Écrit dans le feu de l’Histoire, Suite française dépeint presque en direct l’exode de juin 1940, qui brassa dans un désordre tragique des familles françaises de toute sorte, des plus huppées aux plus modernes. Avec bonheur, Irène Némivorsky traque les innombrables petites lâchetés et les fragiles élans de solidarité d’une population en déroute. Cocottes larguées par leur amant, grands bourgeois dégoûtés par la populace, blessés abandonnés dans des fermes engorgent les routes de France bombardées au hasard… Peu à peu l’ennemi prend possession d’un pays inerte et apeuré. Comme tant d’autres, le village de Bussy est alors contraint d’accueillir des troupes allemandes. Exacerbées par la présence de l’occupant, les tensions sociales et les frustrations des habitants se réveillent…
Roman bouleversant, intimistes, implacable, dévoilant avec une extraordinaire lucidité l’âme de chaque Français pendant l’Occupation, enrichi de notes et de la correspondance d’Irène Némirovsky, Suite française ressuscite d’une plume brillante et intuitive un pan à vif de notre mémoire.
Quatrième de couverture par Folio.
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« Ils lui parlaient dans leur langue, et [la servante] disait d’un air fier :
— Je comprends-t-y votre charabia, moi ?
Mais au fur et à mesure que les portes ouvertes laissaient entrer un flot sans cesse renaissant d’uniformes verts, elle se sentait grisée, anéantie, sans résistance, et ne réagissait plus que par de faibles cris, des « Non, mais voulez-vous me laisser, à la fin ? En voilà des sauvages ! » aux sollicitations ardentes. »
P. 318
Commencé un an après la sortie du film (mais j’avais découvert le roman en cours, nah) et donc quelques mois après l’attaque du Bataclan. À cause de cet événement, je n’avais pas eu le cœur de vraiment entrer dans Suite Française : ce roman est authentique historiquement parlant et la peur que transmet Irène Némirosky faisait écho à celle qui été communiquée par les médias.
À la place, j’avais préféré me plonger dans le second tome du Paris des Merveilles pour m’enfuir dans une ville féerique.
Mais j’ai repris ma lecture avec un autre état d’esprit et j’avoue que j’ai beaucoup aimé, quoiqu’un petit peu déçue : il s’agit d’un roman inachevé et ça se sent, car il n’a ni début, ni conclusion et laisse un peu une impression d’essai. Écrit pendant l’Occupation allemande, Irène Némirovsky ne pouvait bien évidemment pas avoir le même recul que les auteurs qui ont survécu à cette période : pas de date, pas de situation très explicite, pas d’événement historique. Suite Française est un témoignage émotionnel avant tout.
Forcément, cette émotion est ce qui est le plus authentique dans ce livre : les français, effrayés et traqués, cherchent à fuir, à survivre quitte à se marcher dessus. C’est l’ambiance de la première partie intitulée Tempête en Juin. Quant à la seconde partie, Dolce, est plus mélancolique : l’ennemi s’est imposé avec ses grosses bottes et son costume austère et les français doivent faire avec. Pourtant, la cohabitation existe et Némirovsky porte un regarde presque bienveillant sur les opposants, ébauchant même une idylle pudique et tragique. Une initiative osée pour l’époque et attendrissante : même une femme de l’époque avait compris que les soldats nazis étaient plus que des uniformes et n’adhéraient pas forcément au mouvement lancé par Hitler.
Les événements, perçus par les civils et les soldats qui parcourent la ville, offrent un point de vue différent de celui des champs de bataille. Quoiqu’on rencontre un tout autre combat.
Un roman difficile à lire avec son authenticité, son témoignage nuancé… Mais qu’on peut apprécier grâce à la plume soignée d’Irène Némirovsky, attentive car capable de dépeindre le monde et la nature humaine.
Une lecture à placer entre toutes les mains qui cherchent des livres sur la Seconde Guerre mondiale, mais je vous conseille aussi vivement Seul dans Berlin !
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il y a également tout un roman autour de Suite française : Irène Némirovsky, d’ascendance juive, a été ciblée par le régime nazi. L’auteure avait écrit son roman mais ne l’avait pas achevé et encore moins publié à cause des restrictions, son origine juive étant connue et ce, malgré un baptême catholique le 2 février 1939. Le 13 juillet 1942, Irène Némirovsky se fait arrêter par la gendarmerie et part, le 17 juillet, pour Auschwitz-Birkenau. "Par chance", elle décède un mois plus tard du typhus ou de la grippe (il y a exactement 75 ans aujourd’hui en fait). Mais son mari, Michel Epstein, ignorant son décès, tente de la faire libérer. Attirant l’attention sur lui, il se fait également arrêter pour être déporté à Auschwitz et y sera gazé le 6 novembre 1942.
Si Suite Française est publié aujourd’hui, c’est grâce aux deux filles de l’auteure qui retrouvent le manuscrit dans une valise à la fin des années 1990.
• Irène Némirovsky reçoit le prix Renaudot en 2004 pour Suite Française à titre posthume.
• Un petit détail que j’aime bien qu’il soit très anodin : le titre anglais n’a pas été traduit et les éditions anglophones portent aussi "Suite Française".
• Irène Némirovsky reçoit le prix Renaudot en 2004 pour Suite Française à titre posthume.
• Un petit détail que j’aime bien qu’il soit très anodin : le titre anglais n’a pas été traduit et les éditions anglophones portent aussi "Suite Française".
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