ma lecture, j’ai sauté beaucoup de passages (notamment les fanfics quand je me rendais compte qu’elles n’apportaient rien et que, exclus du monde de Simon Snow, on a du mal à saisir toutes les subtilités). Les thèmes sont pourtant parlants, c’est bien pour ça que j’ai commencé Fangirl, mais l’auteure ne propose pas quelque chose de concret et Fangirl est, pour moi, une coquille vide…
Ceci dit, Eleanor & Park m’intéresse énormément et malgré cette déception, je lirai cette histoire.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Pour les fans, Rainbow Rowell a bel et bien écrit Carry On, afin de plonger dans la romance qui lie Simon et Baz. Les lecteurs de Fangirl n’auront pas l’impression de redondance ceci dit car la trame change et c’est une histoire totalement à part.



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vendredi 22 décembre 2017

Dans ma PAL [05],

              
Le but de ce rendez-vous hebdomadaire (chez moi, c'est pour les vendredis) organisé par Book'n'Love est de sortir un livre de sa PAL (Pile à Lire) et de répondre à trois questions :
Te souviens tu quand tu as acheté/reçu/emprunté ce roman ?
Pourquoi est-il encore dans ta PAL ?
Comptes-tu le lire prochainement ? Si oui/non, pourquoi ?





Te souviens tu quand tu as acheté/reçu/emprunté ce roman ?
Lors de l’OP de Bragelonne à la fin du mois de juin 2017. Alors oui, cette couverture sur mon blog, ça fait l’effet grosse blague et pourtant, j’ai bel et bien acheté cet ebook ! À 99 centimes, je pouvais bien acheter un truc à l’eau de rose, hé.
Pourquoi est-il encore dans ta PAL ?
Il ne faisait pas partie de mes priorités : j’ai démarré en septembre un master où je dois rendre un mémoire en mai, pour l’instant, je vais me concentrer dessus tant que je n’ai rien écrit. De plus, j’attends une nouvelle liseuse pour Noël
Comptes-tu le lire prochainement ? Si oui/non, pourquoi ?
Peut-être bien ! Car mon mémoire porte sur les tueurs en série dans la littérature et, même si j’adore cette littérature, à forte dose, elle rend parano. À l’eau de rose, ce sera typiquement la lecture bouffée d’air pour calmer tout ça.



mercredi 20 décembre 2017

Silent Hill 8: Downpour,

Dans le jeu d’action horrifique Silent Hill : Downpour, c’est au tour d’un certain Murphy Pendleton, prisonnier en fuite, de déambuler dans les rues brumeuses de la célèbre bourgade. Oubliez l’hôpital, l’école et tous les lieux qui ont contribué à la réputation malsaine de Silent Hill. Ici, c’est une toute nouvelle portion de la ville qui s’offre à vous avec son lot d’horreurs et de monstres impatients de goûter la peur dans vos yeux.
Résumé par JeuxVideo.com
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Depuis que Konami partage le bébé Silent Hill ("bébé", "bébé"… devenu ado’ depuis) avec différents développeurs, la saga est visée par de nombreux débats qui déchirent les fans. D’un côté, les fanatiques du Silent Hill 2 qui ne veulent rien entendre et sont aussi bornés que des ânes, de l’autre, les nouveaux qui préfèrent encore et toujours Homecoming et trouvent le protagoniste de The Room mignon.
Personnellement, je ne me place dans aucune catégorie : je n’ai que moyennement aimé The Room, je n’ai même pas fini Homecoming tant il était inintéressant, mais je garde espoir pour chaque opus annoncé. J’ai bien aimé Shattered Memories par exemple. Et plus que ça : j’ai adoré Silent Hill : Downpour.

Je tiens surtout à prendre la défense du travail du groupe tchèque Vastra, car je trouve les fans terriblement durs. Retenez les conditions : un délai court, une maison de développeurs discrète qui tangue sur des projets pour sauver le navire, un budget assez limité… Et même si Downpour n’est pas le meilleur Silent Hill, on sent les efforts pour faire plaisir aux joueurs.
Que je contre quelques arguments de langues de vipère, donc…


         → « La musique est à chier »,
Dès que les développeurs ont confirmé que la musique ne serait pas composée par Akira Yamaoka et que KoRn remplaçait Mary Elizabeth McGlynn pour chanter le morceau d’intro, il pleuvait des menaces de suicide.
Bref, un blasphème, un sacrilège aux yeux de la communauté.
Moi-même j’idolâtre Mary Elizabeth McGlynn et sa voix puissante et j’écoute encore les compositions de Yamaoka depuis plus de quinze ans sans jamais me lasser, alors je ne vais mentir : j’ai regretté l’absence de ces deux monstres vénérés. Mais à ma grande surprise, je me suis repassée en boucle Silent Hill chanté par KoRn pendant plusieurs jours et même si je ne suis pas fan de Daniel Licht (compositeur de la musique de la série Dexter), leur travail fait que l’ambiance sonore et musicale s’accorde à merveille avec cette nouvelle aventure, régie par la violence plus que le mystère des opus précédents.


         → « Murphy ressemble trop à Henry ! »,
Peut-être, mais avec bien plus de personnalité.
Murphy Pendleton s’inscrit parfaitement dans la lignée des protagonistes de Silent Hill : tout comme James ou Heather, le joueur ignore tout du personnage qu’il incarne. Pourquoi est-il en prison ? Pourquoi poignarde-t-il un codétenu ? Est-ce un agresseur en série, un salopard ou une victime insoupçonnée ?
Les réponses, comme à chaque fois, viennent au fur et à mesure du jeu, même si on peut démêler le nœud bien avant la conclusion. Ce n’est pas tant la chasse aux indices qui motive mais les thématiques qui touchent Murphy et qui n’avaient jamais été abordées par les autres Silent Hill : la vengeance, la colère et, au risque de spoiler un peu, la pédophilie.
Ce n’est donc pas tant Murphy en lui-même qui m’a fascinée mais son histoire absolument inédite et avec un thème d’actualité, qui revient sans cesse. [spoiler sur son histoire] Murphy était le père d’un enfant d’une dizaine années, un petit garçon qui a été violé par un voisin puis ligoté dans un sac et jeté dans une rivière pour mourir noyé. Le pédophile est arrêté et condamné mais cela ne suffit pas : Murphy fait tout pour être dans la prison et tue son ancien voisin, désirant venger la mort du petit Charlie. Un fait-divers qui rappelle bien sûr le petit Gregory ou encore, plus récent, le policier qui a récemment tué la nourrice qui avait maltraité le bébé dont elle avait la garde [/fin du spoiler sur son histoire]
Sans oublier les personnages secondaires, riches et qui auront des interactions intéressantes. Malheureusement, il faut aussi chercher sur internet pour comprendre l’étendue de leur étrangeté. Pour vous épargnez un Google it : le facteur que Murphy rencontre porterait la tenue des facteurs américains dans les années 1890, mais l’histoire de Murphy se déroule dans les années 2010 (!). Les joueurs les plus anciens savent que la ville de Silent Hill, si elle est insatisfaite, piège ses visiteurs éternellement...
Tout ceci explique aussi la nouvelle ambiance du jeu : pourquoi l’eau, qui tombe en trombes ou se déchaîne comme un torrent, remplace le feu omniprésent ou la brume aveuglante dans cet opus ? Pourquoi la prison moderne et physique avant la prison psychologique ? Les monstres ont-ils une nouvelle signification ?

Quelques gifs pour illustrer le côté délirant (et efficace) des mondes alternatifs.

         → « Il n’y a même pas d’infirmière sexy dans cet opus »,
Non, effectivement, mais les joueurs les plus avertis le savent : les monstres de Silent Hill portent tous une signification en rapport direct avec le protagoniste qui les rencontre.
(le fait que Pyramid Head apparaissent dans les deux films Silent Hill et Silent Hill 2 était donc totalement illogique, mais enfin)
S’il n’y a pas d’infirmières sexy, c’est tout simplement parce que la sexualité de Murphy n’a aucun rapport avec l’hôpital (contrairement à James, mais cela tient du spoil de révéler le pourquoi du comment). Par contre, des femmes qui hurlent, meurtries, des prisonniers avec un visage de clown, aux mouvements simiesques, sans oublier l’impressionnant Boogey Man ont tous leur importance et leur symbolique.

De plus, insérer des infirmières aurait été parfaitement décalé sachant qu’on n’explore pas le fameux hôpital Alchemilla dans Downpour, ni l’iconique école Midwich [spoiler] malgré le thème de l’enfant, Charlie n’ayant jamais été scolarisé à Silent Hill, le rapport n’était pas obligatoire [/fin du spoiler]. Vatra Games offre autre chose par contre : la possibilité d’explorer une nouvelle partie de Silent Hill. Comme la station de radio, le parc Logan, le Devil’s Pit (avec un passage dans les mines…) et surtout, surtout, la bibliothèque municipale. Une putain de bibliothèque immense.
Vous l’avez compris : en tant que lectrice passionnée, j’étais aux anges !


Tout ça pour dire que Silent Hill : Downpour est le huitième opus d’une saga qui a bientôt vingt ans et qu’il apporte du nouveau tout en respectant les codes de la série. Et selon moi, la mission est remplie avec succès malgré des bugs minimes et un graphisme un peu bateau : bravo à Vatra Games ! J’ai fini ce jeu trois fois et toujours avec le même plaisir grâce aux quêtes secondaires et aux différents scénarios à essayer.
J’aurais aimé poster cette chronique en automne, lors d’un jour d’averses, mais enfin, c’est un peu la sécheresse en ce moment dans la région... Dommage, sachant que je ne regarde plus la pluie comme avant !


             Quelques anecdotes sur ce jeu,
• Les développeurs de Silent Hill sont-ils des lecteurs passionnés ? Sûrement, pour avoir renommé la plupart des rues avec des célèbres auteurs de l’horreur : on a droit à King Street, Brite Street… et s’il n’existe pas de Poe Avenue, la quête La Main du Mort a un trophée qui se nomme Le Cœur Révélateur !
• Toutes les images (gifs inclus) viennent du site Silent Hill Wikia.

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mercredi 13 décembre 2017

Fils de Sam, de Michaël Mention,

Été 1977. L’Amérique croit avoir tout subi : assassinat de JFK, émeutes, fiasco au Vietnam, crise économique. Meurtri dans sa chair et saigné dans ses ambitions, le pays est à genoux. New York aussi, soumise à une canicule sans précédent, au blackout et à son bourreau.
Un tueur mystérieux qui rôde la nuit et décime la jeunesse avec son revolver. Un prédateur unique dans la sphère des tueurs en série, défiant les autorités, les médias et le pays tout entier. Cette affaire criminelle a fait l’objet d’un film, Summer of Sam, réalisé par Spike Lee avec Adrien Brody, mais tout n’a pas été exploré...
Pour la première fois en France, un auteur retrace cette stupéfiante enquête, méconnue en Europe, à travers de nouveaux axes d’investigations. Entre document et thriller, Fils de Sam vous fait revivre la croisade du « Tueur au calibre .44 » à la faveur de nombreux documents et photos qui en font bien plus qu’un livre : un ouvrage qui se lit comme un film, en immersion dans la tête de l’un des tueurs les plus complexes. Une plongée au cœur des États-Unis du rock au disco, du L.S.D. à la C.I.A., d’Hollywood au satanisme… portrait d’une nation à travers l’un de ses exclus, devenu icône des serial killers.
Quatrième de couverture par Ring.
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« Yonkers, la ville où les morts pensent encore être vivants. »
P. 20

Si vous osez sortir le dicton "Les chiens sont les meilleurs amis de l’homme", il est probable que David Berkowitz éclate de rire ou vous plante une balle entre les deux yeux, au choix. Surnommé par les médias américains Son of Sam (Fils de Sam), ce tueur avait un mode opératoire curieux : sortir au hasard et tirer sur des jeunes femmes (de préférence) avant de s’enfuir des lieux du crime. Mais ses motivations sont encore plus curieuses : le chien de son voisin lui a ordonné ces meurtres.
Et le tueur au calibre 44 a des choses à raconter.

Plus qu’un roman sur David Berkowitz écrit par Michaël Mention, Fils de Sam est également une autobiographie morcelée, entrecoupée par des explications historiques, sociologiques et criminologiques de Michaël Mention : une nécessité pour améliorer l’immersion dans le New-York des années 70.
Si Michaël Mention est un auteur doué, il a de la concurrence avec David Berkowitz ! (quoique, s’il s’est chargé de la traduction, le duel est faussé)
Le début peut sembler long toutefois : le cadre a besoin d’être dressé (on se demande le rapport avec l’apparition des sectes aux États-Unis et les crimes de Son of Sam) et ressemble aux recherches d’une enquête. Mais une fois qu’on rentre dans le vif du sujet, les auteurs nous entraînent dans un tourbillon de folie et de lucidité.
Un paradoxe que je peux expliquer avec une des nombreuses citations qui m’ont marquée :
« Une employée apparaît, chétive. Enfoncé dans le siège, je la regarde passer entre les rangs avec un balai et un sac poubelle. Il est déjà plein ; elle a fait d’autres salles avant. Les gens sont crades. Sous prétexte qu’ils ont payé, ils se croient tout permis. Je me demande depuis quand c’est comme ça. À partir de quel moment l’humanité a préféré la dégénérescence au progrès. Ce jour précis, où la société a choisi de devenir une usine de croutons grossiers et assistés.
Je ne juge pas, je constate. Je serais mal placé pour juger, car je sais ce que j’ai fait. J’ai tué. »
P. 166

C’est assez perturbant de constater qu’on a déjà eu ce genre de pensées, que l’on partage donc avec un tueur en série. Mais en lisant le récit de Berkowitz, on se souvient d’une chose : les meurtriers, même les plus cruels et les plus sanguinaires, sont également des êtres humains. Ils ne sortent ni de l’Enfer, ni de mondes inconnus : ils sont faits de chair et de sang, de pensées et d’une psychologie.
Mais attention : David Berkowitz ne se cherche pas d’excuse, pas plus que Michaël Mention ne pousse son lecteur à pardonner. Il s’agit de faits rapportés et d’explications proposées : un témoignage du criminel qui change des témoignages des victimes.

Pourtant, malgré moi, j’avoue que j’ai été touchée par le récit de Berkowitz : sa façon de penser, sa vision du monde, ses complexes… Après, de tous les tueurs en série de la seconde moitié du XXème des États-Unis, David Berkowitz fait nounours à côté de Ted Bundy ou Jeffrey Dahmer : être sensible à son histoire n’est pas très difficile finalement.
Beaucoup de tueurs, Ted Bundy inclus, se sont repentis (ou ont fait mine de le faire) de leurs crimes, implorant pardon et pitié. David Berkowitz tient un discours similaire durant l’épilogue, mais plutôt que de réclamer pardon à ses lecteurs, il se réclame son propre pardon et semble souffrir de son passé. Et quelque part, j’espère que c’est un repentis sincère, je veux le croire.

Fils de Sam est un mixte entre monologue intérieur et documentaire efficace : une véritable approche dans la tête d’un tueur en série, une plongée dans des années difficiles, déprimantes qui ont marqué New-York. Un livre qui complète parfaitement des lectures criminologiques et une curiosité non pas malsaine mais parfaitement humaine.
Une lecture vraiment passionnante que j’ai déjà conseillé à beaucoup de gens et je relirais très souvent des citations qui m’ont frappée.
« D’ordinaire, un gars comme moi n’aurait pas fait dix pas sans se faire agresser. Là, les gens étaient trop occupés à piller les vitrines. Téléviseurs, meubles, machines à laver… j’ai vu ce que certains appellent la « société de consommation », je l’ai vue se disputer un manteau et se battre à mort pour un fauteuil. La misère rend con. J’avais beau le savoir, ça m’a surpris. »
P. 264

Grâce au taxi sur la couverture, je peux valider l’idée 61 du Challenge des 170 idées !

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• J’ai rigolé avec plaisir à la page 383 quand Berkowitz écrit : « J’ai été examiné par des centaines de psys, interviewé par autant de flics et de spécialistes. Il y a une trentaine d’années, j’ai même reçu la visite d’un Français. Un mec sympa avec des lunettes, comme leur nouveau président d’ailleurs. À croire que les Français sont tous binoclards. » J’espère que vous avez deviné de qui David Berkowtiz parle ! Non ? Réponse à 1000€ : Stéphane Bourgoin, enfin !
• Elliott Smith avait composé un morceau intitulé Son of Sam : quelque chose de doux mais de perturbant également, j’ai envie de vous faire découvrir le morceau ici.
• Hé, psst, Michaël Mention, je suis toujours sérieuse depuis ma critique de La Voix Secrète : une suite avec les mêmes enquêteurs et j’épouse le livre.

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lundi 11 décembre 2017

Solaris, de Stanislas Lem,

Une équipe scientifique débarque sur Solaris, un monde inhabité tournant autour de deux soleils. L’immense océan protoplasmique qui recouvre entièrement la planète reste depuis des siècles un irritant mystère.
Dès son arrivée, le Dr Kelvin est intrigué par le comportement du physicien Startorius et du cybernéticien Snaut, qui semblent terrorisés par la visite d’une femme, Harey ; une femme que Kelvin a autrefois aimée et qui s’est suicidée plusieurs années auparavant.
Impossible… À moins qu’une entité  intelligente n’essaie d’entrer en contact avec eux en matérialisant leurs fantasmes les plus secrets, et qu’en l’océan lui-même réside la clé de cette énigme aux dimensions d’un monde.
Magistrale interrogation sur les possibilités de communication avec des intelligences radicalement autres, de la même ampleur que Rendez-vous avec Rama d’Arthur C Clarke, Solaris est une des pierres angulaires de la science-fiction.
Quatrième de couverture par Folio, SF.
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« — Qui est responsable ? Qui est responsable de cette situation ? Gibarian ? Giese ? Einstein ? Platon ? Tous des criminels… Pense un peu, dans une fusée, l’homme risque d’éclater comme une bulle, ou de se pétrifier, ou de griller, ou de suer tout son sang d’un seul jet, sans avoir eu le temps de crier, et il ne reste plus que des osselets qui tournoient entre les parois blindés, selon les lois de Newton corrigées par Einstein, ces crécelles de notre progrès ! De bon cœur, nous avons suivi la route superbe, et nous voici arrivés… »
P. 291

Comme beaucoup, je connais le roman Solaris grâce à la parodie de Mozinor grâce au film de 2002 réalité par Steven Soderbergh avec George Clooney. J’ai vu cette adaptation une seule fois il y a plus de dix ans, je ne me souvenais pas de grand-chose si ce n’est une ambiance basée sur la méfiance, le confinement, l’isolation : quelque chose d’étouffant et de pesant. Et bien, je n’étais pas au bout de mes surprises en commençant le roman Solaris : phénomène de la science-fiction, Solaris est aussi une très belle histoire d’amour.

L’ambiance claustrophobe attaque le lecteur d’office : on accompagne le psychologue Kris Kelvin qui arrive à la station qui gravite autour de Solaris, la magnifique planète Solaris même, car une atmosphère confinée ne rime pas forcément avec prison grise. Abandonné par ses nouveaux collègues paranoïaques et méfiants, le Dr Kelvin a tout le temps de découvrir la station et d’être bercé par les lueurs chimériques de cette mystérieuse planète : Solaris possède deux soleils, un rouge et un bleu, qui alternent et jettent leurs rayons tranchés. Tantôt les pièces sont embrasées par un crépuscule pourpre, tantôt elles sont baignées dans des reflets bleus comme dans les aquariums. Et la magie opère ! Le décor est peu décrit, ce qui compte, c’est l’ambiance et Stanilas Lem a réussi à me charmer entièrement.

Dans ce cadre un peu mélancolique, la science-fiction s’étend sur beaucoup d’explications scientifiques : pour les néophytes comme moi, c’était assez déstabilisant car il n’y a aucune annotation. On se doute que les hypothèses solaristes sont fictives et impliquent des éléments imaginaires, mais une entrée en matière réellement ludique aurait été appréciable. Ce serait l’un des petits défauts que je pourrais reprocher à Solaris.
Toutefois, on sent un poids écrasant qui aurait plu au penseur Pascal : la petitesse de l’homme face à l’inconnu.
Le genre de SF s’associe à un genre auquel je ne m’attendais pas : la romance, mais une romance réellement humaine et poignante. Le résumé spoil un peu mais ne gâte pas le plaisir car il n’annonce pas comment leur relation va évoluer. Beaucoup de thèmes sont abordés : l’illusion d’amour, la nostalgie, la redécouverte, la dépendance d’un mirage… Une centaine de pages supplémentaires sur leur relation ne m’auraient pas dérangée !
Le duo d’Harey et Kris rejoint mes couples coups de cœur.

Solaris est donc un magnifique roman où le mystère domine : ne cherchez pas toutes les réponses, laissez-vous juste porter par ces émotions authentiques, cette mélancolie. Peut-être tomberez-vous aussi sous les aurores boréales solaristes et la délicate union entre Harey et Kris.

« Elle bredouilla, le visage au creux de mon épaule :
— Kris… dis-moi ce que je dois faire pour disparaître ! Kris… »
P. 224

En tout cas, un immense merci à mon papa qui m’avait donnée un de ses deux exemplaires ! Je serais passée à côté de cette œuvre je pense, oubliant de le chercher en librairie…
De plus, grâce à la couverture, je peux valider l’idée 118 du challenge des 170 idées :
             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Un petit mot concernant l’adaptation de 2002 : l’auteur, Stanislas Lem, n’avait pas du tout aimé, reprochant au film de n’avoir pas retranscris ses intentions à travers Solaris. L’adaptation d’Andreï Tarkovski de 1972 est en revanche plus fidèle et est encore cité comme une magnifique adaptation.


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