Plus curieuse de philosophie que de mondanités, Anna Escourt est lasse d’être traînée de bals en soirées par Suzy, son encombrante belle-sœur. Fille d’un riche épicier, cupide et arriviste, celle-ci ne lui laisse pas un instant oublier combien elle lui est redevable…
La lettre d’un vieil oncle renverse la situation : à vingt-cinq ans, Anna hérite d’un grand domaine en Allemagne, donc les revenus l’autorisent à faire fi des convenances en restant célibataire. Pétrie d’idées modernes, elle se propose d’offrir un toit aux femmes sans ressource de sa nouvelle contrée. Louable philanthropie, dont elle ne tardera pas à éprouver les inconvénients… D’autant plus qu’un de ses visiteurs les plus assidus est le séduisant Axel von Lohm, jeune aristocrate désargenté. L’oncle Joachim avait-il quelque arrière-pensée ?
Quatrième de couverture par Archi-Poche
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« Qui peut continuer à manger du pudding pendant les grandes crises de la vie ? »
P 169
Pour une première rencontre avec Elizabeth von Arnim, je peux dire qu'il s'agit d'une rencontre très réussie. Je ne savais vraiment pas ce que La Bienfaitrice allait me réserver et ce fût une série de bonnes surprises, à tel point que je me demande si je n'ai pas frôlé le coup de cœur avec cette histoire de suffragette innocente en apprentissage du monde.
[ci-contre : Le Sphinx Parisien, d'Alfred Stevens]
Si le droit de vote pour la femme approche à grand pas en 1901, les femmes étaient encore très conditionnées malgré tout : on reste encore sur l'idée qu'une femme ne possède pas d'identité propre et passe seulement de fille de Mr. Untel à femme de Mr. Machin. Et pourtant, si il y a bien une chose qui m'a tout de suite frappé dans La Bienfaitrice, c'est sa modernité. Sans date, sans auteur, j'aurais été incapable de dire si c'était un livre authentiquement victorien ou écrit récemment. Déjà dans les mentalités bien évidemment : qu'une auteure se moque ouvertement de ses congénères, des hommes religieux, des pintades de la haute-société, des institutrices... Bref, Elizabeth von Arnim a une plume aussi acérée que celle d'Oscar Wilde tout en usant du même humour, car comme le disait si bien le poète irlandais : dénoncez toujours avec la vérité avec humour, autrement, on pourrait vous tuer.
Si le droit de vote pour la femme approche à grand pas en 1901, les femmes étaient encore très conditionnées malgré tout : on reste encore sur l'idée qu'une femme ne possède pas d'identité propre et passe seulement de fille de Mr. Untel à femme de Mr. Machin. Et pourtant, si il y a bien une chose qui m'a tout de suite frappé dans La Bienfaitrice, c'est sa modernité. Sans date, sans auteur, j'aurais été incapable de dire si c'était un livre authentiquement victorien ou écrit récemment. Déjà dans les mentalités bien évidemment : qu'une auteure se moque ouvertement de ses congénères, des hommes religieux, des pintades de la haute-société, des institutrices... Bref, Elizabeth von Arnim a une plume aussi acérée que celle d'Oscar Wilde tout en usant du même humour, car comme le disait si bien le poète irlandais : dénoncez toujours avec la vérité avec humour, autrement, on pourrait vous tuer.
Mais outre les caractères, les descriptions et l'ambiance, le style aussi est très moderne ! Les classiques font souvent peur à cause de l'abondance des descriptions lourdes, des nombreuses références mythologiques où le néophyte est perdu, des nota-bene qui occupent la moitié des pages... Rien de tout ça pour La Bienfaitrice ! Le style est fluide, rapide, du Zola 100% allégé, du Brontë sans matière grasse. Un livre vraiment accessible.
Même au niveau des dialogues, on sent parfois un cynisme qu'on peut rencontrer chez Anne Perry et les rythmes sont corrects. L'ennui vient en fait de l'édition : la ponctuation est parfois absente, des guillemets manquent parfois à l'appel et ça perturbe la lecture. Bref, ArchiPoche, c'est pas bien.
Ensuite l'idée. La modernité du livre vient aussi majoritairement de son scénario : un refuge pour femmes perdues, dames déchues. Si ces refuges existaient peut-être (attention toutefois, ce n'est pas un refuge pour femme battue comme on pourrait l'entendre aujourd'hui mais plus une maison commune pour des femmes sans argent), c'est audacieux que celui de Von Arnim soit tenu par une jeune femme loin d'être superficielle, en plus d'être aussi riche qu'un homme. Certainement pas frivole mais pas mâture non plus, Anna fait preuve d'une naïveté assez renversante. Optimiste, courageuse et altruiste, on pourrait presque se sentir fatigué par cette héroïne intrépide mais je m'y suis pourtant attachée. Loin d'être dotée uniquement de qualités, Anna connaît en fait une certaine évolution : très vite, elle va vite se rendre compte qu'aimer tout le monde n'est pas possible et qu'elle-même ne pouvait pas plaire à tout son entourage. Chose que je reprochais à Margaret dans Nord et Sud d'ailleurs.
Les autres personnages sont également sympathiques, que ce soit les élues du refuge d'Anna, l'impassible oncle Joachim, la candide Letty et son institutrice, le romantique Axel von Lohm et surtout, la princesse Ludwig ! Mais plus encore que les personnages, ce sont les relations humaines qui font leur profondeur et Elizabeth von Arnim donne dans le registre réaliste : l'affection que les amis ressentent n'est pas éternelle, les romances ne sont pas toutes réciproques et magnifiques, on peut admirer une personne et la détester par la suite... Si on voit poindre la romance entre Axel et Anna à cause du résumé, d'autres relations ne sont pas aussi prévisibles et sont loin d'être linéaires. Je pense notamment à la complicité inconsciente entre Anna et la princesse Ludwig.
« Mais, ma chère, vous devez au moins vous souvenir de quelques-unes de ces lectures. Vous vous rappelez quand même de votre composition sur Wallenstein.— Ah ! Ça oui , je m’en souviens ! Elle m’a donné un mal de chien.— Oh ! Letty, une jeune lady ne parle pas comme ça, voyons.— C’est pourtant comme ça que maman parle.— Bien, revenons à Wallenstein, vous souvenez-vous de cette phrase qu’il a dite lorsqu’il a assiégé Stralsund ?— Je suppose qu’il a dit lui aussi qu’il s’était donné un mal de chien. »
P 59-60
À travers La Bienfaitrice, Elizabeth von Arnim fait une ode à la lecture : les références sont nombreuses et elle vante à de nombreuses reprises le goût de lire et donne au lecteur le plaisir de recevoir des compliments d'outre-tombe.
Mais pas seulement, Elizabeth von Arnim a beau être une anglaise (ne vous laissez pas leurrer par son nom), son roman semble adressé à l'Allemagne. Les paysages sont décrits avec beaucoup de tendresse et les phrases allemandes sont très nombreuses, de quoi faire réviser les étudiants. J'ai regretté qu'il n'y ait jamais la traduction à l'appui d'ailleurs...
L'histoire de La Bienfaitrice n'est donc pas digne d'un grand chef-d’œuvre philosophique, mais j'ai quand même passé un très, très bon moment. Je regrette que des détails concernant la conclusion aient été expédié si vite, il manque des informations concernant des acteurs qui ont été comme oubliés par von Arnim et c'est assez dommage. Mais en somme, un très bon livre qui me donne envie de relire un autre livre d'Elizabeth von Arnim. D'autant plus que ce n'est apparemment pas son meilleur !
Pour le coup, je joins cette chronique à l'idée n° 149 du Challenge des 170 Idées, puisque le titre de La Bienfaitrice s'accorde plutôt bien.
Pour le coup, je joins cette chronique à l'idée n° 149 du Challenge des 170 Idées, puisque le titre de La Bienfaitrice s'accorde plutôt bien.
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• On peut bien se demander qu'est-ce qui a pris à Elizabeth von Arnim d'envoyer son héroïne en Poméranie, coin qu'une personne sur cent connaît, mais en fait, il y a une valeur sentimentale car c'est aux alentours de 1895 que l'auteure emménage avec son époux là-bas et se découvre un véritable engouement pour la campagne. On peut donc voir un clin d'œil personnel quand Anna s'émeut avec le décor.
ah ben c'est malin !! encore un livre qui rejoint ma LAL !! ^^
RépondreSupprimerje ne connaissais pas du tout cette auteure mais comment résister aux tentatives philanthropiques d'une suffragette candide ? surtout si c'est écrit avec un humour so british...
merci pour cette découverte !! :)
Hahaha ! Mea culpa !
SupprimerJ'ai vu pas mal de tag XIXème siècle sur ton blog aussi, donc ne t'inquiète pas : tu auras certainement ta revanche ;)
Tout pour me plaire, celui-là ! Il rejoint ma liste d'achats. Par contre, où as-tu vu de la matière grasse chez les sœurs Brontë ? Il n'y a jamais un mot de trop, pas de texte inutile, leurs romans sont sublimes de bout en bout... (fan, moi ? euh... oui, complètement !) Bon, à part ça, ton article me donne très envie de découvrir Elizabeth Von Arnim, que je ne connaissais pas.
RépondreSupprimerMille pardons ! Je pensais avoir répondu à ce commentaire et je me rends compte que non .__.
SupprimerHaha ! Ravie si ce roman te fait de l’œil, je lirai ton avis avec plaisir !
Alors, pour la « matière grasse des Brontë », pour ma défense, c’est plus pour les lecteurs peu habitués aux classiques ! J’ai souvent vu des chroniques qui jugeaient les descriptions trop longues dans Jane Eyre par exemple (après, peut-être est-ce dû à une intolérance pour les propos religieux que tient Charlotte dedans ? J’ai pourtant vu plus « bigote »…), des passages trop lourds dans Hurlevent et j'en passe. Je n'avais pas trop remarqué ces "défauts" car j'ai été complètement séduite aussi par ce trio unique.
Après, c’est vrai que le classique est un genre qu’il faut aimer (mais vive les descriptions à rallonge ! C’est-ce qui manque le plus aux œuvres d’aujourd’hui), en comparaison avec ces monstres du genre, von Arnim fait plus « timide » si j'ose dire et j'avais presque du mal à croire qu'il avait été publié en 1901 !
Et encore, je l’ai prêté à une collègue qui a été incapable de le lire car pas du tout son genre de narration, et c'était son premier classique...
Mais enfin, je tente de le « faire vendre » quand même en essayant de rassurer les néophytes qui n'auraient pas saisi le génie des Brontë ;D