Un corps affreusement mutilé s'échoue sur les rivages de l'Hudson. Nous sommes en 1841 et New York vit des années sombres. L'enquête menée par le vieux Hays patine jusqu'à ce qu'il découvre une nouvelle d'Edgar Allan Poe décrivant exactement le meurtre de la jeune Mary. L'inspecteur rencontre le poète, qui prétend pouvoir résoudre l'énigme...
Quatrième de couverture par Points.
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C’est drôle, pour une fois qu’un livre dont personne n’a entendu parler me tombe dessus. Pas la peine de passer 3 mois devant ma boîte aux lettres pour le recevoir, ce livre m’est littéralement tombé dessus. Par hasard. Et mon visage s’est mis peu à peu à rayonner en lisant le résumé : une enquête avec le sublime Edgar Poe. C’est un sujet assez à la mode d’écrire avec des grandes figures historiques de la Littérature d’ailleurs (ou figures historiques tout court même…) et qui pourtant, est plutôt délicat. Car si un bouquin ne peut pas plaire à tout le monde, l’auteur pourra toujours se défendre que c’est une affaire de goût… Mais toucher à un personnage historique ? C’est doublement risqué et les râleurs peuvent s’en donner à cœur joie.
Mais l’interprétation d’Edgar Poe de Joel Rose m’a énormément touché. Déjà, toutes les métaphores douloureuses sur le physique tordu du poète, avec sa tête bombée, lourde, accentuant son savoir et en même temps, son corps trop maigre et ses épaules trop voutées pour supporter tout son chagrin. De la poésie qui entoure cette icône du genre. En plus du caractère : passionné, narcissique et en même temps, extrêmement sensible, dangereux… Un Edgar Poe fidèle sans en faire des tonnes, qui a ses défauts, ses qualités et surtout, toute sa magie obscure.
Les autres personnages ne manquent pas d’intérêt non plus. Je pense surtout au policier central, Jacob Hays (ou surnommé Le Vieux Hays dans le roman). Sans trop en dévoiler, j’ai beaucoup aimé le réalisme que lui offre Joel Rose par exemple en faisant de son personnage un adepte de la phrénologie (cette « science » qui disait pouvoir reconnaître les criminels à leur physique et qui est ignorée de nos jours). Il ne faut pas oublier que nous sommes en 1830-1840 et donc, Le Vieux Hays colle parfaitement à son époque. Cela change des personnages incroyablement modernes des romans historiques avec trop de qualités dignes du XXIème siècle. D’autres personnages, comme des criminels avec Ruby Pearl, peuvent frôler un peu la caricature mais rien de vraiment gênant.
Joel Rose fait un travail remarquable sur sa recherche sur l’époque. Si la dure période qui précède la guerre de Sécession aux États-Unis ne vous fait pas peur avec tous ses gangs peu fréquentables (si je vous parle du film Gangs of New-York, je pense que vous visualiserez l’ambiance du roman), vous risquez d’aimer l’ambiance qui se dégage de ce roman. D’autant plus que Edgar Poe n’est pas le seul personnage historique que Joel Rose met en scène dans Noir Corbeau.
Enfin, comme il s’agit d’un roman thriller, parlons de l’enquête… La couverture de l’édition que j’ai déclare « On pense à L’Aliéniste de Caleb Carr, en plus sanglant ». Publicité mensongère. Je n’ai lu que les deux premiers chapitres de L’Aliéniste pour tâter le terrain et pourtant, ces deux chapitres sont bien plus glauques que les 560 pages de Noir Corbeau. En clair, rien de bien violent ou de trop cruel. Mais les tâches de sang et les cadavres démembrés ne font pas forcément de bonnes enquêtes : Joel Rose maîtrise très bien ses énigmes intelligentes et ne dévoilera la réponse qu’au dernier moment. Donc accrochez-vous. C’est peut-être le soucis de ce roman : accrochez-vous. Il n’est pas long à lire, certes, mais il y a quelques longueurs et des problèmes de rythmes. Je pense par exemple au chapitre 65 où, lors d’une réception, Joel Rose s’étale pour la première et dernière fois sur les parures que les femmes portent. D’accord, le moment du roman y prête, mais les détails sont assez mal insérés et donnent l’impression que Joel Rose nous fait des grands signes avec des « Hé, vous avez vu ! J’ai même fait des recherches sur les robes d’époque ! ». Bref, pas très subtil et ça casse un peu le rythme. Quant au style, il est très simple mais pas sans émotion et reste donc très agréable. Les dialogues sont sympathiques et on a réellement l’impression de lire Edgar Poe lui-même (car cette fois, les citations du poète sont placées très naturellement).
En conclusion, je ne regrette pas ce petit roman qui me marquera par ses retournements de situation et les petites anecdotes qu’il offre sur le poète Edgar Poe et la triste époque durant laquelle il vivait.
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Il n’est pas nécessaire d’avoir lu toutes les œuvres d’Edgar Poe. C’est conseillé, mais vous pouvez comprendre l’histoire quand même : Joel Rose nous cite énormément de poèmes et nouvelles fantastiques sans pour autant copier/coller vulgairement des passages entier et pourtant, expliquer clairement où il veut en venir. Seul le poème Le Corbeau est intégralement dans le roman.
• Malgré les nombreuses entorses chronologiques que s’autorise Joel Rose, le premier crime de Noir Corbeau, celui de Mary Rogers, a vraiment eu lieu. Étant entouré de mystère, Joel Rose partage une théorie en respectant le principal de l’enquête. Et Edgar Poe a effectivement écrit une nouvelle policière, mettant en scène le Chevalier Dupin, librement inspirée de ce fait divers et intitulée The Mystery of Marie Rogêt.
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