Louis Creed, un jeu médecin de Chicago, vient s’installer avec sa famille à Ludlow, petite bourgade du Maine. Leur voisin, le vieux Jud Grandall les emmène visiter le pittoresque « simetierre » où des générations d’enfants ont enterré leurs animaux familiers.
Mais au-delà de ce « simetierre », tout au fond de la forêt, se trouvent les terres sacrées des Indiens, lieu interdit qui séduit pourtant par ses monstrueuses promesses.
Un drame atroce va bientôt déchirer l’existence des Creed, et l’on se retrouve happé dans un suspense cauchemardesque…
Quatrième de couverture par Albin Michel.
« Il y a des angoisses dont nous parlons rarement, car elles ne nous tourmentent guère le jour.
Mais la nuit tombée, elles viennent nous hanter et ne nous lâchent plus.
Simetierre, c’est l’histoire d’une famille détruite par la peur. »
Citation de Mary Lambert qui figure sur la quatrième de couverture.
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« Allait-il vraiment s’enfoncer dans la forêt, un cadavre dans les bras, traverser ces sous-bois ténébreux sillonnés de vents gémissants - seul […] ? »
P. 412
Et j’ai enfin terminé le dit-chef d’œuvre de Stephen King, Simetierre. Je pense que de tous les livres que j’ai lus, c’est celui qui m’a pris le plus de temps : non à cause de son épaisseur relativement correcte, non à cause de son sujet pourtant poignant, mais surtout parce que j’ai été tellement spoilée sur les événements importants que c’était difficile d’en venir à bout, la curiosité en moins.
Un poster minimaliste très réussi, par Nick Tassone sur DeviantArt.
Pourtant, malgré quelques surprises gâchées (faut avouer que le coup de « Hé, j’ai commencé Simetierre » « Ho, tu as vu quand [Censure : Louis Creed se transforme en éléphant et part en Alaska avec des espadrilles] ? » « Bah non, je n'en suis qu'au chapitre 4... », forcément, ça le fait pas super), la magie du roman a quand même opéré à de nombreux moments.
Déjà, mes autres chroniques sur les livres de Stephen King prouvent assez combien j’aime cet auteur, donc ceux qui le savent déjà ne seront pas surpris : j’aime le style de cet auteur, sa manière crue de parler, son côté réaliste, ironique presque moqueur qu’il a. Il n’écrit certes pas un univers totalement fictif, un nouveau monde mais on sent toujours que le type a de l’imagination, du concret dans ses idées qu’il illustre en s’amusant sur des anecdotes idiotes mais qui me font toujours sourire. Je pense notamment au détail de Louis Creed qui en veut à sa mère de ne
pas lui avoir dit la vérité plus tôt sur la fameuse question de comment
on fait des enfants. Cela semble complètement anodin, cela semble même
inutile mais cela apporte beaucoup de finesse au caractère et à l’histoire des personnages.
D’ailleurs, la qualité des acteurs de cette macabre tragédie est le point fort du livre à mes yeux. Je me suis beaucoup attachée à Louis Creed en fait, le père de famille classique, le médecin lambda qui n’a pas de talent extraordinaire, l’homme avec ses forces et ses faiblesses… Bref, un être fictif qui est profondément humain en réalité. J’ai beaucoup aimé sa famille également, Ellie est adorable et reste fidèle à son statut de petite fille, faisant des caprices, des pleurs exagérés et des comportements d’adulte précoce. Gage aussi, même si son âge fait qu’il ne possède pas de caractère propre, les relations familiales restent touchantes grâce à lui. Quant à Rachel, j’avoue avoir eu beaucoup de mal : c’est mon opinion, mais la mort est à mes yeux une chose de parfaitement naturelle et sa crise sur l'anormalité de ce passage, la noirceur de cet événement fait qu’elle avait baissé très bas dans mon estime… Et puis, quelques chapitres plus tard, finalement, en apprenant plus de choses sur elle et les raisons de cette phobie irraisonnée, j’en suis venue à l’apprécier aussi.
Il y a bien sûr les voisins, le vieux couple dans toute sa splendeur, Norma et Jud qui sont peut-être un peu trop classiques à mon goût. Toutefois, le secret que renferme le personnage de Jud, ce personnage qui semble si blanc et tire en réalité sur le gris, le rend particulièrement intéressant.
« Ce sont mes rats. Mes oiseaux. Je les ai bien mérités, putain. »
P. 296
Mais voilà, tout ça pour dire que je me suis énormément attachée aux personnages et que les tragédies traversées m’ont énormément chagriné. ([spoiler des derniers chapitres du livre] Quand Louis creuse la tombe de Gage en pensant « Je vais te sortir de là, mon garçon, tu vas voir, je vais te libérer », j’ai littéralement fondu en larmes. D'autant plus le sort qu’il réserve à son fils est en fait plus horrible que le repos de la Mort, et pourtant, voir ce père meurtri qui pense sauver son fils, c’est juste très poignant. Ce passage me restera en tête pour longtemps. [/spoiler des derniers chapitres])
En fait, à défaut de m’avoir fait peur, Simetierre m’a surtout fait pleurer. La légende qui hante le cimetière des MicMacs est terrifiante, ce qui en ressort et les conséquences sont même horribles car, sans user de mots trop violents, on comprend combien les êtres revenus sont écœurants, repoussants. ([spoiler sur ces fameux monstres] Les descriptions de Church, le chat, font de lui un animal juste répugnant, je l’imaginais poisseux, ridicule dans sa gaucherie et inhabituel, décalé, donc effrayant. [/spoiler sur ces fameux monstres]) Mais voilà, la morale qu’aborde Stephen King à travers cette histoire fait que Simetierre est à mes yeux un roman qui tend plus vers le drame, la tragédie que l’horreur comme on peut le voir pour Salem ou Shining par exemple. Il y a toujours une part de tristesse dans les histoires d’horreur (le deuil notamment) mais la dose est nettement plus importante dans Simetierre et elle est très, très efficace. Il va de soi que j’ai aimé cette force des mots qui m’ont véritablement chamboulée. Stephen King fait cependant abstraction de la philosophie du sujet et ne nous sermonne pas toutes les pages : on tire notre opinion de la situation nous-mêmes et c'est tant mieux !
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L'auteur, pour ceux qui ignorent à quoi il pourrait bien ressembler. |
Cela dit, le livre souffre de quelques longueurs mais rien de bien méchant en réalité : certains passages peuvent sembler anodins mais annoncent la tempête. Au lieu de s’étendre sur la fin, Stephen King sert une conclusion efficace et marquante pour que les derniers mots nous tombent dessus.
Simetierre est donc un excellent Stephen King bien qu’il n’a pas dépassé mes préférés. Sûrement parce qu’il est en fait bien différent et que c’est un roman à lire en découverte (sans s’arrêter là pour autant) ou par passion pour l’auteur. Toutefois, il est certain que Louis Creed est le protagoniste que j’ai le plus aimé de tous les livres du King jusqu'à maintenant !
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• The Ramones est un groupe cité à plusieurs reprises durant le livre à cause de la chanson Hey Ho, Let’s go !, mais ils ont également composé une chanson par la suite intitulé Pet Sematary pour le film réalisé par Stephen King lui-même. Un rêve de fan qui se réalise ?
• La ville fictive de Simetierre se place au centre d’une région qui existe réellement du Maine, Ludlow.
• Il y a, à la page 415, un clin d’œil à Salem à cause de la ville Jerusalem’s Lot :
« Jerusalem’s Lot, […]. Quel drôle de nom. Il a quelque chose de sinistre, je ne sais pas pourquoi… Viens dormir à Jerusalem, ô mon âme… »