samedi 10 septembre 2016

La Fortune des Rougon, d'Émile Zola,

Dans la petite ville provençale de Plassans, au lendemain du coup d’État d’où va naître le Second Empire, deux adolescents, Miette et Silvère, se mêlent aux insurgés. Leur histoire d’amour comme le soulèvement des républicains traversent le roman, mais, au-delà d’eux, c’est aussi la naissance d’une famille qui se trouve évoquée : les Rougon en même temps que les Macquart dont la double lignée, légitime et bâtarde, descend de la grand-mère de Silvère, Tante Dide. Et entre Pierre Rougon et son demi-frère Antoine Macquart, la lutte rapidement va s’ouvrir.
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche (Classiques).
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Les éditions Folio utilisent le tableau Réunion de Famille de Frédéric Bazille 
pour illustrer la couverture de La Fortune des Rougon.
Un tableau bien choisi.

Quand vous voulez découvrir un auteur, classique ou contemporain, vous avez l’embarras du choix : débuts, anthologies, succès… Et principalement, vous vous dirigerez vers ses succès ou alors ses œuvres les plus détestées. Shining pour Stephen King, Le Trône de Fer pour George R. R. Martin, Notre-Dame-de-Paris ou Les Misérables pour Victor Hugo ou encore Les Trois Mousquetaires pour Alexandre Dumas.
Déjà assez casse-couilles en son temps et ne faisant rien comme les autres (Artips vous apprendra comment il a défendu Edouard Manet pour son Olympia de 1863 contre tous, et qu’il a comparé la Vénus de Cabanel, la même année, à une « sorte de pâte d’amande rose et blanche »), Émile Zola a été immortalisé par Germinal, Nana, Au Bonheur des Dames ou encore L’Assommoir : sauf que ces romans font partis d’une saga familiale qui comprend vingt tomes.
Cette saga narre les vies des membres de la famille Rougon-Macquart, les premiers venant d’un mariage légitime entre Adélaïde et son premier époux Rougon, les seconds descendant d’une liaison entre la veuve Rougon et un certain Macquart, faisant des enfants des bâtards.
Et les coups bas dans cette fratrie peuvent aller loin

« Pour résumer mon œuvre en une phrase : je veux peindre, au début d’un siècle de liberté et de vérité, une famille qui s’élance vers les biens prochains, et qui roule détraquée par son élan lui-même, justement à cause des lueurs troubles du moment, des convulsions fatales de l’enfantement d’un monde »
Émile Zola

Zola a voulu, en écrivant cette saga, s’intéresser au phénomène d’héritage : d’un tronc formé par un couple, les branches, représentant les enfants, se multiplient tout autour et comment elles évoluent. Les caractères, les décisions qui engendreront tel ou tel destin, les maladies, les habitudes et tous ces petits détails sont-ils liés à nos ancêtres ? Sujet très intéressant et le regard d’un auteur de 1870 rend le thème plus captivant pour les lecteurs du XXIème siècle puisque les connaissances de l’hérédité ont bien évoluées depuis.
Je suis déjà un peu maniaque concernant l’avancement dans une saga : j’ai besoin de commencer par le premier tome (les sagas d’Agatha Christie sont les seules que je lis dans le désordre, mais je commence par le premier tome quand même) et de suivre le fil. Savoir que la saga de Zola concerne pas moins de quatre générations d’une même famille, j’étais obligée de commencer par La Fortune des Rougon.
J’ai d’ailleurs abandonné Au Bonheur des Dames qui est le onzième tome car trop gênée par le fait que je ne connaissais pas les personnages cités.

J’avoue que je me lançais en terres inconnues : si je connaissais la réputation "révolutionnaire" de Zola et sa façon de décrire les aspects les plus dérangeants de la vie hors des magnifiques salons parisiens, je ne savais pas du tout qui étaient en réalité ces fameux Rougon et Macquart.
Et bien j’ai appris à mes dépends combien ils étaient en majorité détestables ! Leur histoire est toutefois captivante pour ceux qui s’intéressent à ces années : lutte entre classes sociales, linge sale de famille recomposée, politique sanglante… Des événements historiques sur lesquels s’est appuyé Zola et qui ont certainement contribué à l’image du français révolutionnaire et prêt à faire couler le sang pour ses idées.

Des illustrations signées par l'illustrateur allemand Wilhelm M. Busch.

Mais pas seulement ! Zola n’était pas uniquement un apprenti sociologue de son temps mais aussi un auteur influencé par la période romantique : il nous sert alors une amourette d’enfants dans un décor de cimetière très réussie et je regrette même que le lien de Silvère et Miette ne soit pas davantage mis en valeurs, comme enseveli par les autres relations si animées et venimeuses.

Une bien jolie lecture avec toutefois quelques longueurs (surtout vers la dernière partie, la conclusion m’a tout de même émue, quant à la première moitié qui relate l’histoire de la famille, elle pourra sembler longue à beaucoup... Moi-même j’avais du mal au bout d’un moment car l’action n’est pas un registre que Zola maîtrise pour le coup), ce qui aidé par-dessus tout, c’est la très belle plume de Zola. Des descriptions nombreuses, des métaphores poétiques, des sentiments qui ressortent des phrases et des situation... Non, vraiment, je peux parfaitement comprendre le succès de Zola rien que pour la qualité de son style.
Ma note est provisoire car c’est une longue saga et je m’attends à tout autre chose avec des succès connus comme Nana ou Germinal. Je reviendrai dessus à l’avenir.
En tout cas, un très bon début aux côtés de Zola et je ne tarderai pas à entamer La Curée qui suit le parcours d’Aristide Rougon.

Enfin, après, si vous souffrez de la même manie que moi et que vous ne vous sentez pas de commencer la série des Rougon-Macquart, vous pouvez toujours vous tournez vers Thérèse Raquin, livre indépendant pour découvrir Zola.

Le Livre de Poche pioche quant à lui La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix pour sa couverture.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il s’agit du tout premier roman de la série en vingt tomes des Rougon-Macquart qu’Emile Zola a écrite de 1871 à 1893.
• Emile Zola s’est beaucoup appuyé sur les ouvrages historiques d’Eugène Ténot : il est cité à de nombreuses reprises et Zola reprend des événements cités par Ténot lors de la révolte des insurgés en Décembre 1851.
• Le Livre de Poche est une très bonne édition pour les Rougon-Macquart : les annotations sont nombreuses et expliquent bien… Parfois trop et spoilent les autres tomes. Je suis heureuse d’avoir oublié la plupart et que d’ici que je lise Le Docteur Pascal, le dernier tome, j’aurai quand même ma dose de surprise. Les documents, au passage, sont complets aussi ! Une bonne collection.

4 commentaires:

  1. Magnifique article !
    Je suis exactement comme toi : je n'aime pas lire les séries dans le désordre, même si les titres ne se suivent pas vraiment. Et même plus : quand j'aime un auteur (ou quand je veux en découvrir un), j'essaye de lire ses livres dans l'ordre où ils ont été publiés, même si ce sont des one-shot.
    Pour Zola, j'ai lu L'Assommoir et Thérèse Raquin (que j'ai beaucoup aimés l'un comme l'autre). Mais je pense qu'un jour je ferai comme toi et commencerai les Rougon-Macquart par le premier tome.

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    1. Merci beaucoup !
      Oui, après, peut-être que je les lirai un peu dans le désordre, mais dans ce début, on a vraiment tout un arbre généalogique (qui occupe une bonne moitié d'ailleurs) et je penserai désormais à Tante Dide dans mes autres lectures ♥ Tant que je reste dans la même "période de génération", ça ira :D

      Ahah, L'Assommoir a beaucoup de succès avec Nana et d'autres, c'est pour ça que mon 3/5 est vraiment provisoire car j'ai beaucoup aimé mais je m'attends à découvrir tout à fait autre chose avec les autres !

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  2. C'est marrant, je viens juste de commencer les Rougon Macquart. Et à la base, mon but était aussi de lire Au bonheur des dames... J'ai néanmoins décidé de faire les choses bien (ce qui, pour moi, veut dire faire les choses dans le bon ordre ^^).
    Je suis en train de terminer Le ventre de Paris que j'ai un peu moins apprécié que les deux précédents. Beaucoup beaucoup de descriptions des halles... Elles ont leur intérêt mais coupent un peu trop souvent l'intrigue à mon goût.
    Cela dit, ce premier tome est absolument excellent... notamment grâce à ces personnages absolument détestables !

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    1. Oui ! J'étais en train d'écrire ma propre chronique mais je voulais la corriger le lendemain quand j'ai reçu le mail comme quo tu avais posté ta critique de la Fortune des Rougon ! J'ai ri sur le coup !

      Je fais une "petite pause" dans le sens où j'ai mal de lectures de cours et des livres que je voulais impérativement lire, mais j'ai jusqu'à la Conquête de Plassans dans la bibli', je tenterai de te rattraper xD

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