vendredi 5 octobre 2012

Notre-Dame-aux-Écailles, de Mélanie Fazi,


Saviez-vous qu’à Venise, qui vole des soupirs encourt la vengeance de la ville ? Connaissez-vous vos plus sensuelles métaphores, lorsque vous êtes loups, lorsque vous devenez lionne ? Avez-vous déjà pris un fleuve pour amant ?
Partez à la découverte des troubles secrets de l'âme et des lieux les plus hantés : une villa qui palpite de vies enfuies, l'océan dont certains ne reviennent plus tout à fait humains, ou encore ce train de nuit qu'empruntent ceux qui cherchent l'oubli. Mais attention: de ces voyages intimes et inquiétants, on ne rentre pas indemne.
Quatrième de couverture par Folio, collection SF.
---

Lorsque j’ai appris que Mélanie Fazi était, on peut dire, la traductrice attitrée de Poppy Z. Brite et qu’elle avait elle-même écrit quelques livres, je me suis vite intéressée à cette auteur. Après tout, traductrice, c’est être un peu écrivain soi-même et le ton, le rendu des livres de Poppy Z. Brite en français me plaît énormément.
Au final, on a beau dire que commencer la découverte d’un auteur à travers des nouvelles n’est pas une bonne idée, je suis ressortie de ma lecture enchantée ! Mélanie Fazi était-elle vraiment une découverte alors que je retrouvais cette poésie employée dans Âmes Perdues, Le Corps Exquis, etc. ? C’est un sujet à débat, mais une chose est sûre : Notre-Dame-Aux-Écailles est un recueil de nouvelles que j’ai adoré.

La couverture de l'édition broché.
(Plus jolie que la version poche... Mais la couverture poche se rapproche plus des nouvelles)


Impressions détaillées :
[Je note les romans et aventures une par une avec mes impressions, à savoir que la note finale n’est pas une moyenne de toutes les notes ci-dessous, c’est une impression générale !]

             • La Cité Travestie (Emblèmes Venise noire, publié en 2002), 2/5
Un début peu prometteur, La Cité Travestie n’est pas ma nouvelle préférée. C’est d’ailleurs le début d’un défaut que j’ai remarqué à Mélanie Fazi : ses introductions un peu brumeuses, sur les chapeaux de roue, où on en sait même pas si le narrateur (à la première personne) sera un homme ou une femme, dans quelle ville, quelle situation… Ça demande un temps d’habituation en somme. La Cité Travestie m’a donc un peu déstabilisé, mais l’ambiance de Venise et la fin a rattrapé un peu le coup.

             • En Forme de Dragon (Rock Stars, publié en 2003), 5/5
Là, véritable coup de cœur. En Forme de Dragon gère sur la musique, le dessin… L’art dans toutes ses formes, toutes ses dimensions, même en forme d’héritage. J’ai trouvé la petite Faustine très touchante, pleine de bonne volonté et d’ambition. Et cette métaphore d’une musique entraînante qui représente un dragon, j’ai craqué quoi.
Pareil pour la fin, une fin qui n’en est pas vraiment une et qui annonce un long labeur pour Faustine… Mais pas sans passion.

"Le silence la prit par surprise le lendemain soir. Il interrompit la chanson alors même que Faustine tendait l'oreille pour saisir le passage des montagnes russes dans toute sa splendeur. Le silence se répandit dans toute la maison comme le contenu d'une bouteille renversée. Un silence épais qui collait aux oreilles."
P. 43

             • Langage de la Peau, 4/5
Un peu court et le début un peu perturbant, Langage de la Peau est juste une scène d’amour entre deux créatures qui se trouvent pas hasard. Pourtant, toutes les métaphores qui s’en dégagent rendent le tout sublime : cette réaction humaine de se raccrocher à quelqu’un de semblable, cette réaction bestiale quand tout se précipite, tout devient violent… Bref, quelques pages suffisent pour rende cette nouvelle particulièrement fascinante.

             • Le Train de Nuit, 5/5
Mon gros (et vrai) coup de cœur de ce recueil je dirai. Le Train de Nuit a une ambiance que je connais bien et que j’affectionne : les gares abandonnés, les trains inhabités, des rails qui s’étirent dans la nuit… Flippant mais attirant, le style employé installe bien le décor et j’étais plongée dans l’histoire qui m’a totalement emballée !
Ma nouvelle préférée donc.

             • Les Cinq Soirs du Lion (Le Monde 2, publié en 2006) 3/5
Petite retombée à partir de celle-ci, Les Cinq Soirs du Lion est la plus brumeuse des nouvelles. J’ai aimé la transformation, la communication avec cet étrange animal-totem, mais le tout était trop incertain et j’ai mis du temps à rentrer dedans. Mais j’en garderai quand même un bon souvenir.

             • La Danse au bord du Fleuve, 4/5
L’eau, élément sexuel par excellence et qui occupe une grande place dans ce recueil de nouvelles (La Cité Travestie, Noces d’Écume…) qui est en même temps effrayant. On dit après tout que, lorsqu’on fait un rêve où l’on nage, il y a de fortes chances que ce soit un rêve à connotation sexuel. Sans oublier la danse, on parle ici de danse sensuel, affriolante dans un pays chaud qui est l’Espagne.
La Danse au bord du Fleuve est donc une nouvelle presque malsaine puisque ces connotations prennent vies : elles font envie et répugnent en même temps. J’ai juste été un peu déçue par la fin, une conclusion pas tellement satisfaisante alors que je m’attendais à un truc bien terrifiant.

             • Villa Rosalie (Fantasy, publié en 2006) 4/5
Début difficile, l’histoire se dévoile peu à peu et j’ai été séduite par l’idée : cette maison qui dévore ses habitants. Les murs sont os, les pages sont peau, la conscience contrôle les pièces… On jongle entre le malsain et l’enchantement : une réécriture de maison hantée réussie et originale. Un peu long pour ce que c’est, je trouve, mais au final, l’idée globale fonctionne et laisse un souvenir certain.

             • Le Nœud Cajun (De Minuit à Minuit, publié en 2000) 5/5
J’avoue que celui-là m’a fait penser aux bouquins de Stephen King. Je ne sais pourquoi je revoyais les décors de Bazaar, Simetière… Pour une fois, ce n’est pas un château perdu au bord d’une falaise qui menace de s’effondrer sous le souffle du vent de l’hiver. Ici, c’est la canicule : pas de brise, pas de nuage, pas de fraîcheur. Comme quoi, le soleil peut être aussi opprimant qu’une nuit glaciale. J’ai ressenti un sentiment de malaise durant cette nouvelle, un sentiment qui prouve que l’atmosphère a fonctionné pour moi et la conclusion de l’histoire est terrifiante. Elle est incertaine et c’est ce qui fait son efficacité.

             • Notre-Dame-Aux-Écailles (Fantasy, publié en 2005) 4/5
Nouvelle "phare" du livre, l’histoire en est magique par sa véracité (le désir de retourner en enfance quand on affronte des événements trop durs (thème récurent dans le recueil), le désir de devenir de la pierre insensible quand la santé est trop faible…), vrai mais abordé de façon fantastique. C’est d’ailleurs le talent de Mélanie Fazi : mettre du quotidien dans du fantastique avec brio.

             • Mardis Gras, 4/5
Mélanie Fazi partage ici une passion avec Poppy Z. Brite : la Nouvelle-Orléans. On a affaire à un bal de couleurs, de fêtes, de rires, d’éclats de lumière… Et en même temps, on cohabite dans la même nouvelle avec ce qui est oublié, ce qui est chaotique, ce qui est décédé depuis Katrina. J’ai trouvé cet hommage particulièrement touchant.

             • Noces d’Écume, 3/5
Une que j’aime un peu moins malgré l’excellent départ : thème de l’eau, de la mer, du marin marié à l’océan. J’ai presque eu l’impression de voir une influence de Lovecraft d’ailleurs : on ne trouve plus aucun charme à ces eaux salées et glacées, saturées d’algues gluantes et de morts dans l’ombre. Bref, un excellent départ mais j’ai trouvé que l’histoire tournait un peu en rond, faisant languir et au final… Nous laissant dans le mystère le plus complet… Ce qui était dommage.

             • Fantômes d’Épingles, 4/5
Là, un peu à la façon de Dorian Gray, la narratrice échange sa place (émotionnelle) avec un objet. Est-ce vraiment bon de se réfugier dans l’apathie sans vouloir faire face à la Mort ? C’est la question abordée dans cette nouvelle et, bien que frôlant le grotesque (pas dans le sens négatif), la fin et les motivations de la narratrice sont touchants. 
Une excellente nouvelle pour clore ce recueil qui me laissera un excellent souvenir.

La frimousse de l'auteur.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il s’agit du second recueil de nouvelles de Mélanie Fazi, le premier étant Serpentine et ayant reçu de nombreuses critiques positives, tout comme Notre-Dame-Aux-Écailles.
• Mélanie Fazi fait beaucoup de travail de traduction. Autre que Poppy Z. Brite, elle a traduit les tomes de la saga des Fils des Brumes de Brandon Sanderson, Paladin des âmes de Loïs McMaster Bujold, En attendant l'orage de Graham Joyce, etc.

1 commentaire: