Un manoir majestueux : Manderley. Un an après sa mort, le charme obscur de l’ancienne propriétaire, Rebecca de Winter, hante encore le domaine et ses habitants. La nouvelle épouse, jeune et timide, de Maxim de Winter pourra-t-elle échapper à cette ombre, à son souvenir ?
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche.
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« Une épouvantable tragédie, disait-elle. Partout dans les journaux, bien sûr. Il paraît qu’il n’en parle jamais, qu’il ne prononce jamais son nom. Elle s’est noyée, vous savez, dans une baie près de Manderley... »
P. 44
Rebecca me fait penser à un alcool traître : tout d’abord sucré, léger, on sirote et on sirote car le goût fort de l’alcool est dissimulé, nous poussant à boire sans modération. Typiquement le genre de d’alcool qui "se boit comme du p’tit lait". Et sans s’en rendre compte, l’alcool nous grise et on ne voit pas les verres défilés comme les pages de Rebecca : le rythme ne se remarque même pas. À chaque fois que l’on émerge, on a l’impression de sortir d’un rêve, on se sent un peu embrouillé comme en état d’ivresse.
Rebecca, c’est ce genre de livre.
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre : les résumés sont toujours très concis et je m’attendais à une folie dans la même veine que
Le Tour d’Écrou. Mais effectivement,
il n’y a pas grand-chose à dire pour résumer ce roman sans trop en dévoiler : il faut garder à l’esprit que la narratrice vient d’épouser le veuf
(fraîchement veuf, d’ailleurs) Maxim de Winter et qu’elle vient habiter le grand manoir Manderley en tant que maîtresse des lieux, et non en tant que dame de compagnie comme elle l’avait toujours été. Autre problème : la présence de l’ancienne femme, Rebecca, est omniprésente, les meubles qu’elle possédait sont toujours là, ses habitudes sont ancrées et encore respectées des employés, et moins elle occupe les conversations, plus elle s’impose dans les pensées.
Il n’y absolument aucune place pour la nouvelle Madame de Winter, et la gouvernante, Madame Danvers, compte bien lui faire comprendre.
Il n’y a pas de surnaturel dans Rebecca : ce n’est pas un spoil de le révéler mais ça évitera peut-être de fausses attentes. Il y a beaucoup de mystères à découvrir dans ce roman, rangeant Rebecca dans une section thriller/mystère plutôt qu’horrifique/surnaturel (ce que je pensais au début).
Mais malgré cette idée finalement erronée, je n’ai pas du tout été déçue : dérangeant, avec un certain malaise, on s’attache à cette narratrice pourtant bien mystérieuse (on ignore son âge, son passé, même son nom !), on sait cependant qu’elle est bien intentionnée, qu’elle est certes un peu gauche et d’une timidité fatigante, mais son évolution est très intéressante.
La trame est fascinante, tout comme la plume de Daphné du Maurier : fluide, poétique, son style est vraiment magnifique et permet de lire sans s’arrêter. Elle choisit les mots avec justesse, bien que pour le coup, je peux surtout applaudir Anouk Neuhoff, la traductrice.
J’applaudis moins Le Livre de Poche par contre d’avoir écrit en énorme « Nouvelle traduction Texte intégral » sur la couverture… Alors qu’il y avait déjà une petite bannière…
Dans ce décor où la Nature prédomine, Daphné du Maurier donne vie à ces fleurs magnifiques au parfum lourd, à cette mer toute proche, tantôt tranquille, tantôt menaçante, seule ce manoir immense, trop immense, semble mort et ne met pas à l’aise.
Un superbe roman, une histoire avec une ambiance réussie, des personnages touchants et un schéma de relation qui me tient à cœur : le fait de passer après un premier amour, d’être rongée de questions, de doutes et apprendre à lutter avec ce passé inconnu et se concentrer sur le futur. Il y a peu d’histoires d’amour dans ce genre dans la littérature (disons qu’elles sont en minorité par rapport aux premiers amours/coups de foudre qui tiennent pour l’éternité) et ça m’a fait plaisir de lire quelque chose dans ce genre, quelque chose de si réaliste.
« J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. »
P. 7
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Rebecca est un roman qui perdure dans la culture grâce à l’adaptation d’Alfred Hitchcock sortie en 1940.