dimanche 31 août 2014

Bilan Mensuel : Août 2014 [25],


Ça y est : l’été touche à sa fin ! Mais s’est-il seulement pointé ? On sent que l’automne lui a grappillé pas mal de place et j’imagine que peu de lecteurs ont dévoré des pavés le cul dans le sable. Cela dit, soleil ou pas, en tant que vampire, y a bien longtemps qu’un grain de sable ne s’est pas collé à mon fessier (en revanche, j’ai profité de quelques rivières).
Cela ne m’a pas empêché de bouquiner et de chroniquer assidûment mes dernières lectures de vacances, un bilan tranquille mais avec uniquement de bonnes surprises :
 http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2014/08/albert-nobbs-de-george-moore.htmlhttp://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2014/08/le-dernier-voeu-dandrzej-sapkowski.htmlhttp://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2014/08/lepee-de-la-providence-dandrzej.html
[cliquez sur les couvertures pour accéder aux chroniques.]

Quant à mes achats, je me suis limitée à des trouvailles qui me faisaient envie depuis un moment :

Pour les Challenges, j’avance, j’avance : je suis à 32 lectures sur 40 pour le 2014 Reading Challenge, je me sens encore à l’aise jusqu’en Décembre. Inscrite pour le Dark Fantasy Challenge, j’ai apporté trois contributions (les prochaines sont en cours) et j’ai fait mon premier billet pour le Challenge Irlande. Et quant au terrible et redoutable Challenge des 170 Idées, j’en suis à 24 sur 170... Je n’en vois toujours pas le bout mais ça m’amuse toujours autant.
*chiale*

Sur ce, je souhaite une bonne rentrée à tous les étudiants de tout âge et tout genre ! Et bien sûr, de très bonnes lectures et découvertes à tous.

Albert Nobbs, de George Moore,

Quel singulier destin que celui d’Albert Nobbs ! Majordome à l'hôtel Morrison, il y est apprécié pour sa discrétion et son efficacité. Mais, pour pouvoir travailler, Albert doit dissimuler un singulier secret. Sous ses vêtements masculins se cache depuis trente ans une femme travestie en homme. Alors qu’un ouvrier découvre l’imposture, Albert choisit pour la première fois de sa vie de réaliser un de ses rêves...
Confusion des sentiments et questionnement sur l’identité, l’histoire d’Albert Nobbs dans le Dublin de la fin du XIXème siècle se révèle d’une étonnante modernité.
Quatrième de couverture par Pocket.
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Lauteur daprès Manet.

Il m’est toujours difficile de parler des livres que je lis en une après-midi. Quand je dévore un livre pendant plusieurs jours, dévorant les pages qui nourrissent mes pensées, je prends suffisamment le temps de le ressasser même lorsqu’il ne se trouve pas entre mes mains. Je le lis même quand il est dans mon sac ou sur ma table de nuit.
Albert Nobbs se range malheureusement sur l’étagère des livres que j’ai ouvert et refermé une fois la dernière page lue, lu d’une traite. Je ne pense pas avoir un souvenir impérissable de cette nouvelle. Toutefois ! Cela ne veut pas dire que ce n’était pas bien, au contraire, c’était un petit récit très plaisant.

Je pense qu’avant l’adaptation au cinéma avec l’impressionnante Glenn Close, peu de gens avaient entendu parler d’Albert Nobbs, ce majordome qui porte un veston plutôt qu’un corset. Je fais partie de cette catégorie chez qui le nom de George Moore n’était qu’une composition de deux noms communs. Mais grâce au travail de Glenn Close, j’ai découvert l’histoire tragique de cette femme qui porte des vêtements masculins. Mais contrairement à George Sand, Albert Nobbs occupe une identité d’homme, fait un travail d’homme et vit comme un homme depuis tant d’années, excluant ainsi toute fréquentation, qu’elle soit masculine ou féminine.
Dur de faire des personnages riches en psychologie dans une nouvelle (ce n’est d’ailleurs pas tellement le but d’une nouvelle) : Helen est la jeune romantique capricieuse, Joe Mackins la petite-frappe qui accumule les p’tits jobs, Albert Nobbs le peut-être qui se découvre des buts, des objectifs et enfin, le curieux Hubert. La richesse vient de la complexité de la situation, ce chamboulement de sentiments, d’identité et de futur. Dans cette triste posture, je ne pouvais m’empêcher de plaindre Albert Nobbs.

Si le livre ne vous tente pas, tentez au moins le film pour voir une Glenn Close convaincante !

Il s’agit d’une sympathique excursion dans le Dublin des années 1860 qui soulève un problème qui, à mon avis, était plus commun qu’on ne le pense. Cela dit, heureusement que j’ai vu le film, sans quoi, j’aurais oublié Albert Nobbs d’ici quelques années.

Je rattache cette chronique au Challenge d’Irlande et à l’idée 59 du Challenge des 170 Idées :
 http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2014/06/challenge-07-challenge-litterature.html

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Le thème audacieux est un peu la marque de fabrique de George Moore : ses premiers romans ont été difficilement acceptés à cause des sujets abordés jugés comme immoraux. Cela dit, il se montre raisonnable dans Albert Nobbs !
• Pour rester dans l’idée du film, Glenn Close a déjà été sur les planches de théâtre lors d’une adaptation d’Albert Nobbs où elle incarnait le même rôle : un personnage fictif qui semble lui tenir à cœur~

L’Épée de la Providence, d’Andrzej Sapkowski

Geralt de Riv n’en a pas fini avec sa vie errante de tueur de monstres. Fidèle aux règles de la corporation maudite des sorceleurs, Geralt assume sa mission sans faillir dans un monde hostile et corrompu qui ne laisse aucune place à l’espoir. Mais la rencontre avec la petite Ciri, l’Enfant élue, va donner un sens nouveau à l’existence de ce héros solitaire. Geralt cessera-t-il enfin de fuir devant la mort pour affronter la providence et percer à jour son véritable destin ?
Quatrième de couverture par Milady.
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Cette fois, la carte, vous en aurez besoin !
« Un maigre chat noir se tenait assis sur la barrière située en face de l’écurie et se léchait consciencieusement la patte.
— Tss-tss, chaton, chaton, appela le sorceleur.
Le chat le regarda sans bouger et se mit à siffler avec hostilité. Il baissa les oreilles et montra ses crocs.
— Je sais, dit Geralt avec un signe de la tête. Moi non plus je ne t’aime pas. Je ne faisais que plaisanter. »
P. 155

Comme je le disais dans la chronique du Dernier Vœu, j’ai vite enchaîné avec le second recueil de nouvelles de la saga Sorceleur : L’Épée de la Providence. Les voyages en train font que j’ai dévoré ce tome très rapidement et avec une curiosité toujours aussi grandissante.
Ici, Andrzej Sapkowski laisse un peu les contes pour enfants de côté et se concentre davantage sur son personnage : son passé, ses liens, l’amour de sa vie, son futur et une surprise au milieu de chemin, quelque chose que Geralt ne pourra pas ignorer.

La série de nouvelles ne connaît pas un enchaînement comme dans Le Dernier Vœu mais, par chance, chronologiquement, les nouvelles se suivent et forment une fresque d’aventures du sorceleur aux cheveux blancs. Bon, comme d’habitude, je rentre en détails pour chaque nouvelle. Gardez à l’esprit par contre que ce sont des impressions au cas par cas et que la note finale n’est pas une moyenne de toutes les notes ci-dessous :

     • Les Limites du Possible, 3/5
J’ai longtemps hésité entre le 3 et le 4 pour cette nouvelle. J’ai eu du mal à avancer dans cette aventure mais la fin vaut largement le coup. L’auteur nous offre une virée typiquement épique avec des ingrédients classiques mais efficaces : une magicienne sulfureuse, un dragon légendaire, un chevalier errant et pieux et des rivalités au bord de dangereux ravins.
Malgré quelques coups de mou, j’ai ri avec le nain Yarpen Zigrin et sa horde de barbus (leurs réflexions contre Yennefer en adoptant un air de rien), j’ai admiré l’enjoué Borch Trois-Choucas et ses deux guerrières Zerricanes, Vea et Tea (les illustrations à gauche et à droite sont signées par Will Appledorn). Mais si le début et la conclusion sont à la hauteur, le milieu était assez lent et j’avais hâte d’en venir à bout quand même…
Mais si j’ai opté pour le 3, c’est que comparé aux autres récits, Les Limites du Possible est le moins bon du recueil.


     • État de Glace, 5/5
Après de nombreuses prises de bec, Yennefer et Geralt se réunissent enfin pour un bout de chemin : couple installé, un village merdique, quelques jalousies supplémentaires et des galipettes enflammées. Une nouvelle qui fait plaisir à la gente féminine, mais pas que ! Andrzej Sapkowski met un peu d’humour (rien que le souvenir du rhinocéros empaillé, j’ai ricané comme une hyène), un peu d’agitation, de la violence et un ennemi pour Geralt.
Mais l’auteur nous entraîne sur des premiers principes philosophiques sur une question essentielle qui sera au centre de toutes les nouvelles : reste-t-il un peu d’humanité en Geralt, ce sorceleur qui se prive d’émotions et qui a été transformé pour tuer ceux qui menacent les humains ? Perdu comme un enfant, se défendant sans trop d’illusions, la réponse est encore floue mais est éclairée par une présence sombre, celle de Yennefer, qui ne manque pas de prestige dans celui-ci, je pense notamment à la conclusion où mon petit cœur s’est serré pour Geralt et leur relation.
Encore une fois, les dialogues sont fluides, rapides et jouissifs et je garderai de l’État de Glace un très bon souvenir.

«  100 marks, c’est beaucoup d’argent. Je ne sais pas si je donnerais autant pour une hydre à neuf têtes. 85.
— 100, seigneur Herbolt. Bien sûr, ce n’était pas une hydre à neuf têtes, mais reconnaissez que personne ici, même la célèbre cigale, n’aurai pu venir à bout de ce zeugle.
— Parce que personne ici n’a l’habitude de barboter dans les excréments et les ordures. C’est mon dernier mot : 90.
— 100.
— 95, par tous les démons et les diables !
— D’accord.
— Ah ! (Herbolt se mit à rire à belles dents.) C’est réglé. Tu marchandes toujours aussi bien, sorceleur ?
— Non (Geralt ne broncha pas.) C’est plutôt rare. Je voulais juste vous faire plaisir, staroste. »
P. 123

     • Le Feu Éternel, 3/5
On se retire un peu des sentiers philosophiques pour retourner sur les grandes routes de l’aventure avec un Geralt accompagné d’un Jaskier toujours en pleine forme et des… Hobbits ! Évidemment proches de ceux de Tolkien, Andrzej Sapkowski les remodèle quand même pour pouvoir les rendre réalistes dans son univers un peu plus cru, un peu plus violent.
Mais celui que j’ai surtout adoré, c’est bien le doppler, un monstre particulièrement comique qui fait toute la folie du Feu Éternel, une nouvelle qui, tranchant avec son titre aux tendances sérieuses, est en fait bourrée de gags tous très efficaces et réserve de bonnes surprises.
Toutefois, vu le poids des autres nouvelles, elle sort vite de ma mémoire à cause de sa légèreté et ne reste que d’autres souvenirs de lecture plus sombres et plus lourds. Mais enfin, elle reste une nouvelle digne d’un coup d’œil !

     • Une Once d’Abnégation, 5/5
Ok, celle-là, j’en garderai un souvenir fantastique. Au bord d’une mer secouée par des vents salés, avec une collègue de Jaskier intéressante et un franc-parler que j’aime, un peuple inconnu et dangereux… Une Once d’Abnégation est un coup de cœur grâce aux conversations entre Jaskier et Geralt (l’amitié qui les lie, ceux-là, est vraiment comique), la rencontre avec Petit-Œil, cette poétesse piquante, le charme de Sh’eenaz la sirène, un sorceleur rabaissé par son employeur et une passion qu’il n’arrive plus à éteindre et surtout, une conclusion qui pique les yeux de larmes.
Si Andrzej Sapkowski ne réutilise aucun conte (sauf peut-être de La Petite Sirène mais c’est vraiment au second plan), il donne à Une Once d’Abnégation un semblant de légende, une allure de ballade dramatique.
Une chose est sûre : je resterai longtemps secouée par la conclusion vue du côté de Jaskier, un personnage plus profond et sensible qu’on pourrait le croire (mais après tout, c’est la sensibilité qui fait les bons poètes).

Une représentation de Jaskier, nommé Dandelion dans la version anglaise, par Julia Alekseeva

     • L’Épée de la Providence, 5/5
Ça y est, on commence à entrer dans le vif du sujet. Après quelques larmes chassées à la fin d’Une Once d’Abnégation, on plonge dans l’ambiance mystérieuse qui émane d’un bois bien particulier : Brokilone et ses résidentes, les dryades. Toutefois, les dryades de sang-pur ne sont pas si nombreuses que ça et elles enlèvent des jeunes enfants pour en faire des filles de la forêt. En clair, un peuple parfait pour aborder à nouveau la dichotomie de Geralt, ces parts humaine et mutante qui ne cessent de s’entrechoquer.
Après Yennefer, une autre présence vient apporter une réponse dans L’Épée de la Providence, une présence plus lumineuse, plus colorée : celle de Ciri. Autant vous dire de suite que j’ai lu la rencontre de Geralt et la petite Ciri en public et que je me retenais à chaque page tournée de ne pas éclater de rire ! Geralt perd ses moyens et sa patience devant cette enfant audacieuse et débordant d’imagination, tandis que Ciri, bien qu’attirée par celui qui la repousse, lui lance des réflexions hautaines et l’embête sans arrêt.
Bref, un lien qui commence à se tisser et que j’avais hâte de voir. Je sais déjà que je relirai cette nouvelle dans plusieurs mois par pure nostalgie.
Je n’oublie pas les dryades, créatures bien particulières mais fascinantes et Braenn m’a ému puisqu’elle n’est, au fond, pas vraiment différente de Geralt.
Une excellente nouvelle et un second coup de cœur pour cette aventure. Et en bonus, une illustration de Carlo C. Neira Echave, je vois que les artistes sont inspirés !



« - Il est facile de tuer avec un arc, jeune fille. Il est facile de lâcher la corde en pensant : Ce n’est pas moi, c’est la flèche. Mes mains ne portent pas le sang de ce garçon, c’est la flèche qui l’a tué, pas moi. Mais la flèche ne rêve pas la nuit. Je te souhaite de ne pas rêver non plus, petite dryade aux yeux bleus. »
P. 365

     • Quelque Chose en Plus, 4/5
Et je termine cette chronique avec mon avis sur la nouvelle terminée ce matin, une bien étrange nouvelle pour tout dire. En l’espace d’une soixante-dizaine de pages, l’auteur confronte son personnage à des gens qu’il est incapable de haïr ou de fuir (rencontre surprise à la clé, d’ailleurs). La confusion est donc à son comble, d’autant plus que Geralt n’est pas au mieux de sa forme mais Yurga, un brave gars qui semble pas être nourri de préjugés, est là pour briller sur les planches et porter un peu de fraîcheur dans ce monde assombri par les guerres.
Quelque Chose en Plus rappelle les deux nouvelles, Une Question de Prix et Le Dernier Vœu, dans Le Dernier Vœuce qui risque de promettre, ce sont les conséquences car si Andrzej Sapkowski reste un bon auteur, les changements chez Geralt risquent d’être très intéressants et prometteurs !

Je referme donc le seconde tome de la saga Sorceleur avec le lourd regret de ne pas avoir le troisième sous la main. Mais qu’à cela ne tienne, j’irai chasser le sorceleur cette semaine en ville et je me ferai ma réserve de lecture comme Geralt ferait une réserve d’élixirs.
Je ne pense que ce soit nécessaire de vous dire que je commence à être accro à cette série littéraire ?

Grâce aux sorts de Triss qui figure en arrière-plan, je peux raccrocher cette chroniques à l’idée 111 du Challenge des 170 Idées, mais pas que, c’est aussi ma troisième contribution au Challenge Dark Fantasy :
http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2014/08/challenge-08-challenge-dark-fantasy.html http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2013/11/challenge-04-le-challenge-de-170-idees.html

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Geek-lecteurs, sautez de vos chaises défoncées par les heures de jeu, le principe de l’Épée de la Providence va être repris pour le prochain opus vidéo ludique : The Witcher 3, The Wild Hunt. Pour l’instant, je n’ai pas trouvé de grosses informations… Mais c’est surtout que je n’ai pas trop cherché, désirant être surprise.
• Bien que le tome 3, intitulée Le Sang des Elfes, est un roman, Andrzej Sapkowski a écrit deux autres nouvelles qui peuvent figurer dans la saga Sorceleur, figurant dans le recueil Quelque chose s’achève, quelque chose commence. Les deux histoires sont intitulées Le chemin sans retour et Quelque chose s’achève, quelque chose commence bien que pour cette dernière, il s’agit d’un cadeau de mariage et, de ce fait, n’est pas toujours vu comme vraiment canonique.
• Pour ceux qui veulent, la chronique du tome précédent : Le Dernier Vœu.
• Je vous quitte sur une représentation de Ciri signée par Misha-dragonov, parce que... J’ai hâte de la revoir.



Druide, d'Oliver Peru,

Les druides règnent sur une forêt primordiale et sacrée sise au cœur du monde. Détenteurs d’une sagesse millénaire, ils sont les gardiens du Pacte Ancien, dont le respect garantit la paix entre les peuples. Mais un crime de sang d’une violence inouïe met en péril le fragile échiquier politique des royaumes du Nord. Le druide Obrigan, aidé de ses deux apprentis, ne dispose que de vingt et un jours, pas un de plus, pour élucider les circonstances du drame, faute de quoi une guerre totale éclatera. Et tandis que le compte à rebours tourne, chaque lune apporte son lot de nouveaux cadavres, l’entraînant toujours plus loin dans l’horreur…
Quatrième de couverture par J’ai Lu.
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« Autrefois, il prêchait la vérité et se vouait corps et âme à la mère verte. Désormais, il mentait, volait et décidait du sort d’autrui... Il détestait cela. » 
P. 331

Il était temps que je découvre Oliver Peru, cet auteur français qui vient de Montpellier (enfin quelque chose de bien dans cette ville) qui commence à se faire un nom dans les étagères Fantasy des librairies. Je me suis donc approchée à pas feutrés de son roman où il y a autant de pages que d’arbres : Druide, un récit sombre comme un bois inexploré, enchanteur comme un Brocéliande en noir et blanc.

Trébuchant sur les racines noueuses du début du récit, Druide m’a vraiment fait l’effet d’une promenade dans une forêt ample, dense et parfaitement inconnue : les premières pages ont été vite parcourues tant j’étais avide de me plonger dans cette contrée, puis je me suis rapidement sentie perdue au milieu de cet univers boisé, commençant doucement à décrocher. C’est un des grands défauts de la Fantasy et c’est un élément difficile à maîtriser : captiver le lecteur dans un monde imaginaire, le transporter délicatement dans ce flot de connaissances et ne pas le laisser se noyer. D’où les nombreuses sagas avec une flopée de tomes d’ailleurs. Mais ici, Peru ne s’étend pas : en un tome, il doit expliquer l’histoire qui déchire le royaume entre le Sonrygar et le Rahimir depuis tant d’années, le rôle que jouent les druides et les factions qui les divisent et autres mystères sur lesquels le lecteur butera chapitre après chapitre.

Elle n’est peut-être pas aussi vaste que celle du Seigneur des Anneaux ou du Trône de Fer, 
mais la carte vous sera quand même utile à vos débuts.

Les rebondissements sont tout de même efficaces : ils ponctuent la lecture, piquent la curiosité. J’ai aimé explorer cet enchevêtrement de branches et de racines aux côtés d’Obrigan, un personnage classique mais appréciable, qui a vécu beaucoup d’événements marquants et qui en traversera beaucoup d’autres. J’ai surtout aimé surtout la richesse de ses relations avec ses deux apprentis, Kesher et Tobias, qui sont comme deux fils, son maître loup, Freneon, sa rivalité puérile mais tassée avec Serophon, l’autre druide qui aimait sa dulcinée du nom de Kalyaste... Bref, une panoplie riche avec des personnages tous très sympathiques. J’ai particulièrement aimé Freneon, la jeune druide Arkantia et ce qu’elle vivra, Jarekson sans oublier Yllias et l’originalité de Neferthil. Bien sûr, ce ne sont que des noms parsemés, seuls les lecteurs sauront de qui je parle et j’en tais certains pour que le suspens des prochains lecteurs reste savoureux !
Dernière mention toutefois pour Chirken, un druide particulièrement maudit mais qui suit le schéma typique des personnages que j’adore.

Les liens sont tissés avec logique et réalisme, mais Peru va plus loin dans cette sagesse : son œuvre est complète. C’est une véritable enquête où aucune question n’est laissée sans réponse, où tout s’imbrique, s’emboîte avec une logique digne d’un policier. Forcément, cette qualité enchaîne sur une autre qualité : une conclusion très satisfaisante. Le lecteur découvre des vérités, comprend de nombreuses énigmes et connaît le mot-fin de chaque acteur de cette péripétie sanguinaire. Un peu courte toutefois, mais est-ce que je pouvais en avoir assez ? En fait, si le début m’a paru terriblement long, la fin était d’une rapidité frustrante. Il ne me reste qu’à ressasser les dernières pages et me remémorer de magnifiques passages pour combler cette soif.

Alors je ne dirais pas que Druide est un roman parfait, mais je peux confirmer une chose : ce n’est pas donné à tous les auteurs de faire un premier roman aussi encourageant, aussi bien ficelé. Je suivrai donc Oliver Peru dans ses prochaines embarcations ! Je voulais attendre la sortie du tome 2 de Martyrs, mais sachant qu’il a creusé son nid dans les librairies depuis mercredi, je peux m’attaquer à cette nouvelle saga à mon tour.

Je ne m’y attendais pas vraiment au début de ma lecture, mais en fait je peux rattacher Druide au Challenge Dark Fantasy. Je lie cette chronique aussi à l'idée 75 du Challenge des 170 Idées :
http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2014/08/challenge-08-challenge-dark-fantasy.htmlhttp://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2013/11/challenge-04-le-challenge-de-170-idees.html

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,

• Oliver ou Olivier ? Le vrai prénom de l’auteur est effectivement Olivier mais il signe ses romans sous le pseudo d’Oliver Peru, démarquant ses travaux de graphiste et ceux littéraires peut-être ?
• Pas seulement romancier et scénariste, Olivier Peru est également un illustrateur. La couverture, la carte et les symboles sont signées aussi de sa main. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même !
• C’est une anecdote assez personnelle mais je ne peux m’empêcher de vous la partager, bien que certains l’auront deviné en lisant les remerciements et en lisant entre les lignes du livre. Olivier Peru ne compte pas uniquement sur la romance mais aussi sur la fraternité, un lien qui se révèle très riche. Cela fait d’ailleurs du bien de voir qu’un auteur ne compte pas seulement sur l’amour mais aussi les liens de familles, que ce soit par le sang ou non (je pense surtout à Kesher et Tobias, Obrigan et Atrien et d’autres liens). Je ne veux pas en révéler plus et préfère vous rediriger vers cet article qui parle de celui à qui cette histoire très forte est dédiée. 


jeudi 28 août 2014

Le Dernier Voeu, d’Andrzej Sapkowski,

Geralt de Riv est un homme inquiétant, un mutant devenu le parfait assassin. En ces temps obscurs, ogres, goules et vampires pullulent, et les magiciens sont des manipulateurs experts. Contre ces menaces, il faut un tueur à gages à la hauteur, et Geralt est plus qu’un guerrier ou un mage. C’est un sorceleur. Au cours de ses aventures, il rencontrera une magicienne aux charmes vénéneux, un troubadour paillard au grand cœur... et, au terme de sa quête, peut-être réalisera-t-il son dernier vœu : retrouver son humanité.
Quatrième de couverture par Milady.
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« Je te prenais pour un instrument aveugle et avide de sang, pour quelqu’un qui tue froidement, sans se poser de questions, qui essuie le sang sur la lame et compte son argent. Mais j’ai compris que le métier de sorceleur est en fait digne de respect. Tu nous défends non seulement contre le Mal tapi dans l’ombre, mais aussi contre celui qui est tapi en nous. » 
P. 216, avec en illustration Geralt - After hunting de Julia Alekseeva

Il y a à peu près un an, Steam avait réuni en promotion les jeux The Witcher et The Witcher 2. Très populaires sur la toile, j’ai profité de l’occasion pour les ajouter à ma collection mais sans m’y intéresser plus que ça. Ce n’est qu’au début du mois de Juin que j’ai installé le premier volet. Pourtant, après une petite heure de jeu, j’ai rangé ma panoplie de sorceleuse sans penser à m’y remettre.
Et pis un beau jour d’Août, j’ai repris et là, impossible de m’arrêter ! Après une semaine complète dans les terres de Temeria sans pour autant finir le jeu, je me sentais conquise et la curiosité m’a poussé à acheter les deux premiers volets du roman d’Andrzej Sapkowski, le point de départ de toute cette folie vidéoludique qui entoure le mystérieux Geralt de Riv, tueurs de monstres aux cheveux d’albâtre.
C’est sans aucun regret que j’ai cédé à cette impulsion livresque.

Le Dernier Vœu est pourtant une série de nouvelles, un format qui arrive rarement à convaincre de nouveaux lecteurs, mais Sapkowski y met un tel panache, une telle dynamique dans ses histoires en réalité liées qu’on comprend assez vite que ce format déguise en fait un enchaînement d’événements dans la vie d’un personnage bien particulier : Geralt de Riv. Tueur de monstres qui répond à des principes qu’il s’est imposé lui-même, homme à femmes à l’humour cynique, mutant aux aptitudes physiques et mentales remarquables... Bref, Geralt est définitivement le protagoniste-type qui illustre si bien le genre Fantasy mature, mais avec tout de même des petits plus qui le rendent unique et ce fut un réel plaisir de suivre ses premières péripéties.

Pour son récit, l’originalité n’est encore une fois pas vraiment au rendez-vous : Sapkowski emprunte beaucoup aux contes et légendes très connus et les réinvente à sa sauce. Cela dit, là où je me suis clairement amusée, c’est le côté presque "scientifique" que l’auteur place dans son livre : la magie est une science, les créatures fantastiques font parties d’un bestiaire organisé et étudié et les élixirs ne sont pas à la porté de n’importe qui. Geralt parle d’un kikimorrhe comme un étudiant en médecine parle des conséquences provoquées par une dyslipidémie. Son charabia de sorceleur sonne comme le vocabulaire d’un pharmacien et cette dimension "intellectuelle" m’a beaucoup plu (comme quoi, être tueur de monstres requiert force et droiture, mais aussi tact et connaissances).

Le docteur John H. Watson en a eu assez d’écrire les aventures de Sherlock Holmes, 
alors il s’est mis à la Fantasy sous le nom d’Andrzej Sapkowski et propose des enquêtes menées par Geralt.
(ça tient la route ?)

Puisqu’il s’agit d’un récit de nouvelles, je rentre en détails pour chacune d’elle. Gardez à l’esprit par contre que ce sont des impressions au cas par cas et que la note finale n’est pas une moyenne de toutes les notes ci-dessous :

     • Le Sorceleur, 4/5
On rentre dans le sujet : Andrzej Sapkowski démontre un premier talent : comment il gère le rythme de sa narration. Que ce soit pour les combats, les dialogues mouvementés, on ne s'ennuie pas durant la lecture. Alors loin d’être mou mais peut-être un peu court, Le Sorceleur est concis, dynamique et pousse à la curiosité pour la suite.

     • Un Grain de Vérité, 5/5
Comme dit plus haut, Andrzej Sapkowski parodie les contes qui ont bercé l’enfance des européens. Et il se trouve qu’il personnalise dans Un Grain de Vérité une histoire pour laquelle j’ai un faible : La Belle et la Bête. On reconnaît l’influence, les événements classiques (la rose volée, etc.) mais la fin reste surprenante et surtout attendrissante.
Geralt n’est pas le simple et bête tueur de monstres qu’on pourrait croire et en révèle plus que dans Le Sorceleur. Nivellen est un personnage que j’ai beaucoup apprécié aussi, un être bien sympathique et j’ai été touchée par sa conclusion.
Certes, reprendre le populaire conte de la Belle et la Bête n’a rien d'incroyable, mais cela n’empêche pas que j’ai trouvé cette nouvelle attendrissante, d’autant plus que c’est ma préférée.


     • Le Moindre Mal, 3/5
Après le coup de coeur pour Un Grain de Vérité, j’ai moins aimé Le Moindre Mal. La contrainte du choix est bien exploitée et on tarde de savoir quelle voie décisive va suivre Geralt, mais je n’ai pas assez aimé les personnages pour être réellement émue. On reconnaît encore une fois l’enchaînement fluide du récit mais je pense que Le Moindre Mal aurait été plus captivant dans une nouvelle un peu plus longue et plus complète, plus riche en détails.

     • Une Question de Prix, 3/5
Mieux que Le Moindre Mal, Une Question de Prix a pourtant le même défaut : cette nouvelle m’a laissé sur ma faim. Si j’ai apprécié le charisme du Hérisson Duny, les surprises que réserve la princesse Pavetta et la droiture de la reine Calanthe, je regrette que les rencontres soient si courtes. Mais la qualité d’Une Question de Prix, c’est sa conclusion : elle me met dans tous mes états (puisque je me suis légèrement spoilée sur le net, mais sans regret). Si la nouvelle en elle-même me laisse un peu indifférente, c’est qu’elle n’est que le prologue d’un événement que j’attends avec impatience : la récompense de Geralt.
Ceux qui connaissent la saga du Sorceleur savent de quoi je parle~

     • Le Bout du Monde, 5/5
Légère, hilarante, mouvementée, Le Bout du Monde est aussi l’occasion d’une plongée un peu plus poussée dans le monde de Sapkowski : on s’approche plus près des elfes, on découvre de nouvelles créatures, des traditions, un peu de géographie et on rencontre surtout un proche ami du sorceleur : le célèbre barde Jaskier. Charmeur, inconscient, fier et grande-gueule, Jaskier est l’opposé de Geralt et, tout le monde le sait, les opposés s’attirent. Ils forment une paire comique, parfois déséquilibrée et pleine de surprises et j’étais très contente de les retrouver ensemble dans Le Dernier Vœu.
La confrontation contre le diabolo restera marquante et j’en garderai un très bon souvenir, il faut reconnaître en plus que ce "monstre" vaut le détour.

     • Le Dernier Vœu, 3/5
Le Dernier Vœu m’a laissé la même impression qu’Une Question de Prix : un sentiment d’inachevé à cause des répercussions possibles. Encore une fois, je me suis légèrement spoilée mais sans regret, car Yennefer est un personnage un peu trop classique (sorcière fatale avec une soif de pouvoir sans limite et un ego surdimensionné) et mérite d'être creusé... Ce qui arrivera, j’espère ! Grâce à son passé et à sa relation avec Geralt, Andrzej Sapkowski a des matériaux pour rendre cette femme bien plus originale et exceptionnelle. Enfin, pour ce début, ses charmes ne m’ont pas laissée insensible et la curiosité m’a piqué.
En fait, ce qui m’a réellement dérangé dans Le Dernier Vœu, c’est que j’ai trouvé le récit confus, bourré de non-dits (trop de sous-entendus tue les sous-entendus) et méritait d’être parfois plus clair.
Heureusement que Jaskier était là pour mettre un peu de sa couleur.


     • La Voix de la Raison, 4/5
Difficile de donner une note sur cette nouvelle démembrée que l’on croise à chaque fin d’aventure. La Voix de la Raison est la colonne vertébrale du recueil Le Dernier Vœu, elle annonce le thème de la prochaine nouvelle, laisse un semblant de conclusion et apporte surtout son lot de mystères. Je n’oublie pas la confession que Geralt fait à Iola qui est très émouvante, franchement sympathique. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé leur relation un peu pudique, assez timide.
Alors certes, je ne dirai pas que c’est une excellente nouvelle mais j’ai admiré comment Andrzej Sapkowski a placé ces morceaux, comme s’il nous mettait face à son sorceleur et nous laissait avoir une longue, très longue conversation avec lui à propos de son passé, ses ambitions et un semblant de son futur.

Le Dernier Vœu est donc un excellent tome introductif déguisé en une série de nouvelles, permettant au néophyte une première approche, un effleurement avec un monde où sorceleurs, monstres, mages et rois cohabitent difficilement.
Autant vous dire que j’ai commencé sans tarder le tome suivant, L’Épée de la Providence.

Différentes couvertures pour différents pays. 
Autant vous dire que j'ai un coup de cœur phénoménal pour la version espagnole.

Cette chronique est aussi ma première participation au Dark Fantasy Challenge organisé par Zina :
http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2014/08/challenge-08-challenge-dark-fantasy.html

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Tout d’abord publié dans un magazine polonais en 1986, Le Sorceleur n’était qu’une simple nouvelle. Simple, mais avec un certain succès, à tel point qu’Andrzej Sapkowski se lance dans plusieurs histoires qui s’articuleront autour de son nouveau personnage.
• La maison d’édition Milady a choisi un autre ordre de publication que Bragelonne : alors que Bragelonne fait commencer la saga par Le Sang des Elfes, le premier roman, Milady préfère consacrer les deux premiers tomes aux recueils de nouvelles qui peuvent servir de long prologue, Le Sang des Elfes devenant ainsi le tome 3.

mercredi 27 août 2014

Les Vacances de Sherlock Holmes, de Martine Ruzé-Moëns,

Le journal intime de Mathilde d'Alencourt, l’amie française de Madame Watson, renfermerait-il autant de mystères qu’en contient encore la vieille malle en fer de Sherlock Holmes ?
Mathilde y a noté ses secrets.
Elle rencontre le détective lors du mariage de John J. Watson, et l’accompagne ensuite quand il consent à prendre des vacances.
Mais, avec Holmes, il n’y a jamais de repos. Lors de ses villégiatures en France, en Norvège ou en Belgique, les énigmes se succèdent et les mystères s’éclaircissent, mais de nouvelles interrogations surgissent alors sur la vie privée du détective...
Et quand l’heure de la retraite a sonné, retiré dans sa ferme du Sussex, Sherlock Holmes résout une ultime affaire qui décidera de la fin de son existence...
Quatrième de couverture par Éditions Mycroft’s Brother.
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Intriguée par les ouvrages uniques qui sont proposés par les Éditions Mycroft’s Brother, j’ai acheté, sans trop savoir pourquoi, Les Vacances de Sherlock Holmes plutôt qu’un autre pastiche (La Sufragette Amoureuse me fait de l’œil aussi, cela dit). Tout d’abord perplexe par la dimension amoureuse qui lie Mathilde d’Alencourt au très populaire détective anglais, je me suis finalement armée de courage pour découvrir enfin ce pastiche audacieux et découvrir ce que Martine Ruzé-Moëns pouvait me raconter.
Mon verdict sera direct et je n’ai pas trente façons différentes pour vous le dire : je n’ai pas aimé. Je n’ai pas envie de cracher mon venin sur Les Vacances de Sherlock Holmes mais je vais quand même expliquer les raisons de ce ressenti très négatif.

Déjà, quand je me penche sur un pastiche holmésien, j’attends un peu d’originalité au niveau de la qualité de l’enquête, du mystère avec du panache, quelque chose qui titille la réflexion. Les Vacances de Sherlock Holmes est sûrement un des rares pastiches à se concentrer davantage sur la qualité de la romance plutôt que celle qui touche à la trame policière. Autant le dire, entre toutes ces nouvelles, Martine Ruzé-Moëns utilise un peu souvent le même schéma (des bruits suspects durant la nuit qui alarment Mathilde qui en fera part à Holmes qui lui-même enquêtera et apportera les réponses avant de mettre les pieds sous la table). Les enquêtes ne sont pas travaillées et sont même très vite expédiées...

Si la qualité policière laisse à désirer, je ne cache pas que la qualité romantique m’a laissé sur ma faim aussi : Les Vacances de Sherlock Holmes pourrait passer si c’étaient les vacances d’un autre détective, car pour ma part, je n’ai absolument pas reconnu Sherlock Holmes. Je partage sur ce point un avis tout à fait subjectif : 
Martine Ruzé-Moëns présente un Holmes romantique qui couvre sa Mathilde de surnoms, de bisous et de délicates intentions. Comportement que je n’ai pas supporté de la part du fameux cerveau qui refoule pourtant toute émotion et je m’explique : la série Granada, qui met en scène le talentueux Jeremy Brett, a adapté la nouvelle Charles Augustus Milverton en film intitulé Le Maître Chanteur d’Appledore et je me souviens d’un passage qu’ils avaient développé par rapport au récit de Doyle : les conséquences de la méthode peu honorable qu’utilise Holmes pour soutirer des informations sur son ennemi en séduisant une servante. Pour ceux qui n’ont pas vu le téléfilm, Holmes se fait passer pour un plombier et compte fleurette à cette servante pour connaître l’emploi du temps du dangereux maître-chanteur, le plan de sa demeure et ainsi de suite. Mais dans ce procédé, la femme imagine que le plombier, à force de passer du temps avec elle, la demandera bientôt en mariage. Durant le film, elle va jusqu’à se jeter à son cou et tente de l’embrasser, Holmes-Brett a alors ce brusque mouvement de recul bien qu’on ignore si cet éloignement est provoqué par du dégoût, de la peur, de la pudeur ou les trois à la fois.
Bien entendu, Holmes ne nourrit pas le moindre sentiment romantique pour elle et pourtant, il regrettera amèrement cette méthode, jusqu’à éprouver même de la honte et l’explique sans le moindre mot mais avec une vive émotion, une détresse sincère. Si cette femme ne s’était pas attirée le moindre sentiment amoureux, elle a fini en tout cas par recevoir sa compassion.
Watson est plutôt bien placé pour le savoir : Holmes n’est pas quelqu’un de facile à vivre, il n’est donc certainement pas quelqu’un de facile à aimer. C’est ainsi que je vois Holmes : distant, pudique, réservé et froid.
Bien sûr qu’un Holmes amoureux est possible, mais pour qu’il soit canoniquement plausible, il faut que ce soit d’une manière typiquement holmésienne ! D’où mon exaspération pour tous ces mots doux et niais échangés entre Mathilde et lui, toute cette facilité qui fait de leur romance quelque chose de trop évident (et vas-y que Mathilde l’appelle Sherlock et vice-versa dès les premières rencontres... Pas très fidèle aux mœurs victoriennes, tout ça...).

Bien sûr, il s’agit d’un avis purement subjectif et chaque lecteur jugera à sa manière, mais cette version romanesque n'est pas passée avec moi.
Après, peut-être parce que je n’ai pas réussi à m’attacher à Mathilde d’Alencourt : jalouse, impulsive bien que débrouillarde, elle n’a certainement pas le même charisme qu’Irene Adler ou Violet Hunter. Forcément, la dimension trop facile et évidente de sa relation avec les deux célibataires (plus trop célibataires) a altéré son image à mes yeux et je n’arrivais pas à lui trouver une étincelle qui colore les personnages féminins de Doyle (autres qu’Irene Adler et Violet Hunter j’entends).
[heureusement que je reste toujours aussi fan du coup de crayon de MisterKay avec cette représentation de Holmes]
Bref, je ne sais pas quoi dire de plus : je n’ai même pas trouvé ces nouvelles amusantes (malgré le cliché de la femme armée de la poêle en fonte), ni enrichissantes. Les illustrations sont sympathiques mais elles ont été sélectionnées par Thierry Saint-Joanis qui a permis aux Vacances de Sherlock Holmes de paraître aux éditions Mycroft's Brother, donc bon...

Vraiment, je ne vois rien de plus à ajouter si ce n’est que j’ai mal digéré ce pastiche et que je ne risque pas d’en parler, à l'avenir, avec beaucoup d’amour. Je me laisserai quand même tentée par La Suffragette Amoureuse qui a été écrit par un auteur différent, en croisant les doigts que je retrouve une ambiance plus proche de l’univers victorien et mystérieux de l’œuvre de Doyle.



             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Bien que réunis en 2005, certaines nouvelles, comme Mary, mon amie date de 1997.


jeudi 21 août 2014

La Vengeance d'Isabeau, de Mireille Calmel,

1531. La vengeance des femmes-loups n’a pu être accomplie, mais leur vie a retrouvé normalité et gaieté. À Paris, Isabeau est devenue lingère du roi François Ier. L’ancienne petite sauvageonne d’Auvergne tient une boutique où les plus belles soieries de la Cour sont taillées et brodées.
À ses côtés virevolte sa petite-fille, Marie. Avec son ami d’enfance, Constant, fils du nain Croquemitaine, elle ne cesse de provoquer la police du roi. Pourtant cette nouvelle vie bien ordonnée va basculer. Un chargé de justice vient d’être nommé à Paris, et celui-ci n’est autre que François de Chazeron. Il est venu les traquer…
Quatrième de couverture par Pocket.
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« — Je ne t'ai pas seulement imprimé ma marque en vérité, je t'ai rendue aussi inhumaine que moi. Nous pourrions faire de grandes choses ensemble.
— J'ai fait de grandes choses sans vous, Chazeron. »
P. 114

La vraie question dans tout ça, c’est : Mireille Calmel, qu’as-tu fait ?! ლ(ಠ益ಠლ)
J’avais un souvenir encore précis du premier tome de la mini-saga Le Bal des Louves, La Chambre Maudite, où le récit est sombre, saturé de vengeance pour notre plus grand plaisir, de secrets d’alchimistes et d’empoisonnement à la mode de l’époque. Puis on passe à La Vengeance d’Isabeau, un tome mielleux, bourré de clichés romantiques et d’intrigues à la cour vues et revues.
Où est passée l’originalité qui accompagnait la légende funèbre des femmes louves ? Pourquoi cette suite ?

Je trouve les couvertures espagnoles de La Chambre Maudite et La Vengeance d’Isabeau 
plus fidèles au niveau de l’ambiance des aventures des Femmes Louves.

Vous l’avez compris : j’ai ressenti une cassure entre ces deux tomes, un changement d’ambiance radicale qui m’a nettement moins plu. Je m’autorise un petit spoil scénaristique pour éviter des futures déceptions : le titre, La Vengeance d’Isabeau, est des plus mensongers car cette dite-vengeance occupe une minuscule place dans ce roman, en plus d’être rapidement expédiée. L’intrigue promettait pourtant grâce à des éléments de sorcellerie, d’alchimie encore assez présents et de relations où on sent que chaque personnage est épuisé par tant de rancœur.
Cette dimension noire disparaît rapidement au profit d’une intrigue amoureuse saturées de clichés niais (de la jeune fille amoureuse de son ami d’enfance mais est séduite par un homme plus mature, de l’ami d’enfance qui complote sa vengeance puérile pendant des années…) : du noir remplacé par du rose.
D’autant plus que je n’ai pas trouvé les personnages attachants : Marie m’a agacé tout le long de l’histoire avec son caractère trop classique, j’ai trouvé Constant d’une débilité affligeante et d’un tempérament ridicule, Isabeau n’arrivait même plus à m’émouvoir et Jean Latour, malgré son importance, était assez brouillon. Et bien que c’est le personnage dans cette nouvelle galerie que j’ai réussi à apprécier le plus (grâce à quelques réflexions touchantes), je n’en garderai toutefois pas un souvenir impérissable.
Seuls Huc de la Faye et Albérie restent encore ceux que je préfère, mais j’ai eu l’impression de les voir trop souvent relégués au second plan.

Le seul véritable atout de cette suite, c’est la maîtrise historique : on plonge dans Paris dans les années 1530, le lecteur rencontre alors le populaire François Ier et sa cour, Catherine de Médicis, Diane de Poitiers, Charles Quint et j’en passe. L’ambiance est bien menée et crédible, on sent que Mireille Calmel met du cœur dans ses descriptions, les mentalités et les coutumes. C’est juste terriblement dommage que la qualité de l’histoire ne suive pas cette qualité historique.

François Ier, Catherine de Médicis, Diane de Poitiers... Des personnages qu'on approche de près.

Bref, un second tome où la première moitié était amplement suffisante pour connaître le fin-mot de l’histoire du tome précédent. Le reste n’était franchement pas nécessaire et si j’en garde un souvenir marquant, il ne sera pas très reluisant.

Pour me consoler, j’en profite pour relier cette chronique à l’idée 15 du Challenge des 170 Idées, c’est facile mais ça fait toujours une idée de plus :
http://lectures-de-vampire-aigri.blogspot.fr/2013/11/challenge-04-le-challenge-de-170-idees.html

             Quelques anecdotes sur ce bouquin, 
• Pour écrire son livre, Mireille Calmel s’est appuyée sur des ouvrages et sur des sites intéressants qu’elle partage à la fin de La Vengeance d’Isabeau. Celui qui est toujours en ligne est HistoireChimie et il est très sympa !