lundi 5 février 2018

La Mésange et l'Ogresse, de Harold Cobert,

22 juin 2004. Après un an d’interrogatoires, Monique Fourniret révèle une partie du parcours criminel de son mari, « l’Ogre des Ardennes ». Il sera condamné à perpétuité. Celle que Michel Fourniret surnomme sa Mésange reste un mystère : victime ou complice ? Instrument ou inspiratrice ? Mésange ou ogresse ? En faisant résonner la voix de Monique Fourniret jusqu’aux tréfonds de la folie, la traque de ces deux monstres révèle un diabolique face-à-face avec les enquêteurs.
Quatrième de couverture par Points.
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« Elle parle sans cesse de son émotivité sans pour autant montrer la moindre émotion. Un an que je l’interroge plus d’une fois par semaine des heures durant, comme son mari, et je suis incapable de la saisir ou de dire qui elle est. Elle m’échappe, elle me glisse des mains comme un savon flasque et humide. »
P. 398

Il est difficile de parler d’un livre où le plaisir de divertissement est absent mais l’idée convaincante : on ne pioche pas La Mésange et l’Ogresse dans sa PAL en se disant « tient, j’ai bien envie de me faire plaisir et de lire ça », on le pioche pour comprendre, on le pioche pour affronter l’horreur et réfléchir sur cette affaire.
Je ne peux pas dire que j’ai aimé ce roman comme j’ai aimé Jane Eyre ou Harry Potter, mais j’ai aimé le travail de l’auteur et la lumière qu’il apporte sur cette affaire.

Michel Fourniret, ou Marc Dutroux² dans l’esprit des journalistes, était aussi épaulé par une complice avec une bague au doigt : Monique Fourniret. Une femme insipide, morne voire idiote : tel est son portrait dans La Mésange et l’Ogresse. À l’instar de Michelle Dutroux dans La femme qui donnait à manger aux chiens, le lecteur entend les monologues de l’épouse d’un prédateur sexuel, mais dans le roman de Cobert, les pensées de madame Fourniret sont entrecoupées par des procès-verbaux et les réflexions du policier Jacques Debiesme qui tente d’équilibrer vie privée et vie professionnelle, sans oublier les passages narratifs qui montrent Michel Fourniret en chasse, prédateur frustré mais futé. De façon surprenante, ces moments sont pudiques et ne noient pas le lecteur de détails : mais le peu suffit pour se sentir mal.
Ces différents formats forment alors des mini-chapitres qui défilent très vite, ou qui défileraient très vite si la lecture était facile : la plume est fluide, le sujet est éprouvant. Ce qui est particulièrement éprouvant, ce sont les passages où Monique Fourniret est interrogée : si Jacques Debiesme doit encore prouver son innocence ou sa culpabilité, le lecteur sait que madame Fourniret se rapproche plus de l’ogresse que de la mésange et tous ses interminables « euh… je ne sais plus… », « je ne sais pas, euh… je n’ai pas très bonne mémoire… », « j’ai oublié, euh… ça remonte à si loin… » agacent. Le lecteur n’est pas écarté même si les « je » excluent toute identification, car il est dans la position de Jacques Debiesme : fatigué et énervé par les bredouillements de Monique Fourniret qui n’est pas innocente mais tente de jouer la carte de l’ignorante. Et croyez-moi, des réponses mesurées par de nombreux « euh », il y en a à la pelle !
Cette mise en abîme est donc très efficace et j’applaudis l’auteur pour avoir irrité mes nerfs comme ça ! Je ne sais pas si j’aurais été aussi efficace que les policiers du roman durant les interrogatoires, j’aurais certainement perdu mon sang-froid.


Malheureusement, un autre détail qui m’a irritée et qui n’était peut-être pas dans l’intention de l’auteur : Chris, l’unique policière de l’équipe. Un peu comme Rachel dans Simetierre qui refuse qu’on parle de la mort car elle n’est pas naturelle, Chris refuse jusqu’au bout l’hypothèse que Monique Fourniret ait pris part aux méfaits de son époux sous prétexte qu’elle est une femme et mère de surcroît. Qu’une policière ignore des faits divers comme les « fameux bébés congelés » m’énervait : cette naïveté qui s’accorde mal avec le statut du personnage me fatiguait.
Forcément, j’ai soutenu Ben tout le long du roman.

Ces histoires des policiers à côté composent la partie fictive de La Mésange et l’Ogresse : il y a quelques longueurs et quelques répétitions mais elles permettent une immersion totale dans ce face-à-face qui dure plus d’un an. Un face-à-face qui apporte beaucoup de réponses et avec une fin qui glace, une fin qui tranche le titre : mésange ou ogresse ?


Un roman vraiment efficace : le lecteur ne peut que varier entre colère et chagrin, éprouvé par cette lecture pas facile et qui ne peut pas se dévorer comme un polar où on a hâte de découvrir l’identité du tueur car, dans La Mésange et l’Ogresse, le lecteur n’a pas hâte de découvrir la réponse.
Je ne peux pas dire que j’ai aimé ce livre mais j’admire le talent d’Harold Cobert car l’exercice n’a pas dû être facile et le résultat est présent : si vous êtes prêt aussi à plonger dans une des affaires les plus sordides de notre temps, lisez La Mésange et l’Ogresse.
Et si vous le lisez, je vous souhaite beaucoup de courage.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Harold Cobert précise bien au début de son roman que les paroles des Fourniret sont purement fictives, à part quelques termes comme MSP (qui veut dire membrane sur pattes) et quelques surnoms. Les lettres, dialogues, etc, sont donc des inventions littéraires.


Envie de l’acheter ?

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