jeudi 7 juillet 2016

Comme ton Ombre, d'Elizabeth Haynes,

2003. Cathy, jeune femme extravertie, ne pense qu’à sortir et collectionner les amants. Lorsqu’elle rencontre le séduisant Lee, elle est convaincue d’avoir trouvé l’homme parfait. Il est beau, intelligent, attentionné… Pourtant, Cathy ne parvient pas à être parfaitement sereine avec lui. Et lorsqu’elle parle de ses doutes à ses amies, toutes sous le charme, elle ne trouve aucun réconfort.
2007. Cathy a 28 ans mais en paraît 40. Paranoïaque, elle souffre de troubles obsessionnels compulsifs et refuse toute relation sociale, ne sortant plus que pour travailler. Toutefois, l’arrivée d’un nouveau voisin, avec qui elle lie connaissance, va l’amener à affronter ses angoisses. C’est alors que l’ombre de Lee réapparaît dans sa vie…
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche.
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Selon les statistiques, les violences conjugales tuent une femme tous les trois jours et un homme tous les quatorze jours. Pour ceux qui ne connaissent pas (ou ignorent qu’ils comptent dans leur entourage) une victime de ces violences, certaines histoires semblent absurdes, surréalistes, voire idiotes avec une réaction assez commune qu’on retrouve dans Comme ton Ombre d’Elizabeth Haynes :
« Jusqu’à récemment, je trouvais que les femmes qui se laissaient maltraiter étaient des imbéciles. Après tout, il devait y avoir un moment où on se rendait compte que ça dérapait et où on se mettait à avoir peur de son partenaire. Et là, il fallait rompre, se tailler. Pourquoi rester ? Les femmes que j’avais vues à la télé et ou dont j’avais lu les interviews dans des magazines expliquaient que « ce n’était pas aussi simple », et moi je me disais que oui, ça l’était.
À présent je les comprenais »

Les romans sur les violences conjugales peuvent facilement secouer les nerfs des lecteurs, le sujet est aussi sensible que les récits d’Auschwitz : sauf qu’ici, Elizabeth Haynes ne cherche pas franchement à émouvoir et met plutôt en avant l’horreur des situations, faisant de Comme ton Ombre un thriller psychologique angoissant.
Le roman est vraiment d’un réalisme effrayant : j’ai remarqué quelques défauts scénaristiques mais vraiment après ma lecture tant j’ai été prise dans le récit.

Ce roman d’Elizabeth Haynes est indéniablement dur : on y croise le harcèlement, l’humiliation, les menaces, les violences physiques et mentales… Mais rien de surréaliste ou de trop poussé : les détails sont crus, la plume ne s’encombre pas de censure. Ceci dit, il n’y a jamais d’exagération, ce n’est pas surjoué pour vous faire vomir tripes et boyaux.
M’enfin, ce n’est tous les romans qui arrivent à me rendre nauséeuse, Comme ton Ombre a réussi ce fait.

Les publicités contre les violences conjugales sont déjà percutantes : Comme ton Ombre a cet esprit aussi.

Je n’ai rien à redire concernant les personnages tous très intéressants : Cathy, un peu pétasse au début, n’est pas le genre de nana qu’on pourrait apprécier, mais c’est son évolution qui importe surtout, les changements que sa relation avec Lee va causer et comment cet homme va distordre les autres relations qu’elle pouvait entretenir. Quant à Lee, le bonhomme est tout en complexité et pourtant, c’est l’élément source avec une psychologie véridique.
Je dois reconnaître que j’ai beaucoup aimé Stuart, malgré quelques petits soucis [spoiler] en terme de scénario, que Stuart apparaisse à tous les coins de rue qu’emprunte Cathy : j’ai bien cru qu’elle était tombée sur un autre obsessionnel stalker, mais visiblement, non. [/fin du spoiler]

« J’étais allée me changer dans ma chambre ; en redescendant, je m’étais retrouvée face à la porte de la cuisine fermée. Lee avait décrété que nous ouvririons nos cadeaux après le repas, pas avant. Je n’avais qu’à prendre mon mal en patience sur le canapé avec ma coupe de champagne. On aurait dit que c’était moi l’invitée. »
P. 161

L’histoire captive, l’évolution est travaillée, chouchoutée par une auteure attentive, tellement attentive qu’elle offre une double narration bien gérée : tout le long du roman, le lecteur bascule entre un événement de 2003 et un de 2007. Si l’avancement respecte l’ordre chronologique, le début est assez laborieux et je n’ai pas jugé ce changement régulier toujours pertinent. Par contre, ce n’est pas un exercice facile et je dois reconnaître qu’Elizabeth Haynes a conservé l’effet avec brio jusqu’au bout.
Et la plume, un détail que je tiens à mentionner, est très agréable. Je ne suis pourtant pas une grande adepte de la narration à la première personne car peu d’auteurs arrivent à donner de la vie au personnage qui raconte : ici, la personnalité est bien représentée, le choix des mots est soigné et le rendu est très convaincant !


Un thriller efficace avec un rythme soutenu, je n’ai trouvé des défauts qu’une fois le roman fermé tant j’avais l’attention concentrée sur l’enchaînement et rien d’autre. Des personnages marquants, de la psychologie respectée… Un roman que je conseille donc aux amateurs (ou nouveaux) du genre et surtout, aux étudiants en psychologie.
C’est même dommage que le second roman d’Elizabeth Haynes ait reçu tant de critiques négatives, je vais le lire d’ici quelques années pour que mon enthousiasme ne me pousse pas vers une déception.

« Sitôt la porte franchie, le miroir m’a renvoyé mon reflet. Le visage ruisselant – les larmes avaient coulé sans que je m’en rende compte –, les joues en feu, je n’avais pas l’air d’avoir été embrassée, j’avais l’air d’avoir été larguée. »
P. 156

Avec la couverture, cette chronique valide l’idée 56 du Challenge des 170 Idées : la poignée est un peu spéciale... mais ça reste une poignée. (l’espèce de boîte noire hein, pas les verrous autour)

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il s’agit du premier roman d’une analyste criminel et on sent qu’Elizabeth Haynes a mis de son métier dans son roman.
• L’échelle  d’obsession-compulsion établie par Yale Brown (mentionnée à la page 301) en 1989 existe réellement et ce petit document vous donnera des informations complémentaires.

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