mercredi 28 septembre 2016

Le Donjon du Bourreau, de Paul Doherty,

En décembre 1377, alors que la Tamise est complètement gelée, le gouverneur de la Tour de Londres, Sir Ralph Whitton, est retrouvé assassiné. La porte de la pièce étant toujours fermée de l’intérieur et gardée par des hommes de confiance, comment les assassins ont-ils pu traverser les douves et escalader le mur à pic de la forteresse pour venir commettre leur crime ? Et pourquoi Sir Ralph était-il aussi effrayé par le message qu’il avait reçu quelques jours plus tôt ?
Frère Athelstan et Sir John Cranston, le coroner de Londres, sont de retour pour enquêter au cœur du plus célèbre donjon de la Couronne.
Quatrième de couverture par 10|18, Grands détectives.
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Après la déception de La Galerie du Rossignol, je n’aurais jamais cru que le second tome des enquêtes de frère Athelstan et Sir Cranston puisse finalement me motiver à persévérer ! Ici, contrairement à la première enquête, le contexte historique est pleinement exploité et plonge le lecteur dans un hiver glacé de 1377.


Si je lis un roman historique dans la collection Grands Détectives de 10|18, c’est qu’habituellement, je veux une petite enquête ficelée avec les liens de l’époque abordée par l’auteur : pas de techniques scientifiques à la pointe, pas d’anachronismes trop immondes, pas de mentalité trop moderne. Par contre, des conflits pendant la Guerre des Deux Roses, des prises de conscience sous le XIVème ou le XIXème siècle et des ordres de chevaliers avides de vengeance après un génocide, c’est tout ce que je demande !

Peter Doherty prend donc véritablement appui sur l’époque riche du XIVème siècle en Angleterre : le royaume vient de passer aux mains de Richard II qui n’est alors âgé que de 10 ans. Pas besoin d’avoir fait Histoire de l’Angleterre à la fac du coin pour savoir que ces successions sous La Guerre des Deux Roses se sont déroulées pendant une période particulièrement difficile pour nos voisins british. Et pas la peine d’être allé à la fac pour savoir que les rois mineurs avaient toujours des débuts de règne assez houleux.
Un contexte histoire qui permet une ambiance marquée par l’insécurité, les rébellions et des anarchistes jamais contents. Un bain historique comme on en redemande.

Mieux que ça : Doherty concocte une vraie enquête qui n’aurait pas pu se dérouler une autre année ou dans un autre pays. L’auteur puise pleinement dans son sujet et des thèmes religieux d’époque servent pour l’énigme à démêler.
Écrire une enquête à une époque passée, c’est bien, mais accorder l’enquête et pousser l’historique jusqu’à ce degré, c’est cent fois mieux et j’ai été conquise surtout par ce point !
La conclusion est satisfaisante, les étapes sont logiques et le lecteur peut réfléchir au côté des deux enquêteurs piégés dans ce whodunit au pied de la Tour de Londres.
[ci-contre : voir les anecdotes à la fin de la chronique.]
Mais au-delà de ça, si la trame historique est respectée, elle a surtout un aspect presque graphique : les décors d’un Londres tout en pierres noires et gelées par la neige, l’approche de Noël qui ne ravive pourtant aucun cœur tant la saison est rude et les nuits glaciales où victimes et meurtriers se rencontrent sans témoins seront le lot du lecteur qui en frémira presque avec les personnages.
Une peinture qui peut sembler un peu kitsch au premier abord mais qui est réussi.

J’avoue que je ne me suis pas du tout intéressée aux deux personnages principaux : si Athelstan est sympathique, je n’ai pas eu de coup de cœur, et quant à Sir John Cranston, j’ai tout juste de l’affection et ses histoires privées concernant son ménage n’éveillaient aucune curiosité en moi.
Peut-être aussi parce que j’avais vu la révélation arriver gros comme une maison.
J’attends de voir si je m’attacherai à eux pour les prochains tomes, mais c’est vrai qu’ils n’auront pas le même succès que certains duos de détectives…

Un très, très bon tome donc qui donne un nouveau départ avec cette série d’enquêtes. J’attends que les éditions 10|18 mettent à jour toutes les couvertures (si c’est prévu…) et je me lance dans la suite avec plaisir.

La tour de Londres vue depuis de l’autre côté de la Tamise.

Grâce à la couverture, je peux rattacher cette chronique à l’idée n°37 du Challenge des 170 Idées :

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Les enquêtes de frère Athelstan ont été récemment rééditées toujours chez l’éditeur 10|18, par contre, dans l’ancienne édition, l’auteur utilisait le pseudo Paul Harding. Désormais, il utilise son vrai nom Paul Doherty. Donc si vous voyez deux noms d’auteurs différents, c’est normal, ça reste la même histoire.
• Une rumeur circule en Angleterre comme quoi un ours polaire avait été offert à Henry III par le roi de Norvège Haakon en 1252. L’animal aurait été installé à la Tour de Londres et aurait eu la liberté de se baigner dans la Tamise pour chasser les poissons qu’il voulait. Certains disent clairement que c’est une rumeur qui tient de la légende, d’autres affirment que l’histoire est vraie.
• Un personnage très connu est cité dans Le Donjon du Bourreau : il s’agit de Saint Julien l’Hospitalier, un saint tellement auréolé de légendes qu’on sépare difficilement le vrai du faux dans son hagiographie. Sa popularité date du Moyen-âge où Jacques de Voragine, un chroniqueur italien, comptait sa légende avec La Légende Dorée. Mais plus tard aussi, Saint Julien l’Hospitalier trouve sa place dans la littérature et Flaubert lui consacre une nouvelle dans le recueil Trois Contes, visiblement inspiré par le vitrail du héros dans la cathédrale de Rouen, ville natale de l’auteur.
Saint Julien l’Hospitalier est le patron des charpentiers, des hôteliers et des passeurs. Il a pour attributs le faucon et l’épée.

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