lundi 26 mars 2018

Laëtitia, d'Ivan Jablonka,

Laëtitia Perrais avait 18 ans et la vie devant elle. Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, elle a été enlevée. Puis tuée. Par la vague d’émotion sans précédent qu’il a soulevée, ce fait divers est devenu une affaire d’État. À travers cette enquête de vie, Ivan Jablonka rend Laëtitia à elle-même. À sa liberté et à sa dignité.
Quatrième de couverture par Points.
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Tout le monde a entendu parler de Laëtitia Perrais et de Tony Meilhon. Tout le monde a entendu parler de la grève des magistrats, leur colère provoquée par les mesures que l’ancien président Nicolas Sarkozy voulait appliquer. Et tout le monde a entendu parler du livre de Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes, prix Médicis.
Je ne suis pas influencée par les prix reçus et donc je n’attendais pas forcément un chef d’œuvre, me méfiant même des critiques qui encensent trop. Mais ce livre m’a franchement mise mal à l’aise. Non pas avec son sujet, j’ai lu La Mésange et l’Ogresse, La femme qui donnait à manger aux chiens, Fils de Sam, L’AdversaireCe qui me gêne terriblement, c’est la démarche de l’auteur que j’ai trouvé suspecte, presque malhonnête.

Dans l’écriture surtout : Jablonka manque beaucoup de pudeur dans son ouvrage, détaillant sans que ce soit nécessaire. L’horreur a-t-elle besoin d’être décrite quand elle a déjà été étalée sur tous les journaux et écrans télévisés ? Les calvaires ont-ils besoin d’être répétés ? Peut-on rendre dignité et humanité à Laëtitia Perrais en en faisant une martyre avec ses détails ? Je ne pense pas.
L’ennui, c’est que l’écriture est saturée d’effets de sensation, aussi bien sur le plan de l’horreur que du plan sentimental. Ces effets pourraient marcher s’ils n’étaient pas aussi nombreux et hors de propos pour un tel sujet. Rendre hommage en produisant un livre à sensation ? Pareil, je ne partage pas la démarche.
De même : le drame que Laëtitia a vécu parle de lui-même, une personne qui reste de marbre est une personne avec de graves problèmes d’empathie. Jablonka n’a pas besoin de nous rappeler qu’elle a vécu l’horreur avec de nombreuses métaphores et répétitions, de nous rappeler qu’il faut pleurer pour elle. À titre d’exemple, j’ai admiré la pudeur d’Harold Cobert dans La Mésange et l’Ogresse : les scènes de « chasse » de Michel Fourtniret s’arrêtent au moment où la victime entre dans son véhicule. Décrire plus loin est superflu et l’imagination seule entraîne la frayeur.

Après, si on oublie qu’il s’agit d’un fait divers authentique et récent, la lecture est plutôt plaisante, rythmée. Il y a une réflexion très intéressante sur la création d’un fait divers, comment les gens s’arrachent une histoire sordide, l’utilisent à leurs fins. Mais peut-on oublier qu’une jeune femme a perdu la vie dans cette affaire ? D’autant que Laëtitia et sa sœur Jessica sont nées la même année que moi, et je ne peux m’empêcher de penser que sans cette journée "merdique" du 18 janvier 2011, Laëtitia aurait fêté également son quart de siècle l’an dernier.

« Un fait divers suppose un coupable. Un fait divers horrible exige un monstre. »
P. 142

J’ai donc eu beaucoup de mal avec ce livre, ne comprenant pas l’intention exacte d’Ivan Jablonka et j’ai préféré la pudeur et la simplicité qu’utilisent d’autres auteurs pour ce genre d’ouvrage. Leur neutralité également car certaines réflexions de Jablonka sont réductrices et à prendre avec nuances, leur place n’était donc peut-être pas dans un récit pour Laëtitia.
Et là, Laëtitia aurait retrouvé son humanité à mes yeux, mais ce roman a produit l’effet inverse..

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Ivan Jablonka a obtenu le prix Médicis en 2016 avec Laëtitia. L’édition Points, assez vendeur, propose des citations de critiques et celle de Grazia mettra de nouveau l’accent sur mon scepticisme : « Un thriller à couper le souffle ». Thriller… On a l’impression de parler du dernier Sire Cédric ou Jo Nesbø.


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