À Saint-Pétersbourg, en 1865, Raskolnikov, un jeune noble sombre et altier, renfermé mais généreux, a interrompu ses études faute d’argent. Endetté auprès de sa logeuse qui lui loue une étroite mansarde, il se sent écrasé par sa pauvreté. Mais il se croit aussi appelé à un grand avenir et, dédaigneux de la morale, se pense fondé à commettre un crime : ce qu’il va faire bientôt — de manière crapuleuse.
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche, Classiques.
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Illustration, Crime and Punishment par Kashuan sur Deviantart.
« Quant à la question de savoir si c’est la maladie qui engendre le crime ou si le crime, par sa nature particulière en quelque sorte, s’accompagne toujours de quelque chose comme une maladie, il ne se sentait pas encore capable de la résoudre »
P. 107
Autrefois, il y avait Candide de Voltaire. Plus tard, c’était Le Crime de Lord Arthur Saville d’Oscar Wilde. Mais entre temps, il y avait surtout Crime et Châtiment de Fiodor Dostoïevski, œuvre qui écrase sans mal les deux autres tant ses pages sont alourdies par les pensées délirantes de son protagoniste.
Lourd, c’est le mot ! La littérature classique, notamment russe, compte de nombreux monstres effrayants et Crime et Châtiment peut être inclus dans la liste. J’ai bien mis deux ans à le lire, faisant de longues pauses entre chaque parties (le roman en compte six, plus l’épilogue). Pourtant, je n’ai pas eu besoin de redémarrer ma lecture : si l’écriture de Dostoïevski est très pesante, elle marque et les scènes qu’il distille dans son récit sont suffisamment fortes pour devenir de vrais souvenirs de lecture ! Si je n’ai pas été frappée par la poésie de sa plume (enfin, j’ai lu la traduction en même temps…), j’ai été vraiment marquée par les moments forts que traverse son drôle de héros, Rodion Raskolnikov.
[ci-contre, Fiodor Dostoïevski peint par Vassili Perov en 1872.]
Certains chapitres étaient vraiment indigestes (comme les chapitres III et IV de la partie II, par exemple) et pourtant, d’autres lecteurs comprendront peut-être si je dis que d’autres passages, comme le rêve du cheval maltraité, l’assassinat, la femme ivre embêté par un inconnu (et qui refuse l’aide d’un policier) ou encore la longue léthargie de Raskolnikov, me hantent encore. L’auteur n’est certainement pas là pour séduire avec des mots et son style s’accorde avec l’ambiance pesante de son roman et de l’état confus de Raskolnikov…
Cela dit, n’allez pas imaginer que Crime et Châtiment est juste un long monologue sur un aliéné qui tente de comprendre lui-même ses propres mobiles, Dostoïevski n’hésite pas à nous entraîner dans un Empire Russe peu reluisant : cabarets peu fréquentables, prostitution à peine voilée, personnes aliénées par la fièvre, dandys lubriques… On fréquente les bas quartiers de St Pétersbourg plutôt que les palais tsaristes, s’approchant plutôt des prisons et des chambres d’étudiants plutôt que des salons colorés et des jardins verdoyants. Et bien entendu, les individus dans ce décor sont nombreux et ne brillent pas par leurs vertus. Dérangeants mais surprenants, on a même droit à une romance comme seuls les russes savent les faire : simple, pudique mais pleine d’espoir.
(Ouais, je crois que je vais préciser la prochaine fois que l’on me pose la question « Je ne lis pas de romance… Sauf si l’histoire a été écrite par un russe. »)
Cela dit, n’allez pas imaginer que Crime et Châtiment est juste un long monologue sur un aliéné qui tente de comprendre lui-même ses propres mobiles, Dostoïevski n’hésite pas à nous entraîner dans un Empire Russe peu reluisant : cabarets peu fréquentables, prostitution à peine voilée, personnes aliénées par la fièvre, dandys lubriques… On fréquente les bas quartiers de St Pétersbourg plutôt que les palais tsaristes, s’approchant plutôt des prisons et des chambres d’étudiants plutôt que des salons colorés et des jardins verdoyants. Et bien entendu, les individus dans ce décor sont nombreux et ne brillent pas par leurs vertus. Dérangeants mais surprenants, on a même droit à une romance comme seuls les russes savent les faire : simple, pudique mais pleine d’espoir.
(Ouais, je crois que je vais préciser la prochaine fois que l’on me pose la question « Je ne lis pas de romance… Sauf si l’histoire a été écrite par un russe. »)
Bon, cependant, je m’attendais à ce que les personnages soient plus creusés dans leur psychologie. Car même si ils ne manquent pas de charme, seul Rodion Raskolnikov connaît une dimension vraiment riche : à la fois philanthrope et asocial, à la fois généreux et violent, à la fois sensible et glacial, ses pensées malades sont nombreuses et pas toujours évidentes à suivre mais son évolution est assez fascinante. Criminel en cavale, assassin peureux, Raskolnikov illustre bien ce qui touche à la dépression et au désespoir. comme un bon nombre de ses voisins qui vivent dans la même misère que lui.
Les acteurs de cette galerie, dans leur misère, attirent l’attention du lecteur et ne le mettront certainement pas à l’aise, seule Sonia Marmeladov se démarque par sa pureté ambiguë. En somme, j’ai aimé ces affreux personnages car j’ai été touchée par certaines histoires et certaines conclusions.
Des croquis très sympathiques signés Maria Sergeewa et trouvés sur son DeviantArt
« Quelle fille que Sonia ! Quel filon tout de même ils ont su découvrir ! Et ils en profitent ! Car ils en profitent ! Ils ont pleuré un peu mais ils ont fini par s’y habituer. L’homme s’habitue à tout, le lâche. »
P. 54
Concernant les personnages, j’ai relevé un détail un peu idiot que j’ai aimé : les jeux de mots dans les noms, l’onomastique utilisée par Dostoïevski. Par exemple pour Raskolnikov, je vous partage l’explication de l’édition du Livre de Poche : « Le nom de Raskolnikov est parlant : il renvoie à raskol, qui veut dire « coupure » et, plus précisément « schisme ». […] Mais son nom est perçu comme parlant : il indique que le personnage s’est coupé du monde et de lui-même. » (P. 28) et un bon nombre de patronymes bénéficient d’une explication de la même trempe. Qui a dit que la langue russe n’était pas riche ?
Alors certes, c’est un peu idiot, mais j’ai un faible pour les noms qui illustrent subtilement les personnages qui les portent.
Certes, j’ai mis énormément de temps à venir à bout de Crime et Châtiment et je ne me vois pas le relire à l’avenir. Toutefois, c’est une lecture très riche et j’en garderai un souvenir particulier : l’engrenage du récit est intéressant, j’adore l’ironie qu’utilise l’auteur et c’est une ambiance très particulière que je ne pense pas retrouver dans un autre roman… Quand bien même j’ai apprécié cette lecture, je ne la conseille pas à n’importe qui : c’est vraiment un sacré morceau.
J’en profite pour joindre cette chronique à l’idée 36 du Challenge des 170 Idées !
Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Dostoïevski a été influencé par le chevalier Dupin de l’auteur Edgar Poe pour faire le juge d’instruction Porphyre Petrovitch.
• En cours~ (si certains ont des infos à partager, vous êtes les bienvenus).
• En cours~ (si certains ont des infos à partager, vous êtes les bienvenus).
Te lire me rappelle de nombreux souvenirs. Contrairement à toi quand j'ai lu ce livre (il y a bien 10 ans maintenant) je l'ai dévoré tellement j'ai été happée par son obscurité ! Mais j'adore la façon dont les auteurs russes nous présentent leur société et la noirceur enfouie dans leurs héros.
RépondreSupprimerDu coup tu me donne envie de replonger dedans.
<3 <3 <3
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