L'abbé saxon Erwin appartient à cette élite de savants, d'érudits et d'experts que Charlemagne a réunis autour de lui. Le souverain en a fait un missus dominicus, instrument redoutable de son pouvoir comme va le montrer l'enquête criminelle qu'Erwin mène à Autun en compagnie du comte Childebrand en l'an de grâce 796. Cependant, là où la plupart de ceux qui jugent se contentent d'aveux, éventuellement extorqués par la torture, de témoignages même douteux, de jugements de Dieu par les braises ou l'huile bouillante, ce Saxon imperturbable et perspicace exige avant tout des preuves, nouveautés troublante pour l'époque. Car celle-ci est volontiers expéditive, elle est déconcertante mais aussi attachante. En une reconstitution scrupuleuse, l'épisode Le Poignard et le poison fait pénétrer dans la vie quotidienne de cette renaissance carolingienne, esquisse de notre Europe et aube de notre temps.
Quatrième de couverture par 10/18, Grands Détectives.
---
Un bout de la Tapisserie de Bayeux
« - [...] Nous n'avons rien trouvé, jusqu'au jour où, dans les bois, on a aperçu son fichu, ensanglanté.- Qui ?- Le forgeron, Étienne. Il pleurait, lui, cet homme colossal, il pleurait comme un enfant en me le rapportant. »
P. 143
À la fin du mois de Juin, j’ai visité l’abbaye de Fontfroide, à quelques kilomètres de Carcassone, et j’ai réellement adoré la visite. Le guide avait une façon de décrire les lieux avec un côté presque littéraire et cette sortie m’a donné envie de trouver des romans qui reprenaient des éléments de décor et la population religieuse du Moyen-Âge. Évidemment, je voulais un ouvrage qui maîtrise l’époque abordée et que les personnages ne tombent pas dans le cliché basique ou vulgaire (le côté Église abusive, ça peut être drôle mais c’est assez courant déjà dans les romans médiévaux).
Je suis donc tombée sur la saga d’Erwin le Saxon et les résumés et les rares chroniques ont répondu à mes attentes. En plus, c’est sur fond policier, que pouvais-je demander de plus ?
Une photo prise à l'Abbaye de Fontfroide, pour les curieux, Google Image offre pas mal d'aperçus aussi.
Très curieuse, je l’ai commencé dès que je l’ai reçu. Pour une introduction claire et concise : je n’ai pas été déçue. Équilibré entre l’Historique et les enquêtes, Le Poignard et le Poison tient ses promesses pour les deux. Déjà, la préface offre une vingtaine de pages en expliquant les conditions juridiques de l’époque, le côté politique (les changements entre le règne de Pépin le Bref et celui de Charlemagne)… Bref, j’ai tendance à passer les préfaces quand elles commencent à m’ennuyer au bout de trois ou quatre pages mais là, Marc Paillet nous dit le plus important et nous donne même les clés de compréhension les plus essentielles pour sa fiction (comme des expressions, du vocabulaire…). Une introduction instructive et qui sert pour de bon durant le récit.
Pour ceux qui ont oublié leurs cours d'Histoire, des rappels géographiques.
Pour l’histoire du Poignard et le Poison maintenant, je regrette juste une introduction assez maladroite : on rencontre les premiers personnages principaux dont le comte Childebrand et l’abbé Erwin mais également Hermant, Timothée et frère Antoine au moment où ils se rendent à Autun. Il n’y a pas vraiment d’explications sur leur rencontre, leur vie respective et donc, ils donnent l’impression d’apparaître sur la route comme par magie. Après, il s’agit d’une série qui compte huit tomes, Marc Paillet a très bien pu garder des informations privées dans d’autres tomes, histoire de pimenter le tout. Les caractères sont néanmoins sympathiques et on sent une certaine fidélité à la mentalité de l’époque. J’ai beaucoup aimé Erwin le Saxon avec son côté pieux et réfléchi, qui peut sembler classique mais se montre efficace. On suit d’ailleurs quelques petites aventures solitaires, par exemple celle du chapitre 6 que j’ai énormément aimé où il est confronté à une prétendue sorcière.
Le comte Childebrand aussi était intéressant mais j’ai regretté qu’il n’y ait pas de passages avec lui. Ce qui est assez dommage, mais enfin, je n’ai pas fini de lire la saga, mes espoirs ne sont pas encore tombés. Je n’oublie pas des personnages plus secondaires, avec une certaine affection pour la vicomtesse Oda.
Ce qui fait la force des personnages et du déroulement de Le Poignard et le Poison, c’est la dynamique des dialogues. C’est assez rare que je remarque ce genre de détail puisque je n’y fais pas réellement attention mais là, ça m’a véritablement frappé : les paroles sont fluides, correctes pour l’an 800, les échanges bien structurés, enfin, un vrai plaisir.
« […] : les envoyés du roi Charles, hôtes chaleureux, s’étaient en un instant mués en inquisiteurs aux pouvoirs redoutables, mettant en œuvre une procédure impressionnante, sans même y associer le comte ou l’évêque ! »
P. 49
Côté historique, je ne me plains pas donc. Côté policier non plus puisque l’enquête se révèle plutôt riche : des révélations bien dosées, des suspects nombreux, un enchaînement logique… Bref, rien de révolutionnaire mais divertissant quand même, une enquête qui devrait plaire aux novices comme aux détectives assidus.
En somme, un délire pour les abbés, les frères et les moines qui m’a permis une très bonne découverte. Il faudrait peut-être que les éditions 10/18 prévoient des réimpressions pour éviter de parcourir tous les sites d’occasion et si possible… Des couvertures plus séduisantes quoi, on ne juge pas un livre à sa couverture mais, ça fait quand même affreusement vide. La tapisserie de Bayeux, c’est impressionnant quand on la voit dans ses soixante-dix mètres de long, pas en morceaux…
Mais que les intéressés ne soient pas refroidis !
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Le Poignard et le Poison est le premier tome de la saga Erwin le Saxon qui compte 8 tomes, les suivants sont : La Salamandre ; Le Gué du Diable ; Le Sabre du Calife ; Le Spectre de la Nouvelle Lune ; Le Secret de la Femme en Bleu ; Les Vikings aux Bracelets d’Or ; Les Noyées du Grau de Narbonne.
• Le comte Childebrand a réellement existé (sous le nom de Childebrand II d’ailleurs).
• J’avais juste envie de partager une blague débile avec un pote : durant des jours on s’était amusés à franciser les noms des personnages de la saga du Trône de Fer (entre autres, Theon Joiegrise, Jean Neige, Ned Rigide, Danéris Targarien… Bref, les prononciation bien à la française !) et il se trouve que pour Tywin Lannister… Ça donnait Tiwoin Lannistre. Donc oui, c’est con, mais sachant qu’un des personnages se nomme Thiouin... Mais enfin voilà, j’ai ricané bêtement.
Je lis pas mal de romans historiques et pour ce qui est des policiers, ce n'est pas toujours simple d'en trouver qui équilibrent le cadre et l'intrigue. Souvent, cette dernière est sacrifiée au profit du contexte social, politique...etc, bref, de l'époque choisie. Le Haut Moyen Age est une période particulièrement originale.
RépondreSupprimerEt pour 10/18 : ne pas attendre, ils ne réimpriment jamais !
J'en connais quelques uns et honnêtement, c'est celui qui équilibre le mieux, l'enquête est intéressante et on se croit assez facilement dans l'époque, en espérant qu'il te plaira autant que moi !
SupprimerEt depuis l'an dernier, ils refont les couvertures des Charlotte et Thomas Pitt d'Anne Perry, les tomes de Paul Doherty et ceux d'Ellis Peters, c'est pour ça que je me suis mise à espérer une réédition plus "esthétique" de cette saga qui débute très bien mais je ne vais pas trop attendre comme tu le dis... :/
Un polar historique se situant au Moyen-âge, avec un fond religieux sans le cliché l'Eglise-c'est-le-maaaaaal ? Ma foi, ça m'a l'air très intéressant :D sans compter que ta critique donne bien envie de découvrir cet ouvrage. J'aime beaucoup les polars historiques, même si je n'en ai lu que très peu jusqu'à présent, concernant des polars historiques se situant au Moyen-âge, je connais Pardonnez nos offenses et Délivrez-nous du mal de Romain Sardou que je n'ai pas encore lu... en tout cas, je crois que je vais ajouter ce titre à ma liste !
RépondreSupprimerIdem, j'en ai un peu assez de ce thème facile où les prêtres sont tous de méchants pédophiles, de vieux cons aigris qui se pensent supérieurs juste parce qu'ils causent mieux le latin que les nobles et ça fait du bien de trouver des moines pieux mais loin d'être naïfs !
SupprimerDélivrez-nous du mal, j'en entends souvent parler ! Comme le contexte m'intéresse beaucoup, je pense le rajouter aussi et me lancer, j'espère que Le Poignard et le Poison te plaira aussi ;)