lundi 21 avril 2014

The Black Mirror,

Douze années ont passé depuis que Samuel Gordon a quitté le domaine de Black Mirror pour essayer d'oublier le drame qui s'y est déroulé. Et s'il est de retour aujourd'hui, c'est uniquement parce qu'il soupçonne que la mort de William Gordon, l'homme qui a tant compté pour lui, n'a rien d'accidentelle.
En enquêtant sur cette tragédie, Samuel va découvrir qu'une malédiction séculaire plane sur sa famille...
Résumé par MicroApplication
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En chroniquant Black Mirror II, qui est quand même sorti près de six ans après son prédécesseur, je n'avais pas vraiment l'intention d'écrire quelque chose à propos de Black Mirror I. Et puis, par nostalgie, bouclant le jeu une énième fois, je me suis dit "Et pourquoi pas ?".

Point'n'Click sorti en 2003, on peut reconnaître que Black Mirror a pris en onze ans un coup de vieux ! Et pourtant, mon ressenti est resté le même car bien que lent et assez monotone au début, c'est un petit jeu plein de qualités. Sorti d'un studio tchèque, on reconnaît pleinement l'influence germanique avec des châteaux dans l'art gothique, des villages oubliés par le temps lui-même et une météo à rendre malheureux les corbeaux et les grenouilles... Mais surtout, un goût prononcé pour les malédictions et sorts funestes. Car ce qui sauve Black Mirror encore aujourd'hui, c'est l'ambiance morose qui se dégage de ce jeu et qui n'a rien à envier au Tour d'Écrou d'Henry James ou aux contes macabres d’Edgar Allan Poe, que ce soit au niveau du scénario, de la musique ou du graphisme alors même qu’il a vieilli… Mais que j’explique en reprenant point par point.


Quand on commence une première partie de Black Mirror, le joueur peut être facilement perturbé quant à l’époque dans laquelle se déroule le jeu : l’époque Victorienne avec des anachronismes vestimentaires ? Un festival du moyen-âge qui ne se termine jamais ? Jusqu’à trouver la réponse sur une tombe récente : 1981. Décennie colorée qui accueille les premières consoles, les Tortues Ninja et les clips à scandales de Madonna. Mais à Willow Creek et dans la propriété de Black Mirror, on ignore tout du déhanché de Mickael Jackson de Thriller (peut-être aussi parce que le clip ne sort qu’en 1982), la mentalité est plus proche de celle de 1881 que de 1981 et il y a un mixte historique assez marquant.


Ces couleurs surannées, ces teintes sépia importantes et ces plans dignes des peintures de Friedrich donnent clairement cette impression d’intemporalité. Les mouvements des décors sont discrets, les bruits d’ambiance sont doux et presque imperceptibles. Black Mirror, c’est aussi une succession de plans mélancoliques où les ombres sont de plus en plus prononcées tout juste animées par une bande-son efficace mais malheureusement bien trop courte. Même les télécharger illégalement (est-ce vraiment illégal puisqu’aucun CD n’existe ?) sur le net relèverait presque de l’impossible ! Par chance, on peut toujours en apprécier quelques unes en fouillant Youtube, comme le Thème de William ou le Thème de Warmhill.
Sans compter que le jeu revisite tous les classiques de l'horreur : tombeaux poussiéreux, asiles lugubres, ruines abandonnés, manoirs trop spacieux et les bruitages qui vont avec, ce qui achève la tension horrifique.
En somme, une ambiance artistique qui pourrait paraître pauvre mais qui se trouve être efficacement pesante une fois que le joueur se laisse prendre au jeu.


L’impression d’ancienneté vient aussi du fait que le joueur incarne Samuel Gordon, jeune noble qui tient à faire honneur à ses ancêtres en restant digne, courtois et sérieux. Un vrai Darcy en jean, quoique plus impulsif. Si le personnage peut sembler un peu pâle, je m’y suis quand même attachée car c’est un protagoniste particulièrement ambitieux et son audace entraîne des situations qui, plus d’une fois, m’ont faite rire !
Je ne vais pas faire une liste complète des personnages, globalement, ils semblent tous un peu creux mais je me suis laissée happer par leur histoire et j’ai fini par tous les apprécier. J’ai aimé compléter les recherches de William (très chouette papy en plus, celui-là), retrouver la trace de James, sympathiser avec le petit Vick, découvrir les secrets honteux de Robert, aider Ralph avec Mr. Bubby… Quoique le personnage que j’ai surtout retenu et qui est sans aucun doute mon favori, c’est bien Bates, ce vieux majordome serviable qui n’a rien à envier au Alfred des Wayne.
Beaucoup de gens râlent concernant le doublage français par contre, et même si je reconnais qu’il n’est pas parfait, il est loin d’être mauvais, j’ai clairement entendu pire. Peut-être est-ce une question de goût après...


Les acteurs sont certes un peu rigides avec aucune expression et des gestes trop souvent répétées mais cela ne m’a pas franchement dérangé et si j’ai pardonné ces défauts mécaniques, c’est bien parce que le jeu est sorti en 2003 et qu’il vient d’un petit studio aux moyens très modestes. Comme quoi, on peut pondre des perles insoupçonnées sans avoir des milliers de dollars dans la poche.
De plus, les point’n’click s’adressent surtout aux joueurs à tendance holmésienne qui ne veulent pas de la beauté ou des effets spéciaux mais des énigmes, des puzzles, du mystère ! Et Black Mirror, pour ceux qui veulent des enquêtes sur fond surnaturel, répond correctement aux attentes. Proche d’un Stephen King policier ou d’un Sire Cédric victorien, le scénario de Black Mirror peut paraître un peu fade aux premiers abords mais l’enquête devient vite prenante, mêlant habilement criminologie et héritages familiaux. J’ai juste trouvé dommage que les derniers passages soient un peu vite expédiés et qu’il n’y ait pas davantage d’informations.


Ma conclusion est simple : en onze ans, j’ai eu le temps de recommencer l’aventure cinq ou six fois et je ne m’en lasse toujours pas. Il y a bien sûr une part nostalgique, mais c’est surtout que Black Mirror est un point’n’click unique avec une ambiance propre, un ressenti très personnel que je n’ai toujours pas réussi à trouver dans un autre jeu, pour mon plus grand malheur d’ailleurs.
Sur ce, je vais recommencer une partie de Black Mirror II avant d’éditer ma chronique, en espérant vous appâter suffisamment pour cette trilogie coup de cœur !


             Quelques anecdotes sur ce jeu,
• L'équipe qui s’est chargé de Black Mirror est composée principalement de... Sept personnes ! On retiendra par exemple Zdeněk Houb qui a composé toutes les musiques, a écrit les dialogues et une bonne partie du scénario.
• Le nom du manoir Black Mirror n’est jamais clairement révélé dans ce premier opus et le joueur n’aura l’explication précise que dans le troisième opus. Mais est-ce vraiment canonique puisqu’à la base, aucune suite n’était prévue et l’équipe avait même refusé l’idée d’une sequel ?
• Le titre original est Posel Smrti qui signifie Le Messager de la Mort.
• Produit par une équipe avec peu de moyens, d’autres joueurs se plaignent de beaucoup de bugs : je n’ai rencontré aucun bug et j’ai pourtant joué à Black Mirror sur trois PCs différents. Si toutefois mes lecteurs buttent contre une magouille et qu’ils ont besoin d’une sauvegarde pour se dépatouiller, je suis disponible (j'ai toujours mes sauvegardes avec moi) tout comme les forums de JeuxVideo.com où il y a des liens pour accéder à des sauvegardes qui vous débloqueront.
• Tous les screens de cette chronique sont issus de ma propre partie.

5 commentaires:

  1. Eh bien, pour un jeu sorti il y a onze ans, il se défend encore vachement ! Les décors sont vraiment beaux et l'ambiance a l'air top. Ta chronique donne très envie... j'attends celle sur le 2e opus avec curiosité ! Bon clic ! :)

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    1. Héhé, pas de soucis, je me dépêche de rééditer la chronique du 2 et d'écrire celle du 3 !

      Merci ! :)

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  2. Waouh, j'adore l'ambiance oppressante qui se dégage des images... je trouve les décors magnifiques et complètement immersifs... J'ai très peu joué à des jeux d'horreur, bien que j'apprécie le genre. Je m'étais essayée à Peur sur Amityville sur l'Amstrad CPC de mon frangin !^^ et Phantasmagoria...
    Faudrait que je tente celui-là... (en fait j'aimais beaucoup les aventures historiques de Cryo comme Versailles ou Inca etc)

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    1. Roh ! Cryo ! Ce coup de nostalgie ! Je me souviens bien de Versailles aussi !

      Par contre, je ne connais pas les jeux d'horreur que tu me cites, il faudra que j'aille voir ça (surtout Amityville ♥). Après, je suis très fan de jeux d'enquêtes et Black Mirror a l'avantage de mêler énigmes et horreur de façon équilibré, si tu te laisses tenter, je serai ravie de voir ce que tu en as pensé :)

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  3. Note: pour éviter de spoiler le monde, j'ai auto-censuré certains mots.

    Sur tes recommandations, j'ai profité d'un moment de vide vidéoludique pour m'acheter le jeu sur Steam, et j'ai fini par me boucler la trilogie complète en quelques semaines - en profitant des soldes pour m'acheter les second et troisième opus alors que je n'avais même pas terminé le premier.
    En fait, pas mal de choses m'ont énervé dans ce premier épisode comme la lenteur de Samuel, son côté "au lieu de simplement demander en usant de mon nom, je vais plutôt imaginer un piège stupide dont je ne sais même pas s'il va fonctionner" qui va de pair avec la linéarité du titre, et puis - mais c'est peut-être aussi parce que je ne suis pas très habitué aux point'n clicks - le fait qu'on ne sache pas trop souvent ce qu'on cherche/ce qu'on doit faire, la logique trèèès particulière par moments de Samuel, et la fâcheuse tendance qu'il a de savoir qu'il n'y a rien qui l'intéresse dans ce placard sans même savoir ce qu'il contient.

    Mais, à part ces points-là, franchement, quelle bonne surprise! Même si certains tableaux accusent leur âge, la direction artistique est superbe, et l'histoire est captivante et plutôt bien ficelée, même si on échappe pas à quelques incohérences et autres trous scénaristiques (comment est mort William, et qui est l'assassin? comment X s'est-il occupé de R.? Et le coup du sang dans le broyeur ? etc. ) Et puis, quant à la fin, si en soi elle ne me dérange pas - je l'apprécie, même - j'ai eu le sentiment qu'il y manquait quelque chose, comme si une cinématique s'était perdue en cours de route. D'ailleurs, je ne sais pas si c'est un bug de la vf ou si c'était propre à ma version, mais il n'y avait tout simplement pas de monologue lors de la scène finale... Du coup, X se xxxxxxx sans aucune explication... Bon, je suis quand même allé voir sur Internet, après, mais quand même, sur le coup, ça m'avait laissé interloqué.
    Autre point, là où les décors sont superbes, le chara-design, lui, est vraiment daté, et celui de certains personnages est même vraiment flippant. Bon, James, à la limite, c'est compréhensible, mais pour les autres... Mais Vick a décidément passé trop de temps devant sa Commodore... Et puis, je rechignais carrément à chaque fois que je devais aller voir Henry, parce qu'avec sa tronche, je m'attendais à ce qu'il me saute dessus à tout moment pour me manger le visage et me déchirer les entrailles avec ses ongles (et le coup du broyeur, mystère jamais élucidé d'ailleurs, n'a pas beaucoup aidé) !

    M'enfin, j'ai l'air de pas mal cracher sur Black Mirror, mais globalement, je l'ai vraiment beaucoup aimé - ça fait même un bout de temps que je n'avais pas été autant pris par un jeu! L'ambiance est vraiment excellente, les quelques énigmes sont très sympas à résoudre, je me suis vraiment attaché à certains des personnages (Ralph, le vieux pêcheur, le petit Vick, le vieux Bates, même Robert et ses magouilles et Samuel, malgré son caractère borné. Et puis surtout, le fossoyeur. Le fossoyeur, quoi!) les décors sont superbes, l'intrigue bien ficelée malgré ses défauts et donne envie d'en savoir plus, même le doublage vf est attachant tant il est navrant par moments, et certains passages involontairement cocasses (au hasard, Morris qui hache du bois perpétuellement et à une seule main) rajoutent un peu d'humour au titre.

    Bref, même si je ne pense pas y revenir d'ici peu, ce fut une très bonne découverte! Merci encore de nous l'avoir conseillé! ;)
    (ouhlà! ça, c'était du pavé!)

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