samedi 28 avril 2012

Jane Eyre, de Charlotte Brontë,


Le vent dans les landes désolées a creusé l’âme des sœurs Brontë. Seules, elles se sont inventé une compagnie ; célibataires, elles ont rêvé l’amour. Publié en même temps que le livre de sa sœur Emily, Les Hauts de Hurlevent, le roman de Charlotte connut d’emblée un immense succès.
Une jeune gouvernante aime le père de ses élèves et est aimée de lui. Mais elle résiste à cet amour, découvrant avec horreur l’existence de la première femme de Rochester, pauvre folle enfermée par son mari. L’histoire, qui trouve son origine dans la jeunesse tourmentée de son auteur, fait se succéder coups de théâtre et débordements de passion, fuite éperdue dans les landes et sens du devoir jusqu’à l’héroïsme.
Jane Eyre est l’un des plus beaux romans d’amour anglais du XIXème siècle. Tout y est romantique et tout y est vrai. Jane Eyre, c’était Charlotte Brontë elle-même.
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche.
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… Après ce résumé assez spoilant par Livre de Poche, on va peut-être pouvoir passer au roman qui a embelli un de mes voyages en Italie. Petite anecdote (pour ma mémoire), j’ai lu ce roman aux alentours d’Avril 2008 durant un voyage à Florence avec ma classe d’Arts. Si les musées très riches et le David de Michel-Ange (ah, je m’en souviens sous bien des angles, lui. Pardon, je m’égare encore.) ne correspondaient pas tellement à l’ambiance modeste et pauvre de l’univers de Jane Eyre, c’est lorsque je me retrouvais dans des jardins immenses et des verdures à perte de vue que je me sentais terriblement proche du roman, du personnage de Jane Eyre. En clair, un voyage qui correspondait très bien au récit de Charlotte Brontë et, comme Les Hauts de Hurlevent en moins froid, je m’y sentais comme dans une maison construite par l’auteure elle-même.
Alors soit j’ai un don pour choisir mes périodes de lecture pour certains romans, soit ce sont les sœurs Brontë qui ont un don pour m’embarquer dans leurs récits. Il faudra que je choisisse consciencieusement à quel moment il faudra que je lise Agnes Grey de Anne Brontë…

Charlotte Brontë
Mais bref, que je parle du roman lui-même. Jane Eyre, sous ses tendances un peu moralistes (étant une pieuse religieuse, elle récite parfois des conseils de la Bible) est un personnage plutôt hors du commun lorsque l’on regarde à quelle période elle a été créée. Sage et religieuse, elle a pourtant une grande force de caractère dissimulée sous une impassibilité désarmante. Une institutrice stoïque avec pourtant des désirs qui grandissent durant tout le roman. Modeste avec des rêves qu’elle pense inaccessibles. Et on s'amuse (on remercie Rochester pour son manège éprouvant) de voir Jane Eyre, si sérieuse et si catholique, dans des situations où elle se laisse aller à la jalousie, à la colère, à la fierté tout en essayant de refouler ces sentiments humains. Jane Eyre est donc un personnage à la fois classique dans la littérature Victorienne et à la fois une femme innovante. Innovante grâce à la structure que Charlotte Brontë pose dans ce roman semi-biographique (qui est à la première personne d'ailleurs) où on voit une petite fille grandir, devenir adolescente, puis enfin femme. Le caractère de Jane Eyre n'est donc pas une ligne plate durant tout le roman, loin de là : elle change grâce aux rencontres qui l'ont marqué, ses idéaux évoluent, elle devient plus sage avec l'âge... Un parcours psychologique qu'on observe évoluer avec un grand intérêt et qui est plein de réalisme et de charme. Une vie qui se construit ou qui est perturbé à travers les évènements que l'héroïne traverse. C'est ce qui fait toute la richesse du personnage en lui-même.
Quant à Rochester, le personnage est bien sûr mystérieux et ambigu. Violent et passionné, il fait parfois penser à un ours qui vient d’intégrer le monde civilisé (le fantasme des Brontë quoi). Et malgré ses airs de maître des lieux impitoyable, il perd tous ses moyens devant Jane Eyre et se venge en la poussant à bout.
Une romance un peu vache mais qui finit par posséder des côtés touchants et romantiques avec ce couple imparfait, tant physiquement que mentalement. Ils ne possèdent pas une beauté renversante, des comportements purs et nobles, ils ont leur propre charme et cela rend ce couple unique.

The Governess (1851) par Rebecca Solomon. 
Un tableau qui évoque les mêmes contraintes que dans Jane Eyre du métier de gouvernante 
(pas de garde robe magnifique, rabrouée dans le statut social, etc)

Vous l’aurez donc compris, je me suis assez attachée à ce duo. Mais ce qui m’a surtout séduite dans le roman, c’est la plume de l’ingénieuse Charlotte Brontë. Je me souviens d’un passage où Jane Eyre se met à peindre et les mots choisis, les couleurs et les formes que nous inspirent ces petits mots, sont simplement magiques. Charlotte Brontë fait preuve d’une grande sensibilité et écrit avec énormément de clarté. Le rythme est également très bien entretenu, même si le roman pourra paraître long à certains (le roman est divisé en quatre étapes qui s'articulent dans les quatre parties de la vie les plus importantes de Jane Eyre, tout ça en 520 pages). Pour ma part, la longueur est restée inaperçue tant j’ai pris plaisir à le lire.

La romance ne mange pas toute la tranche de l’histoire non plus, bien qu’elle occupe une majorité. Sont évoqués les conditions dans les vieilles institutions, les quotidiens d’une gouvernante et sa position par rapport aux employés et les femmes mieux nées, le rôle de la femme tant dans la religion que dans le social. Sans être un wikipédia pompeux, Jane Eyre est un roman très terre-à-terre où aucun bijou ne brille. Ne vous laissez donc pas influencer par ces dernières couvertures qui montrent des roses rouges, des robes riches et des femmes superbes. Jane Eyre est aussi sobre et quelconque que sa garde-robe tout comme son histoire est naturelle et posée. Si vous voulez de riches ladies aux bras de bons gentlemen, mieux vaut se tourner vers Anna Karenina, Les Liaisons Dangereuses (quoique pour les gentlemen, vous repasserez) ou Orgueil et Préjugés.

↑ Couvertures dont il faut se méfier, couvertures plus proches de l'atmosphère du roman ↓
Des roses rouges et des bouches sensuels dans Jane Eyre quoi, 
c'est aussi ridicule que d'apporter du pastis au tea time, sérieux.

En somme, un roman avec une époque qui me fascine écrit sous la plume d’une femme extraordinaire et qui restera, je l’espère, pendant longtemps un ouvrage de référence. Un des rares romans que j'ai envie de relire mais où j'ai aussi réellement peur de ne pas retrouver ce coup de cœur.

Et pour le plaisir, un comic de Kate Beaton (que j'aime énormément) que comprendront ceux qui ont lu au moins Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent~

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Lors de sa première édition, Charlotte Brontë avait signé son ouvrage avec le pseudonyme masculin Currer Bell. Les lecteurs émettaient déjà l’hypothèse que Currer Bell était en réalité une femme avant que l’ouvrage soit édité avec le véritable nom de l’auteure.
• Le résumé par Le Livre de Poche ne ment pas : Charlotte Brontë a effectivement offert un aspect autobiographique au personnage de Jane Eyre, notamment sa romance avec le père des enfants dont elle était l’institutrice à Bruxelles. L’amour de Charlotte Brontë pour Constantin Héger a pourtant eu moins de chance que celui de son héroïne avec Rochester.
• Plusieurs adaptations sont sorties. Mais aucune n’arrive à reprendre l’histoire dans son intégralité avec sa beauté. J’avais vu l’adaptation avec Charlotte Gainsbourg car j’aime énormément cette actrice mais la fin du film qui est à la limité du torché m’a vraiment déçue. Et bien que ce soit impressionnant, la dernière adaptation sortie en 2011 (2012 en France) est pour moi la plus fidèle et la plus sympa à voir. Mais restons honnête : Jane Eyre reste un roman qu’il faut lire pour en apprécier toute l’histoire, les films étant là plus pour un aspect introductif et artistique.


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