samedi 28 novembre 2015

La Ligne Verte, de Stephen King,

Octobre 1932. Pénitencier d’État, Cold Mountain, Louisiane. À l’écart des autres, le bloc E. Celui des condamnés à mort. L’antichambre de l’enfer. Au bout du long corridor, la chaise électrique, Miss Cent Mille Wolts au répugnant baiser…
Sa prochaine victime, John Caffey. Un géant. Le meurtrier des petites jumelles Detterick. Surpris devant leurs cadavres ensanglantés. Étrangement absent. Si calme… Paul, le gardien-chef, l’accueille comme les autres, sans états d’âme…
Et pourtant… L’air est étouffant… Quelque chose se trame… Le regard troublant du condamné, les provocations sadiques de Percy Wetmore, une exécution de trop… ?
Un rouage va lâcher. Mais lequel ? Pourquoi ? Et qui manipule Mister Jingles, cette étrange souris trop curieuse et trop savante ?
Le suspense ne fait que commencer…
Quatrième de couverture par Librio.
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Très marquée par l’adaptation cinématographique, je voulais que le film s’efface un peu de ma tête avant de me lancer dans la lecture de La Ligne de Verte. Évidemment, je me souvenais du début, des rebondissements, de la fin… Difficile d’oublier le formidable travail de Frank Darabont porté par Tom Hanks, Michael Clarke Duncan ou encore David Morse… Et pourtant, en lisant le roman de Stephen King, j’ai réussi à recréer dans ma tête d’autres plans, d’autres visages : les images du film ne s’imposaient pas, les lignes du King sont bien trop fortes pour ça et permettent une vraie lecture.
Au lieu d’acheter l’intégral, j’ai décidé de suivre la parution originale : c’est-à-dire en romans feuilletons, faisant de La Ligne Verte une série de 6 tomes d’une centaine de pages et se concluant toujours avec un suspense pour respecter la tradition... Et laisser le lecteur dans l’attente jusqu’au prochain tome.


Ce premier tome a été très captivant : ma première joie a été de retrouver la plume mordante de Stephen King. Cette sorte d’american way of life désabusé où on sent le ciel louisianais peser sur les têtes des personnages et les nôtres également. La vie est triste au pénitencier d’État de Cold Mountain mais pleine de respect : les acteurs sont signés par le King à ne pas s’y tromper tant on reconnaît leur humanité. On baigne dans des confrontations, des états d’âme et un quotidien difficile. Le milieu carcéral n’est jamais évident à aborder mais l’auteur a réussi à manier ce cadre avec un certain brio : humanité et respect sont maintenus tant bien que mal et certains engrenages refusent de fonctionner avec les autres.
Mais avant l’emprisonnement, on a surtout un aperçu du crime : on se range du côté sentimental et la tension tord les boyaux. On a des premiers indices qui sont discrètement dispersés, c’est le seul problème d’avoir vu le film : je n’aurai aucun élément de surprise et je connais déjà le coupable, les fins qui sont réservées à chacun et le dénouement de cette tragédie. Cela dit, d’un autre côté, ça rend le roman encore plus poignant.

On entre donc doucement dans cet univers bien complexe et sanglant, très partagé entre le noir et le blanc. Deux petites filles mortes est une introduction efficace et qui m’a donné envie d’enchaîner avec le second tome Mister Jingles.

« — Wetmore comprend pas qu’il n’a aucun pouvoir sur eux […]. Il comprend pas qu’il pourra jamais leur rendre la vie pire qu’elle ne l’est déjà, qu’ils ne peuvent être électrocutés qu’une seule fois. Tant qu’il n’aura pas compris ça, il sera un danger pour lui-même et pour tous ceux du bloc. »
P. 17

Avec Mister Jingles, on commence à sentir la petite pointe de surnaturel qui va s’inviter dans cette histoire : l’ambiance se maintient donc avec quelques troubles en plus.

J’ai été très étonnée que John Caffey, personnage pourtant emblématique, reste au second plan. Certes les flash-back sont nombreux dans ce second volet mais je pensais que l’aura de ce géant noir occuperait plus la trame. Finalement, sa présence se fait assez discrète et on côtoie plutôt les anciens détenus que Paul a accompagnés avec ses collègues auprès de Miss Cent Mille Volt. Mais la star parmi les détenus, grâce à cette souris savante surnommée Mister Jingles, c’est Edouard Delacroix, bonhomme très attachant malgré son passé de criminel.
Il s’agit de l’un des deux acteurs d’une confrontation ombrageuse, opposé à Percy Wetmore. Dur d’apprécier un tel personnage mais j’attends de voir : je n’ai pas envie de voir ce personnage comme la figure à détester pour le lecteur. Priest dans Bazaar était un gars tout à fait détestable pour finalement dévoiler des côtés très émouvants, je verrai si il en sera de même pour Percy…

Le cadre carcéral est toujours très bien installé : les lecteurs avides de tensions et de contradictions seront servis, d’autant plus que malgré l’ambiance funèbre, on a droit à quelques passages touchants.

Ce volet s’achève sur un cliffhanger qui a son petit effet et s’affirme comme roman feuilleton où le lecteur doit patienter plusieurs semaines avant de connaître la suite !... Enfin, le lecteur de 1996, pour ma part, je n’ai pas attendu un jour avant de commencer le troisième volume.


Léger moment de « mou » pour ce troisième tome : Les Mains de Caffey est un tome qui tombe dans ces passages où l’action est mise de côté pour laisser les engrenages se mettre en place. Des premières lignes sont lancées mais les mystères sont encore trop épais pour réellement être captivants et les personnages, s’ils sont plus ou moins affichés, se révèlent surtout dans les relations qui commencent à se tisser.

Cela dit, comme pour le tome Mister Jingles, je suis étonnée par la discrétion du personnage de John Caffey bien que je peux imaginer les raisons de ce silence : les intentions du personnage sont ambigües pendant tout le long du récit et les précautions sont assez inutiles pour ceux qui connaissent malheureusement déjà le film.

Quant à la fin, elle semble anodine mais est un véritable point culminant : elle réunit le caractère pervers de Percy, sa cruauté envers Delacroix, personnage phare du prochain tome, l’impuissance de l’équipe face à ce qui se déroule sous leurs yeux et enfin, les surprises de Caffey, prêtes à ébranler le lecteur.

« Il me souriait. Me détestait. Peut-être même qu’il me haïssait. Et pourquoi ? Je ne sais pas. Parfois, il n’y a pas de pourquoi. C’est ça qui est effrayant. »
P. 9-10

Magnifique tome où le talent du King s’illustre parfaitement : La mort affreuse d’Edouard Delacroix est un tome qui a été écrit avec de l’horreur et une grande dose de cruauté pour éveiller la sensibilité.
Le titre annonce après tout la couleur : la fin tragique (et particulièrement douloureuse et peu enviable) d’Edouard Delacroix.
King met en place un schéma qui revient quelques fois dans ses romans, Bazaar par exemple : que le lecteur ressente de l’attachement pour un personnage aux défauts nombreux. Assassin, violeur, sournois, Delacroix est un criminel tout désigné pour jouer "un méchant" dans une fiction, un antagoniste détestable opposé à un héros, et pourtant, King en fait quelque chose de plus : un criminel en prison, mais également un homme condamné à mort. Dans ce tome-ci, on oublie les crimes de Delacroix et on assiste à une fin qui changera tous les témoins de l’horreur.

La plume de Stephen King installe parfaitement l’ambiance, les descriptions sont crues mais fascinent grâce à un style propre.

Ces cent pages englobent tous les retournements de situation et les derniers paragraphes permettent de comprendre que l’intrigue est prête à s’envoler pour ne ratterrir qu’à la fin du dernier tome.
Une excellent lecture avec ce quatrième épisode !


Le cinquième tome apporte ce que je réclame depuis le début : une approche directe avec John Caffey. Jusqu'à maintenant, cette masse immense de muscles était dans l’ombre, à l’arrière de la scène, mais ici, John Caffey devient actif et le lecteur s’approche enfin un peu plus du personnage.
Peut-être parce qu’il n’y a plus de barreaux entre lui et John Caffey. Mais c’est presque du spoil, donc je n’en dirai pas plus sur ce détail !
Un très bon tome, surprenant de douceur et d’espoir, c’est-à-dire à l’opposé du tome précédant qui glace d’effroi. Et tout ça, grâce à ce cher John Caffey.



« Et ce que je retiens surtout de ce matin-là, c’est ma volonté désespérée de me libérer du fantôme envahissant de John Caffey. »
P. 6

Avec les montagnes russes, entre l’effroi de La mort affreuse d’Edouard Delacroix et le doux tome de L’équipé nocturne, ce dernier volet de La Ligne Verte est axée sur une philosophie portée sur la vie, la mort, le temps, les souvenirs. Toute une histoire surréaliste pour arriver sur une conclusion très réaliste qui touchera chaque lecteur. À tel point que je crois bien avoir inondé quelques pages…
La Ligne Verte fut une magnifique histoire, je suis encore marquée aussi bien par le livre que par le film tant les sujets abordés sont parlants.
Un Stephen King excellent et qui s’inscrit dans les classiques modernes que quiconque peut lire, fan d’horreur ou non.


             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• La publication en romans feuilletons constituait un vrai défi que Stephen King a accepté de relever : en effet, les romans feuilletons ont connu leur succès à la fin du XIXème siècle (Crime et Châtiment a été publié au fur et à mesure dans Le Messager Russe ou Oliver Twist dans Bentley's Miscellany) et se font de plus en plus rare. La Ligne Verte, de son côté, n’est jamais apparu dans un journal et a été publié par l’éditeur New American Library dans la collection Signet Books à raison d’un tome par mois de mars 1996 jusqu’en août 1996.

1 commentaire:

  1. Ce livre ! <3
    Je viens de le finir, et qu'est ce que j'ai pleuré !!
    Il est vraiment très beau, c'est un coup de coeur pour moi ! =D

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