Une jeune femme romanesque qui s’était construit un monde romantiquement rêvé tente d’échapper à l’ennui de sa province, à la médiocrité de son mariage et à la platitude de sa vie. Mais quand Flaubert publie Madame Bovary, en 1857, toute la nouveauté du roman réside dans le contraste entre un art si hautement accompli et la peinture d’un univers si ordinaire.
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche, Classiques.
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« Pauvre petite femme ! Ça bâille après l’amour, comme une carpe après l’eau sur une table de cuisine. »
P. 225
[Le 12 Décembre 2011, Google fêtait le 190ème anniversaire de Gustave Flaubert avec cette jolie bannière]
En voilà un livre bien mal aimé ! En voilà un personnage bien méprisé !
On m’avait souvent parlé du style assommant de Flaubert, de son héroïne exécrable, de ses passages longuets… Tant de critiques sévères qui m’ont refroidi durant le lycée, achevant de me désintéresser totalement de Madame Bovary. Toutefois, si je ne serai pas l’avocate d’Emma Bovary, je serai en tout cas celle de Flaubert maintenant que j’ai refermé le livre.
Je ne peux pas le nier : Gustave Flaubert, comme bon nombre d’auteurs de son époque, s’attarde sur des détails qui nous semblent complètement dérisoires pour notre génération du XXIème siècle habituée au rapide et concret. Il y raconte les différents modèles de voiture, la médecine et son enseignement des 1860 à 1892, des oppositions entre les gens de campagne et ceux de la ville… Sauf que certains ne l’ignorent pas : le XIXème siècle est une véritable passion chez moi et les nombreux détails ne m’ont absolument pas dérangés. Madame Bovary n’est pas seulement un roman qui nous ramène en arrière, c’est un étrange manuel à la fois sociologique, mécanique et historique de l’époque, à tel point que j’ai gardé certaine notes et j’espère pouvoir les réutiliser.
Quant au style, je suis déjà venue à bout de classiques riches en descriptions et Madame Bovary n’est pas le pire d’entre eux, malgré les avis que j’ai entendus. La plume de Flaubert aide beaucoup sur ce point car on sent un certain talent dans la narration, une passion pour les mots. Et puis, on se souviendra tous de la comparaison entre l’ennuyeux Charles Bovary et un trottoir. Pauvre gars…
Mort de Madame Bovary (1883) par Albert Fourié.
D’ailleurs, les reproches visent majoritairement les personnages, galerie peu glamour où les défauts et les mauvaises conduites s’accumulent, à commencer par la fameuse Emma Bovary. Non, je ne peux pas dire que j’ai aimé Madame Bovary, mais je ne peux pas dire non plus que je l’ai détestée : certes elle est capricieuse, infidèle, prétentieuse, égoïste… Mais Emma est surtout malade et j’ai été agréablement surprise de voir une hystérique aussi bien représentée dans une œuvre fictive et malgré tout, sa mort m’a fait beaucoup de peine (Ouais, je spoil un peu, mais ce livre est tellement connu qu’on ne dissimule plus le rôle joué par l’arsenic dans la dernière partie).
Je n’idolâtre pas non plus ses compères. En revanche, c’est la richesse d’un personnage que j’aime juger, pas si j’aimerais l’avoir dans mes contacts Facebook. Plus que Rodolphe Boulanger, j’ai été surprise par l’évolution de Léon Dupuis qui offre des images très paradoxales et intéressantes. On sort du roman à l’eau de rose et on a une vision plus ou moins véridique de l’amour adultère, Flaubert dissèque avec réalisme ce genre d’aventures qui connaissent rarement de belles fins (surtout à cette époque).
Malgré son côté benêt, j’ai été véritablement touchée par Charles Bovary, ce pauvre gars balourd, gauche et qui voue un culte naïf à sa femme qui passe les trois quarts de son temps à le rabaisser. C’est « l’idiot du roman » mais son importance ne peut pas être balayée et j’ai eu beaucoup de considération pour ce personnage.
Je n’oublie évidemment pas Homais, le phare éclatant, si éclatant qu’il en devient aveuglant, agaçant. Le personnage si emmerdant qu’il en devient drôle et si représentatif de la fausse bourgeoisie de cette époque. Il connaît d’ailleurs une conclusion où j’ai beaucoup ricané avec des côtés assez burlesques.
Bref, une galerie bien complète qui ne séduira que grâce à ses défauts et non avec ses charmes.
« Elle eut dans ce temps-là le culte de Marie Stuart, et des vénérations enthousiastes à l’endroit des femmes illustres ou infortunées. Jeanne d’Arc, Héloïse, Agnès Sorel, la belle Ferronière et Clémence Isaure, pour elle, se détachaient comme des comètes sur l’immensité ténébreuse de l’histoire [...]. »
P. 101
C’est dommage que j’ai tant tardé à lire ce roman mais c’est maintenant chose faîte et le jour où je tomberais dans une conversation concernant Madame Bovary, je pourrais défendre ce classique noir avec des arguments. Homais a écrit sur une tombe « Sta viator, amabilem conjugem calcas ». À mon tour, j’inscris sur ma chronique « Sta viator, amabilem librum occurris ».
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Avant la publication en librairie de Madame Bovary, Gustave Flaubert a été jugé pour des « écrits immoraux » et de nombreux passages ont été supprimés (il suffit de taper Madame Bovary scène du fiacre). Certaines éditions, comme celle du Livre de Poche, propose des versions complètes et ajoutent des annotations pour préciser quel passage avait été supprimé.
• Quand je dis que Madame Bovary est complet en anecdotes victoriennes, il suffit de voir toutes les références à la Monarchie de Juillet (dur de ne pas comparer la déchéance d’Emma Bovary avec cette petite monarchie vouée à l’échec, au passage), la page 66 est recouverte d’anecdotes sur la médecine (Gustave Flaubert est après tout un fils de médecin), les notes de la page 85 nous présentent les différents types de véhicule, etc.
• Quand je dis que Madame Bovary est complet en anecdotes victoriennes, il suffit de voir toutes les références à la Monarchie de Juillet (dur de ne pas comparer la déchéance d’Emma Bovary avec cette petite monarchie vouée à l’échec, au passage), la page 66 est recouverte d’anecdotes sur la médecine (Gustave Flaubert est après tout un fils de médecin), les notes de la page 85 nous présentent les différents types de véhicule, etc.
J'étais un petit anxieuse avant de commencer ce roman mais finalement je l'ai lu très facilement et j'en garde un bon souvenir. Les caprices de cette chère Mme Bovary m'ont enervé mais c'est le personnage qui donne de la profondeur au récit ; elle est hors du commun. Très belle chronique, bravo. :)
RépondreSupprimerMerci beaucoup ! :)
SupprimerVoilà, comme quoi, à part "l'affreuse" Emma Bovary qui peut énerver beaucoup de lecteurs, le roman est très plaisant et ne mérite pas tant de critères effrayants en fait !