lundi 28 avril 2014

Brocéliande, de Jean-Louis Fetjaine,

Barde du roi Guendoleu, Merlin est né sous de mystérieux auspices, qui lui ont valu le rejet des hommes, et de sa propre mère. Accompagné du moine Blaise, il part à la quête des siens, à Brocéliande, et traverse une terre dévastée par de nombreux conflits militaires et religieux. Accusé de sorcellerie, Merlin doit échapper à ceux qui veulent le voir périr sur un bûcher. Parvenu à Brocéliande, domaine des elfes, Merlin croit avoir trouvé la sérénité et ses véritables origines. Mais son passé humain va le rattraper. Sous la forme d’un enfant : le sien…
Quatrième de couverture par Pocket
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« - Amuse-toi, petit. Avant la nuit, les poulpiquets te feront danser leur sarabande et on verra alors si tu souris toujours.
- Tu oublies que je suis un sorcier... La nuit, c'est moi qui mène la danse des lutins ! »
P. 145

Après plus d'un an de recherche, j'ai enfin trouvé Brocéliande ! Pocket a cessé de l'éditer mais je tenais à l'avoir dans ce format poche pour la continuité avec Le Pas de Merlin et finalement, j'ai réussi à trouver le livre en occasion, en très bon état en plus. Ma patience a été récompensée !

Hylas et les Nymphes (1896) de Waterhouse, qui a servi pour la couverture. Je ne résiste toujours pas.

Mais forcément, se replonger dans l'histoire un an après a été quelque peu laborieux, bien que plus facile que le début difficile que j’avais ressenti pour le premier tome. Je savais où en était le périple de Merlin mais certains noms avaient été oubliés, des personnages et aussi des motivations. Mon état de somnambule ne m'a pas empêché d'apprécier dès les premières pages la suite des aventures de Myrddin le Nécromant. D'autant plus que j'ai enfin réussi à m'attacher à Merlin dans cette seconde et dernière partie. J'avais mentionné dans ma chronique du Pas de Merlin que je n'avais pas apprécié ce gamin presque prétentieux et pas si mature que ça, tandis que cette fois, je l'ai trouvé plus touchant, plus responsable et moins impulsif. Beaucoup d'événements le déroutent et Merlin explore, apprend et questionne en même temps que le lecteur.
Je n'oublie pas Blaise qui reste un excellent personnage, ou encore Cylid le serviteur et Bradwen le déserteur, en plus d'avoir eu un immense coup de cœur pour les sept fameuses Bandrui, les gardiennes du bosquet sacré qui avaient fait aussi leur apparition dans Les Chroniques des Elfes. Quoiqu'elles m'avaient moins marquée dans Le Sang des Elfes, sûrement parce que l'unique passage où elles apparaissent est à mes yeux le meilleur et ce, des deux tomes réunis.
En revanche, c'est dommage que Ryderc soit plus effacé dans ce tome et qu'il n'apparaisse pleinement que vers la fin.

Ça me fait l'occasion de partager une photographe que j'aime énormément du nom de Nelleke Pieters.

D'ailleurs, beaucoup de personnages ont comme disparu, je pense notamment à tous les rois rencontrés dans le premier tome. L'Historique est encore bien présent, mais la Fantasy prend de plus en plus d'ampleur : les elfes se dévoilent avec leurs rituels, la magie est bien plus évidente et la nécromancie prend tout son sens. Bien sûr, il s’agit d’elfes à la Fetjaine, c’est-à-dire sauvages, félins et timides, comme ceux que l’on croise dans Les Chroniques des Elfes, les nouveaux lecteurs seront donc ravis de voir que l’auteur ne s’est pas contenté de retranscrire ceux de Tolkien.
Toutefois, la trame Histoire n’est pas complètement effacée : grâce à un vocabulaire adéquat et une ambiance fidèle, on ne peut se tromper d’époque et les guerres celtiques occupent encore une bonne partie de l’intrigue.

Forcément, la plume de Fetjaine reste encore très juste, fluide et ces 200 petites pages défilent très rapidement. Un peu trop, même ! Je ne m’attendais vraiment pas à cette fin et j’avoue que, choquée, j’ai été tout d’abord déçue. Et puis, après réflexion, j’arrive à percevoir les intentions de Fetjaine, où il voulait en venir et que ma déception venait en partie du résumé un chouilla mensonger de Pocket : [spoil concernant la fin] Merlin ne rencontre jamais son fils Arthur et Arthur meurt très jeune sans jamais savoir qu’il est en réalité un bâtard. [/fin du spoil concernant la fin]

En conclusion, un récit très sympathique et vraiment unique. Peu de livres peuvent se vanter de mêler si bien le récit médiéval et le Fantasy épuré, car malgré ce mixte audacieux, Le Pas de Merlin ne fait pas kitsch et plaira autant aux historiens qu’aux adorateurs d’oreilles pointues.
Mon unique question est qu'attendent les maisons éditions pour le réimprimer et faire une version intégrale ?

Et encore une pour la route car j'insiste : allez voir sa galerie.

Lieu réel ou imaginaire, peu importe puisque grâce au titre, je peux raccrocher la chronique de Brocéliande l'idée n°79 du Challenge des 170 idées et au Challenge des Légendes Arthuriennes :
http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2013/11/challenge-04-le-challenge-de-170-idees.html

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Les lecteurs de la Trilogie des Elfes ou des Chroniques de Elfes ont le plaisir de croiser Gwydion, l'aîné des druides elfiques et Morvryn, quoi celui-ci n'est que mentionné. Mais s'agit-il des mêmes personnages ou sont-ce de simples clins d'œil de Fetjaine ? Héhé~
Chronique du premier tome.

dimanche 27 avril 2014

La Bienfaitrice, d'Elizabeth von Arnim,

Plus curieuse de philosophie que de mondanités, Anna Escourt est lasse d’être traînée de bals en soirées par Suzy, son encombrante belle-sœur. Fille d’un riche épicier, cupide et arriviste, celle-ci ne lui laisse pas un instant oublier combien elle lui est redevable…
La lettre d’un vieil oncle renverse la situation : à vingt-cinq ans, Anna hérite d’un grand domaine en Allemagne, donc les revenus l’autorisent à faire fi des convenances en restant célibataire. Pétrie d’idées modernes, elle se propose d’offrir un toit aux femmes sans ressource de sa nouvelle contrée. Louable philanthropie, dont elle ne tardera pas à éprouver les inconvénients… D’autant plus qu’un de ses visiteurs les plus assidus est le séduisant Axel von Lohm, jeune aristocrate désargenté. L’oncle Joachim avait-il quelque arrière-pensée ?
Quatrième de couverture par Archi-Poche
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« Qui peut continuer à manger du pudding pendant les grandes crises de la vie ? »
P 169

Pour une première rencontre avec Elizabeth von Arnim, je peux dire qu'il s'agit d'une rencontre très réussie. Je ne savais vraiment pas ce que La Bienfaitrice allait me réserver et ce fût une série de bonnes surprises, à tel point que je me demande si je n'ai pas frôlé le coup de cœur avec cette histoire de suffragette innocente en apprentissage du monde.

[ci-contre : Le Sphinx Parisien, d'Alfred Stevens]
Si le droit de vote pour la femme approche à grand pas en 1901, les femmes étaient encore très conditionnées malgré tout : on reste encore sur l'idée qu'une femme ne possède pas d'identité propre et passe seulement de fille de Mr. Untel à femme de Mr. Machin. Et pourtant, si il y a bien une chose qui m'a tout de suite frappé dans La Bienfaitrice, c'est sa modernité. Sans date, sans auteur, j'aurais été incapable de dire si c'était un livre authentiquement victorien ou écrit récemment. Déjà dans les mentalités bien évidemment : qu'une auteure se moque ouvertement de ses congénères, des hommes religieux, des pintades de la haute-société, des institutrices... Bref, Elizabeth von Arnim a une plume aussi acérée que celle d'Oscar Wilde tout en usant du même humour, car comme le disait si bien le poète irlandais : dénoncez toujours avec la vérité avec humour, autrement, on pourrait vous tuer.
Mais outre les caractères, les descriptions et l'ambiance, le style aussi est très moderne ! Les classiques font souvent peur à cause de l'abondance des descriptions lourdes, des nombreuses références mythologiques où le néophyte est perdu, des nota-bene qui occupent la moitié des pages... Rien de tout ça pour La Bienfaitrice ! Le style est fluide, rapide, du Zola 100% allégé, du Brontë sans matière grasse. Un livre vraiment accessible.
Même au niveau des dialogues, on sent parfois un cynisme qu'on peut rencontrer chez Anne Perry et les rythmes sont corrects. L'ennui vient en fait de l'édition : la ponctuation est parfois absente, des guillemets manquent parfois à l'appel et ça perturbe la lecture. Bref, ArchiPoche, c'est pas bien.

Ensuite l'idée. La modernité du livre vient aussi majoritairement de son scénario : un refuge pour femmes perdues, dames déchues. Si ces refuges existaient peut-être (attention toutefois, ce n'est pas un refuge pour femme battue comme on pourrait l'entendre aujourd'hui mais plus une maison commune pour des femmes sans argent), c'est audacieux que celui de Von Arnim soit tenu par une jeune femme loin d'être superficielle, en plus d'être aussi riche qu'un homme. Certainement pas frivole mais pas mâture non plus, Anna fait preuve d'une naïveté assez renversante. Optimiste, courageuse et altruiste, on pourrait presque se sentir fatigué par cette héroïne intrépide mais je m'y suis pourtant attachée. Loin d'être dotée uniquement de qualités, Anna connaît en fait une certaine évolution : très vite, elle va vite se rendre compte qu'aimer tout le monde n'est pas possible et qu'elle-même ne pouvait pas plaire à tout son entourage. Chose que je reprochais à Margaret dans Nord et Sud d'ailleurs.
[Avec une photo de Starlsund ci-contre]
Les autres personnages sont également sympathiques, que ce soit les élues du refuge d'Anna, l'impassible oncle Joachim, la candide Letty et son institutrice, le romantique Axel von Lohm et surtout, la princesse Ludwig ! Mais plus encore que les personnages, ce sont les relations humaines qui font leur profondeur et Elizabeth von Arnim donne dans le registre réaliste : l'affection que les amis ressentent n'est pas éternelle, les romances ne sont pas toutes réciproques et magnifiques, on peut admirer une personne et la détester par la suite... Si on voit poindre la romance entre Axel et Anna à cause du résumé, d'autres relations ne sont pas aussi prévisibles et sont loin d'être linéaires. Je pense notamment à la complicité inconsciente entre Anna et la princesse Ludwig.

« Mais, ma chère, vous devez au moins vous souvenir de quelques-unes de ces lectures. Vous vous rappelez quand même de votre composition sur Wallenstein.
— Ah ! Ça oui , je m’en souviens ! Elle m’a donné un mal de chien.
— Oh ! Letty, une jeune lady ne parle pas comme ça, voyons.
— C’est pourtant comme ça que maman parle.
— Bien, revenons à Wallenstein, vous souvenez-vous de cette phrase qu’il a dite lorsqu’il a assiégé Stralsund ?
— Je suppose qu’il a dit lui aussi qu’il s’était donné un mal de chien. »
P 59-60

À travers La Bienfaitrice, Elizabeth von Arnim fait une ode à la lecture : les références sont nombreuses et elle vante à de nombreuses reprises le goût de lire et donne au lecteur le plaisir de recevoir des compliments d'outre-tombe.
Mais pas seulement, Elizabeth von Arnim a beau être une anglaise (ne vous laissez pas leurrer par son nom), son roman semble adressé à l'Allemagne. Les paysages sont décrits avec beaucoup de tendresse et les phrases allemandes sont très nombreuses, de quoi faire réviser les étudiants. J'ai regretté qu'il n'y ait jamais la traduction à l'appui d'ailleurs...

L'histoire de La Bienfaitrice n'est donc pas digne d'un grand chef-d’œuvre philosophique, mais j'ai quand même passé un très, très bon moment. Je regrette que des détails concernant la conclusion aient été expédié si vite, il manque des informations concernant des acteurs qui ont été comme oubliés par von Arnim et c'est assez dommage. Mais en somme, un très bon livre qui me donne envie de relire un autre livre d'Elizabeth von Arnim. D'autant plus que ce n'est apparemment pas son meilleur !

Pour le coup, je joins cette chronique à l'idée n° 149 du Challenge des 170 Idées, puisque le titre de La Bienfaitrice s'accorde plutôt bien.
http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2013/11/challenge-04-le-challenge-de-170-idees.html

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• On peut bien se demander qu'est-ce qui a pris à Elizabeth von Arnim d'envoyer son héroïne en Poméranie, coin qu'une personne sur cent connaît, mais en fait, il y a une valeur sentimentale car c'est aux alentours de 1895 que l'auteure emménage avec son époux là-bas et se découvre un véritable engouement pour la campagne. On peut donc voir un clin d'œil personnel quand Anna s'émeut avec le décor.

lundi 21 avril 2014

Docteur Sleep, de Stephen King,

Avec Docteur Sleep, Stephen King revient sur les personnages et le territoire de l'un de ses romans précédents, "Shining, l'enfant lumière".
Docteur Sleep présente Dan Torrance, désormais adulte, et Abra Stone, petite fille de 12 ans qu'il doit protéger du Nœud Vrai. Guidés par Rose Claque, ces voyageurs quasi-immortels traversent le pays pour se nourrir de l'énergie psychique (qu'ils nomment « vapeur ») des enfants possédant le don du « Shining ».
Dan tente depuis des années de fuir l'héritage de son père Jack et s'est installé dans le New Hampshire, travaillant dans une maison de retraite où ses dons apportent du réconfort aux mourants. C'est ainsi qu'il devient Docteur Sleep.
Mais après sa rencontre avec Abra Stone, une guerre épique entre le bien et le mal débute.
Quatrième de couverture promotionnelle.
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« L’esprit est un tableau noir. L’alcool, la brosse à effacer. »
P. 64

Pourquoi je n’aime pas considérer Docteur Sleep comme la suite de Shining ? Pourquoi je m’obstine à considérer Docteur Sleep comme un roman à part et qu’à mon avis, il ne devrait pas porter le titre vendeur de Shining #2 ? Pourtant, on retrouve le petit Danny Torrance à l’âge adulte, les références à Shining sont nombreuses, l’Overlook occupe encore une place d'honneur bien qu’infime… Mais ça s’arrête là.
Pour éviter bien des déceptions futures, je préfère mettre en garde les lecteurs curieux : lisez Docteur Sleep en oubliant ce qui vous a tant plus dans Shining, car l’ambiance est très différente. Vous sortirez peut-être de votre lecture avec autant d’enthousiasme que moi.
En fait, l’intérêt de lire Shining avant Docteur Sleep, c’est que la lecture permet une première rencontre avec le petit Danny Torrance, Docteur Sleep sert alors de retrouvailles plusieurs décennies plus tard. C’était le principal intérêt de ce livre pour moi car la question est très intrigante : qu’est devenu Danny depuis l’Hôtel Overlook ?

Mais avant de retrouver cet adorable gamin aux pouvoirs étranges, j’ai surtout retrouvé Stephen King. Dès le début, alors que je n’étais même pas encore arrivée à la page 100, j’étais déjà passée par une foule d’émotions : j’ai ri, j’ai pleuré, j’ai eu peur… Sans me tromper, je peux affirmer que j’ai retrouvé Stephen King et ses qualités que j’adule tant. Quelles qualités ? De faire des personnages touchants et vivants, premièrement, ce qui n’est pas donné à tous les auteurs. Docteur Sleep permet de revoir Danny Torrance mais également Wendy et Dick qui, si ils n’ont pas changé, ont en tout cas vieilli. Sur le coup, j’ai presque oublié qu’il s’agissait de personnages fictifs et j’ai eu un petit coup au cœur. Mais le récit nous amène à rencontrer d’autres acteurs et j’ai surtout retenu Casey et le vieux Billy Freeman.
Danny, devenu Dan désormais, est nettement plus touchant dans Docteur Sleep. On s’en doute, son évolution ne se fait pas dans la joie et la simplicité, il traîne des fantômes et des casseroles pesantes et s’enfonce dans une existence aussi pathétique que celle de son père, Jack Torrance. Mais là où j’étais heureuse, c’est que Dan ne grandit pas sans penser à son père : [spoiler] sans pour autant apparaître, Jack Torrance a une place importante aussi dans Docteur Sleep et j’ai aimé le fait que Dan prenne sa défense, car dans le fond, Jack n’était pas un connard mais un homme faible et qui faisait des efforts pour être quelqu’un de bien. [/spoiler] Et il n’y a rien de plus vrai que des relations paternelles compliquées !


J’ai apprécié la fameuse Abra mais pas autant que je l’aurais voulu. Un détail chez elle me chiffonnait vraiment : son âge n’était pas toujours adéquat à son caractère. Tout se passait bien au début, entre l’épisode des cuillères et autres bricoles d’enfant, et puis après la rencontre avec Dan, j’avais l’impression que c’était toujours la même Abra avec la mentalité d’une enfant de 10 ans mais avec le corps d’une jeune fille de 15 ans. C’est particulièrement délicat d’écrire sur une préadolescente en évitant à tout prix les clichés et j’avais le sentiment que Stephen King hésitait entre l’enfant et l’adolescente trop souvent, ce qui rendait Abra très brouillon à mes yeux. Au final, je n’ai pas réussi à m’attacher pleinement à ce fameux protagoniste.

Par chance, une autre qualité kingienne vient sauver le livre à mes yeux : la création des monstres. Sans pour autant être les plus terrifiants (quel montre dépassera Leland Gaunt ?!), on reconnaît le charme propre aux créatures du King. Vampires à l’alimentation originale, séducteurs à l’apparence lambda, chef de compagnie avec des goûts de la scène… Si Rose et ses collègues ne sortent pas tant que ça de l’ordinaire, difficile de trouver leurs semblables dans d’autres histoires et ces voyageurs m’auront quand même marqué. Impossible de voir les camping-cars du même œil.
J’ai cependant regretté la fin, le dénouement de ce Nœud Vrai : [spoiler] que la rougeole les décime tous les uns après les autres. Certes, le gamin du base-ball, Bradley Trevor, se venge à cette occasion et l’ironie de la situation est sympa, mais il y a comme une impression de facilité. [/spoiler].

Encore une fois, j’applaudis le style de Stephen King, on sent que Docteur Sleep est plus léger mais cela n’entache pas la qualité, car malgré les années, l’auteur a toujours cette plume d’acier chauffé à blanc qui imprimera bien des mots dans votre esprit. Mais c’est aussi là que le lecteur de Shining doit se détacher de l’enfance de Danny : si il y avait un sentiment claustrophobe dans Shining à cause de l’Overlook, lieu confiné et oublié, Docteur Sleep fait au contraire voyager son lecteur dans différents états et à ciel ouvert. Forcément, l’ambiance n’est plus la même !

Au final, si Docteur Sleep n’est pas le meilleur de Stephen King, il n’empêche que je l’ai dévoré en quelques jours et qu’il est fidèle au genre qu’on attend bien souvent de l’auteur. Les vives émotions ne concernent pas seulement la peur et des personnages d’une remarquable humanité sont au rendez-vous.
Mais souvenez-vous, fans de King : détachez-vous de Shining pour pleinement apprécier la vie adulte de Dan Torrance !

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il s'agit d'un King où le lecteur voyage à travers les États-Unis et non uniquement dans le Maine, toutefois, il y a des références aux villes fictives du King comme Castle Rock et Salem.
• Il y a énormément de références populaires dans Docteur Sleep, comme des clins d’œil (La référence à Daenerys du Trône de Fer à la P. 333 m’a fait beaucoup rire !). Abra compare à un moment Dan à Jax Teller de la série de bikers Sons of Anarchy. Fortuit ? Pas tout à fait : Stephen King est lui-même un grand fan de la série. Mieux ! Il a eu un petit rôle spécial dans l’épisode 3 de la saison 3 où il incarne un fossoyeur peu fréquentable !
• Au cas où, la chronique de Shining.

The Black Mirror,

Douze années ont passé depuis que Samuel Gordon a quitté le domaine de Black Mirror pour essayer d'oublier le drame qui s'y est déroulé. Et s'il est de retour aujourd'hui, c'est uniquement parce qu'il soupçonne que la mort de William Gordon, l'homme qui a tant compté pour lui, n'a rien d'accidentelle.
En enquêtant sur cette tragédie, Samuel va découvrir qu'une malédiction séculaire plane sur sa famille...
Résumé par MicroApplication
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En chroniquant Black Mirror II, qui est quand même sorti près de six ans après son prédécesseur, je n'avais pas vraiment l'intention d'écrire quelque chose à propos de Black Mirror I. Et puis, par nostalgie, bouclant le jeu une énième fois, je me suis dit "Et pourquoi pas ?".

Point'n'Click sorti en 2003, on peut reconnaître que Black Mirror a pris en onze ans un coup de vieux ! Et pourtant, mon ressenti est resté le même car bien que lent et assez monotone au début, c'est un petit jeu plein de qualités. Sorti d'un studio tchèque, on reconnaît pleinement l'influence germanique avec des châteaux dans l'art gothique, des villages oubliés par le temps lui-même et une météo à rendre malheureux les corbeaux et les grenouilles... Mais surtout, un goût prononcé pour les malédictions et sorts funestes. Car ce qui sauve Black Mirror encore aujourd'hui, c'est l'ambiance morose qui se dégage de ce jeu et qui n'a rien à envier au Tour d'Écrou d'Henry James ou aux contes macabres d’Edgar Allan Poe, que ce soit au niveau du scénario, de la musique ou du graphisme alors même qu’il a vieilli… Mais que j’explique en reprenant point par point.


Quand on commence une première partie de Black Mirror, le joueur peut être facilement perturbé quant à l’époque dans laquelle se déroule le jeu : l’époque Victorienne avec des anachronismes vestimentaires ? Un festival du moyen-âge qui ne se termine jamais ? Jusqu’à trouver la réponse sur une tombe récente : 1981. Décennie colorée qui accueille les premières consoles, les Tortues Ninja et les clips à scandales de Madonna. Mais à Willow Creek et dans la propriété de Black Mirror, on ignore tout du déhanché de Mickael Jackson de Thriller (peut-être aussi parce que le clip ne sort qu’en 1982), la mentalité est plus proche de celle de 1881 que de 1981 et il y a un mixte historique assez marquant.


Ces couleurs surannées, ces teintes sépia importantes et ces plans dignes des peintures de Friedrich donnent clairement cette impression d’intemporalité. Les mouvements des décors sont discrets, les bruits d’ambiance sont doux et presque imperceptibles. Black Mirror, c’est aussi une succession de plans mélancoliques où les ombres sont de plus en plus prononcées tout juste animées par une bande-son efficace mais malheureusement bien trop courte. Même les télécharger illégalement (est-ce vraiment illégal puisqu’aucun CD n’existe ?) sur le net relèverait presque de l’impossible ! Par chance, on peut toujours en apprécier quelques unes en fouillant Youtube, comme le Thème de William ou le Thème de Warmhill.
Sans compter que le jeu revisite tous les classiques de l'horreur : tombeaux poussiéreux, asiles lugubres, ruines abandonnés, manoirs trop spacieux et les bruitages qui vont avec, ce qui achève la tension horrifique.
En somme, une ambiance artistique qui pourrait paraître pauvre mais qui se trouve être efficacement pesante une fois que le joueur se laisse prendre au jeu.


L’impression d’ancienneté vient aussi du fait que le joueur incarne Samuel Gordon, jeune noble qui tient à faire honneur à ses ancêtres en restant digne, courtois et sérieux. Un vrai Darcy en jean, quoique plus impulsif. Si le personnage peut sembler un peu pâle, je m’y suis quand même attachée car c’est un protagoniste particulièrement ambitieux et son audace entraîne des situations qui, plus d’une fois, m’ont faite rire !
Je ne vais pas faire une liste complète des personnages, globalement, ils semblent tous un peu creux mais je me suis laissée happer par leur histoire et j’ai fini par tous les apprécier. J’ai aimé compléter les recherches de William (très chouette papy en plus, celui-là), retrouver la trace de James, sympathiser avec le petit Vick, découvrir les secrets honteux de Robert, aider Ralph avec Mr. Bubby… Quoique le personnage que j’ai surtout retenu et qui est sans aucun doute mon favori, c’est bien Bates, ce vieux majordome serviable qui n’a rien à envier au Alfred des Wayne.
Beaucoup de gens râlent concernant le doublage français par contre, et même si je reconnais qu’il n’est pas parfait, il est loin d’être mauvais, j’ai clairement entendu pire. Peut-être est-ce une question de goût après...


Les acteurs sont certes un peu rigides avec aucune expression et des gestes trop souvent répétées mais cela ne m’a pas franchement dérangé et si j’ai pardonné ces défauts mécaniques, c’est bien parce que le jeu est sorti en 2003 et qu’il vient d’un petit studio aux moyens très modestes. Comme quoi, on peut pondre des perles insoupçonnées sans avoir des milliers de dollars dans la poche.
De plus, les point’n’click s’adressent surtout aux joueurs à tendance holmésienne qui ne veulent pas de la beauté ou des effets spéciaux mais des énigmes, des puzzles, du mystère ! Et Black Mirror, pour ceux qui veulent des enquêtes sur fond surnaturel, répond correctement aux attentes. Proche d’un Stephen King policier ou d’un Sire Cédric victorien, le scénario de Black Mirror peut paraître un peu fade aux premiers abords mais l’enquête devient vite prenante, mêlant habilement criminologie et héritages familiaux. J’ai juste trouvé dommage que les derniers passages soient un peu vite expédiés et qu’il n’y ait pas davantage d’informations.


Ma conclusion est simple : en onze ans, j’ai eu le temps de recommencer l’aventure cinq ou six fois et je ne m’en lasse toujours pas. Il y a bien sûr une part nostalgique, mais c’est surtout que Black Mirror est un point’n’click unique avec une ambiance propre, un ressenti très personnel que je n’ai toujours pas réussi à trouver dans un autre jeu, pour mon plus grand malheur d’ailleurs.
Sur ce, je vais recommencer une partie de Black Mirror II avant d’éditer ma chronique, en espérant vous appâter suffisamment pour cette trilogie coup de cœur !


             Quelques anecdotes sur ce jeu,
• L'équipe qui s’est chargé de Black Mirror est composée principalement de... Sept personnes ! On retiendra par exemple Zdeněk Houb qui a composé toutes les musiques, a écrit les dialogues et une bonne partie du scénario.
• Le nom du manoir Black Mirror n’est jamais clairement révélé dans ce premier opus et le joueur n’aura l’explication précise que dans le troisième opus. Mais est-ce vraiment canonique puisqu’à la base, aucune suite n’était prévue et l’équipe avait même refusé l’idée d’une sequel ?
• Le titre original est Posel Smrti qui signifie Le Messager de la Mort.
• Produit par une équipe avec peu de moyens, d’autres joueurs se plaignent de beaucoup de bugs : je n’ai rencontré aucun bug et j’ai pourtant joué à Black Mirror sur trois PCs différents. Si toutefois mes lecteurs buttent contre une magouille et qu’ils ont besoin d’une sauvegarde pour se dépatouiller, je suis disponible (j'ai toujours mes sauvegardes avec moi) tout comme les forums de JeuxVideo.com où il y a des liens pour accéder à des sauvegardes qui vous débloqueront.
• Tous les screens de cette chronique sont issus de ma propre partie.

dimanche 20 avril 2014

The Raven - Legacy of a Master Thief,

The Raven : Legacy of a Master Thief est un jeu d'aventure en point and click sur PC découpé en trois chapitres. Véritable hommage à Agatha Christie, l'histoire débute à bord de l'Orient-Express et se termine au Caire. Pendant le périple, le gendarme Zellner fait équipe avec le policier Legrand pour traquer le célèbre voleur de bijoux qui se fait appeler le Corbeau.
Résumé par Jeux Video.com
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Le point'n'click est un genre de jeux qui s’éteint progressivement et je ne cache pas que ça me chagrine pas mal, car bien que j'adore taper sur des zombies et des dragons, j'aime aussi accompagner un policier ou un détective dans une enquête élaborée et pavée de puzzles, messages cryptés et énigmes logiques.
Je surveille donc régulièrement les sorties (aujourd'hui, on compte 3 à 5 P'n'C par an...) et sélectionne ceux qui m'intéressent grâce à leur ambiance, leur synopsis. Et justement, il se trouve que The Raven : Legacy of a Master Thief m'a immédiatement tapé dans l'œil grâce à son rendu original et à son résumé très similaire aux livres d'Agatha Christie que j'ai découvert en Janvier.


Dès le début du jeu, le lecteur déjà familier avec Hercule Poirot ou Miss Marple ricane doucement en reconnaissant tous les clins d'œil aux œuvres de la Reine du Crime ! On y trouve le policier a la petite moustache soignée, une virée sur l'Orient-Express perturbée par un vol, une visite en Égypte et ses plus grands trésors antiques... Jusqu'à l'auteure de renommée mondiale grâce à ses livres tels que "Style's Affair of Mystery", "The Vicarage in the Mirror", "Death on the Rails", bref, des titres supposés fictifs qui parleront en fait aux connaisseurs. On peut déjà appliquer le label "créé par des fans pour des fans" sur The Raven : Legacy of a Master Thief. Toutefois, King Art ne s'abaisse pas à reprendre le scénario du Crime de l'Orient-Express ou de Mort sur le Nil, loin de là, The Raven délivre une enquête inédite et qui a le mérite d'être structurée et prenante en abordant des thèmes divers, que ce soit le vol, le meurtre, voire la guerre encore très présente dans l'esprit des personnages.


Les personnages méritent qu'on s'arrête sur eux. En tant que véritable xénophile, j'étais obsédée par le fait que peu de personnages partageaient la même nationalité, ce qui peut même donner le début d'une blague : un suisse, un français, deux allemands, un espagnol, une anglaise et une américaine montent sur un bateau. Qui est le suspect ? 
Les développeurs jouent le jeu jusqu'au bout où les accents jouent un rôle amusant et accentuent la diversité des acteurs de cette énigme.
J'ai beaucoup aimé le policier Jakob Zellner, son côté vieux bonhomme qui, l'air de rien, est en fait sacrément perspicace et débrouillard. Sa relation avec l'inspecteur Legrand est amusante également, quoique touchante une fois qu'on connaît la conclusion. Le "clan Westmaccott" qui se compose de Lady Clarissa Westmaccott, Miss Miller et son petit Matthew est aussi particulièrement sympathique.

Une recherche concernant le design des personnages

Mais ce que j'ai surtout aimé, c'est le design : il y a comme des impressions de cartoons, un effet de caricature à peine assumé et le rendu est unique. L'animation rajoute à l'image de dessin-animé par des expressions, des grimaces, des démarches, des tics... Mais si l'immersion est immédiate, c'est grâce aussi aux décors, aux choix des couleurs et aux musiques très plaisantes et variées : on peut passer de ce thème très mélancolique à quelque chose de plus entraînant. Bien que la bande-son est légèrement monotone (un morceau par décor, quand on fait des aller-retours, c'est vite gonflant), je n'ai pourtant pas fait d'overdose surtout qu'elles ont le mérite d'être très adéquates à l'histoire. Affreuse erreur commise par Le Testament de Sherlock Holmes...
Ce qui peut perturber la jouabilité, en revanche, c'est les quelques bugs qui entachent un peu le jeu : dans un point'n'click, on passe d'une scène à une autre grâce une "porte virtuelle", en indiquant au personnage de se diriger vers tel lieu, sauf que dans The Raven, cette indication peut-être comprise une fois sur six, bloquant le joueur qui s'excite sur sa souris...


Des notes de violon tantôt joyeuses et entraînantes, tantôt lentes et moroses, cette ambivalence illustre bien The Raven : Legacy of a Master Thief puisque le récit connaît cette évolution en dents de scie. On parle quand même de crimes, de faiblesses chez certains protagonistes, de liens cachés... Que le néophyte ne se laisse pas berner par l'apparence enfantine car le scénario est très complet : comme lors d'une enquête d'Agatha Christie, tout le monde est suspect, les rebondissements renversent les théories et les mystères restent complets jusqu'au bout.
J'ai toutefois été légèrement déçue par la conclusion. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de zones encore sombres et pour être honnête, j'ai tellement aimé le prestige du Raven que j'aurais aimé ne jamais connaître son identité. J’adore toujours autant le personnage, mais simplement, le charme s'est envolé.

En clair, c'est un jeu que j'ai adoré, un point'n'click de qualité qui prouve que le genre peut encore être sauvé. C'est également un bel hommage à Agatha Christie qui devrait faire le bonheur des fans.


             Quelques anecdotes sur ce jeu,
• Comme un livre-série, le jeu est coupé en 3 chapitres qui sont sortis séparément. En lançant le jeu, il est possible de lancer les chapitres dans le désordre bien que c'est évidemment déconseillé. Le côté pratique, c'est que si vous avez eu un mauvais score à un des trois chapitres, vous n'êtes pas obligé de vous retaper le jeu complètement.
• En bonus, une nouvelle a été publiée gratuitement sur le site officiel, narrant une introduction plus complète que la cinématique au début du jeu.
• Pour le moment, je n'ai trouvé aucune information concernant le sous-titrage français, mais le jeu étant récent et actuellement traduit en plusieurs langues, le tour pour le français arrivera peut-être prochainement.
• Tous les screens de cette chronique sont issus de ma propre partie.