samedi 28 avril 2012

Un Vampire Ordinaire, de Suzy McKee Charnas,


Edward Weyland est l'idéal même du professeur d'université. Grand, mince, cheveux gris, profil d'oiseau de proie, distant, intimidant. Il enseigne l'anthropologie. Sa spécialité : les rêves. Ceux des autres, car lui ne rêve jamais. Il n'est pas humain. C'est un vampire.
Un vampire n'est pas un être surnaturel. C'est un prédateur qui se nourrit de sang humain comme un tigre de la chair de ses victimes. C'est un fauve, spécialisé, hautement intelligent, d'une incroyable longévité et fort habile à se glisser dans le troupeau. Pas de cape flottant au vent, donc. Pas de crocs acérés dépassant de lèvres vermillon. Pas de spectaculaires métamorphoses en chauve-souris, non plus. D'où vient-il ? D'un autre monde ? D'un autre temps ? Le sait-il lui-même ?
Parce que les humains fascinent Weyland, il entreprend une étrange relation avec une psychanalyste. L'un et l'autre vont succomber à une fascination réciproque, bien proche de ressembler à de l'amour, cette autre forme de prédation... C'est le cœur percé, dit-on, que meurent les vampires. Weyland échappera-t-il au sortilège de ses proies ?
Quatrième de couverture par Robert Laffont.

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Si je vous dis qu'en tant que vampire aigri je vais parler d'un autre vampire aigri, est-ce que cela sonne comme le début d'une mauvaise blague ou d'un comble ?

Du tout ! Je le jure ! Rien de comique, surtout pour un bouquin qui m'a aidé alors que j'étais clouée au lit durant un mois à cause d'une mauvaise bactérie et que... Mais bref. On va laisser ma santé de côté et se pencher sur ce livre de vampire qui est très particulier. Si vous aimez l'originalité, Un Vampire Ordinaire peut vous charmer comme il m'a charmé moi et Stephen King (oui, j'ai la belle édition avec un mot du King "Terrifiant, drôle, plein de suspense... Impossible à lâcher."). Pour ceux qui préfèrent les vampires plus romantiques, plus "d'actualité" j'ai envie de dire, il vaut mieux passer son chemin.

Cet excellent livre de Suzy McKee Charnas revisite entièrement le mythe du vampire : ce n'est plus un Dracula maudit ou un Kurt Barlow qui écrase une ville entière sous son pouvoir... Edward Weyland est décrit scientifiquement, avec énormément de réalisme et c'est justement ce qui le rend terrifiant. Discret et doué, il ne nous hante pas seulement la nuit mais aussi de jour. Le vampire ici est un animal, souvent comparé aux félins, aux serpents... En somme, une bête qui semble bien réelle. Le comportement qu'il adopte aussi est typiquement bestial, mais pas sans élégance (et oui, on conserve un peu du charme vampirique quand même). Il y a une phrase à la page 219 qui m'avait marqué car le personnage est révélé dans sa nature :
Quand elle s'avança pour l'embrasser, il détourna brusquement le visage : bien sûr, pour lui la bouche servait à se nourrir. Elle porta les doigts à ses lèvres, pour signifier qu'elle avait compris.
L'essence est là : le vampire est un animal et respecte une forme de loi de la jungle dans une ville civilisée.

Un animal pensant et nous savons tous que l'homme est un animal pensant. Edward Weyland est donc lui aussi sensible aux relations qu'il a avec ses victimes, sa condition décalée par rapport aux autres... En bref, lui aussi est concernée par la psychologie et c'est là tout l'intérêt du roman : le suivi thérapeutique d'un monstre féroce. Inutile de s'y connaître en psychologie, vous pouvez lire le livre même si vous ignorez tout de Freud et de Charcot. Le roman est concocté à partir de sciences légères et pourtant très riches. Certes, des critiques se plaignent du manque d'action, mais si vous intégrez un minimum l'esprit du livre, vous aurez certainement quelques frayeurs. Et même, après avoir terminé l'histoire.

Le seul défaut que je pourrais reprocher est le style où j'ai mis du temps à m'habituer et certains personnages qui manquent de fond. Mais on ignore plutôt vite ces détails. Et pis, pour information personnelle (non, je ne voulais pas parler de ma santé)... Imaginer Edward Weyland avec les traits de Sherlock Holmes était plutôt amusant ! Ça a peut-être appuyé mon attachement pour le vampire, mais bon. I regret nothing, comme on dit.

En somme, je le conseille à toutes les personnes qui veulent explorer une autre facette du mythe du vampire. À toutes personnes prêtent à "briser le mythe" sans pour autant anesthésier la frayeur engendrée par ce monstre légendaire.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Le titre original du roman est "The Vampire Tapestry" car l'auteure a sectionné son ouvrage en cinq parties, voulant donner le style d'une tapisserie du Moyen-Age, comme la plus célèbre La Dame à la Licorne qui a été une des sources d'inspiration pour la structure du roman.

Dernière fresque de la tapisserie La Dame à la Licorne.



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