Mademoiselle Else ou le soliloque tragique d’une femme piégée par les oscillations de l’âme. A travers les mots et les errances désespérées de son personnage, Schnitzler brosse le tableau exemplaire des fascinants déchirements de la morale viennoise au tournant de la modernité, valse – hésitation entre désir et devoir, entre fantasmes de prostitution et rêves de continence.
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche.
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Après Madame Bovary, je vous présente une autre bonne surprise dans une version plus jeune avec Mademoiselle Else, une Bovary à l’autrichienne. Plus court et dans un format bien différent, je me sentais obligée de sélectionner les résumés car certains en dévoilent beaucoup trop.
Déjà, la nouvelle aborde un format nouveau à cette époque et assez étrange qui ne plaît pas à tous les publics : le monologue intérieur. Les dialogues ne sont entendus que d’un seul point de vue, les événements sont aperçus à travers les yeux de cette demoiselle qui nous partage, sans le savoir, ses pensées les plus enfouies. Journal intime oral, confessions du moment, le lecteur est emporté sur ses divagations de jeune femme perdue comme un canoë l’est par des torrents troubles. Le rythme est quelques fois répétitifs mais il est rapide, cinglant et cette nouvelle cache en fait un véritable tourbillon !
Délirante, décalée, drôle malgré elle et tragique, je me suis attachée à cette petite demoiselle Else, figure féminine un peu hystérique et prétentieuse mais attachante, les lectrices se reconnaîtront certainement dans quelques parcelles de cette autrichienne qui croque la vie et fonctionne en accéléré.
Amusant et pourtant profondément tragique, Else préfère rire que pleurer, elle préfère se battre plutôt que de s’enterrer, oser plutôt que se cacher. Mais qui n’a pas rêvé faire des miracles ? Qui ne se construit pas les scénarios les plus délirants sans parvenir à les accomplir ? Else est profondément humaine et est exposée avec ses défauts que l’on partage tous sans se l’avouer.
Les personnages secondaires ne sont malheureusement pas creusés, j’aurais volontiers lu d’autres monologues pensés par Fred, Paul mais surtout le vieux von Dorsday qui démontre autant de défauts humains mais réalistes que la jeune Else. [spoiler concernant la fin] La fin est donc assez frustrante puisque jamais on apprendra la réaction de l’entourage d’Else, ce que penseront ses parents,von Dorsday... Mais après tout, morte, Else non plus ne saura jamais comment se déroulera son enterrement et nous emporte dans son sort malheureux. [/spoiler concernant la fin]
L'auteur qui risque de rejoindre mes chouchous. |
Si le style m’a quelque peu terrifié au début, j’avoue que je ressors conquise de Mademoiselle Else. Le cœur un peu serré pour cette demoiselle, pour le vieux bonhomme Dorsday et surtout, son auteur talentueux et perspicace mais pourtant durement critiqué à son époque.
Curieux, si vous avez une après-midi de libre, n’hésitez pas à faire connaissance avec Mademoiselle Else et de découvrir un des premiers monologues internes de la littérature autrichienne.
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Une anecdote assez tragique et perturbante sur la vie privée d’Arthur Schnitzler qui coïncide étrangement avec la fin de son roman : [spoiler sur le dénouement de Mademoiselle Else] sa fille, Lili, s’est suicidée en 1930, à 18 ans. Selon les témoignages du père lui-même, Lili avait laissé une note qui disait « qu’elle ne voulait pas mourir ». Une triste fin qui ressemble à celle d’Else écrit six ans auparavant. On s’en doute : l’auteur ne s’est jamais remis totalement de ce décès et aurait reçu par la suite des lettres l’accusant d’être responsable, qu’avec l’éduction donnée à Lili, elle finirait forcément comme ça. Arthur Schnitzler meurt finalement en 1931. [/spoiler sur le dénouement de Mademoiselle Else]
• Les thèmes abordés sont vus comme « assez tabous » (encore aujourd’hui, peu d’auteurs oseraient écrire sur la confrontation entre une jeune fille ignorante et un vieil homme qui fantasme sur elle) et beaucoup d’œuvres de Schnitzler ont été détruites par les nazis qui allaient jusqu’à interdire les représentations de ses pièces de théâtre.
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