dimanche 12 août 2012

Ce Cher Dexter, de Jeff Lindsay,



Il est lui-même serial-killer quand il ne s'emploie pas à les traquer. Lui, c'est Dexter, expert au service médico-légal de Miami. Un homme tout à fait moral : il ne tue que ceux qui le méritent. Mais aussi très méticuleux : il efface toute trace de sang après avoir découpé les corps... Un jour, il est appelé sur les lieux d'un crime perpétré selon des méthodes très semblables aux siennes. Dexter aurait-t-il rencontré son alter ego ? Ou serait-ce lui qui... Impossible...
Quatrième de couverture par Points, collection Thriller.
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Je pense que beaucoup connaissent déjà la série Dexter par la HBO apparue en 2006 sur les écrans américains et vous êtes aussi très nombreux à l’adorer (du moins, la première saison). C’est pourquoi je compte diviser ma chronique en deux parties… Une partie pour ceux et celles qui sont déjà victimes du phénomène Dexter et ceux et celles qui ne connaissent encore rien de ce monde.

Pour ceux et celles qui connaissent déjà la série,
Pour balayer toute mauvaise surprise et grosse déception à l’horizon, je tiens à préciser que non, le roman n’a rien à voir avec la série. Vous trouverez de nombreuses similitudes pour les deux/trois premiers épisodes avec les premières pages, mais c’est tout. Le reste n’a plus rien à voir, l’évolution des personnages change totalement et le point commun que vous trouverez… C’est que vous verrez les acteurs dans votre tête dans une nouvelle série Dexter².
Donc je contre ces chroniques qui clament que le premier tome est une copie de la première saison. C’est entièrement faux. Il faudra donc aimer le changement et accepter que la série n’est que largement inspirée.
Je me suis adaptée aux changements sans soucis, mais il faut reconnaître un gros défaut du livre que l’on ne retrouve pas dans la série : cette pâle galerie de personnages qui manquent de profondeurs et de motivations. Car le roman étant à la première personne, vous ne vivez que dans la tête de Dexter ; adieu la vie privée de Deborah, adieu les répliques salaces de Vince (bon, le personnage change énormément en même temps…)… Et bonjour Dexter le Psychopathe. Plus empathique que dans la série, plus orgueilleux, plus tourmenté, le Dexter du roman s’attirera la sympathie beaucoup moins facilement. Vous vivez dans la tête d’un monstre, un vrai…
Bon, à défaut que des pages peuvent difficilement retranscrire les magnifiques Puppy Eyes de Michael C. Hall… L’acteur qui incarne notre serial-killer préféré, pour les mécréants.

Michael C. Hall qui, à mon humble avis, reste et restera le meilleur acteur pour incarner Dexter Morgan.

C’est pourquoi, je passe au paragraphe pour ceux qui n’ont pas vu ou ne connaissent pas la série et que je commence de suite avec ce fameux personnage qui est Dexter Morgan.
Sans vous spoiler la raison, Dexter Morgan est un homme qui refoule tout sentiment et qui a pour pulsions des accès de fureur, de transe qui le conduisent à tuer. C’est un monstre et il le sait en plus d’avoir une philosophie de la vie particulièrement cynique et emprunt d’humour noir.
Ne sommes-nous tous pas un peu dérangés quand nous dormons ? Qu’est-ce que le sommeil, en définitive, sinon le moyen de reléguer notre démence au fond de la trappe sombre de notre subconscient pour nous réveiller le lendemain prêt à manger un bol de céréales et non les gosses des voisins ?
p. 258-259

C’est là l’atout du personnage, selon moi : il n’a aucune émotion, simule tout et pourtant, fait preuve d’un certain vivant, ce qui rythme la narration, enchaîne les phrases… Un peu trop vite à mon goût. Les paragraphes s’enchaînent un rapidement, se concentrant plus sur les pensées froides de Dexter, offrant par la même occasion des personnages plats et une absence de décor.
Mais je ne sais pas si on peut le considérer comme un reproche : cette narration presque chirurgicale correspond, colle même à la mentalité du personnage principal.
Je ne peux même pas avoir un animal de compagnie. Les bêtes me détestent. Un jour, j’ai acheté un chien ; il m’a aboyé et hurlé après avec une telle violence pendant deux jours d’affilée que j’ai été obligé de m’en débarrasser. Plus tard j’ai essayé une tortue. J’ai eu le malheur de la toucher une fois ; elle n’a plus jamais voulu sortir de sa carapace et au bout de quelques jours elle a fini par mourir. Tout plutôt que de me voir ou de me sentir la toucher à nouveau.
Personne d’autre ne m’aime, ni ne m’aimera jamais. Moi-même y compris (surtout moi-même d’ailleurs).
p. 61-62

Le phénomène va jusqu'à inspirer des designer, que Ikea lance la mode !

J’avoue cela dit que ce Dexter-ci m’a autant charmé que le Dexter de la série. Les deux, tant par leurs similitudes que leurs différences, sont très intéressants. Mais bien que ce personnage occupe une grande place, il ne fait pas tout le roman.

L’enquête a une touche d’originalité ici : cela ne se passe pas du point de vue des policiers qui défendent la Justice. Cela se passe du côté d’un tueur… Qui n’est pas responsable (directement) ! Bref, un nouveau souffle sur la vague du thriller mais pas assez pour rendre l’enquête passionnante… En somme, vous ne découvrez toute la vérité qu’à la fin et pas avant puisque Jeff Lindsay ne vous donne aucune indication… Ou alors, votre cerveau que vous pensez super intelligent marche en fait au crack, parce que pour trouver la solution, hein…
Pas de puzzles sanglants comme pourrait le promettre la couverture, ni de messages codés avec des chiffres et symboles bibliques (y en a un mais qui n’a pas tellement de signification révélatrice), ne vous fatiguez donc pas à faire chauffer vos méninges trop durement car vous serez surtout porté par l’histoire et les réflexions de Dexter.
Autre point négatif à cette enquête, outre sa progression qui rend le tout un peu flou… La conclusion, aussi rapide qu’un coup de feu, avec des effets de surprises un peu trop classiques et des détails torchés aura peut-être du mal à convaincre le lecteur frustré. Bref, l’enquête n’est pas vraiment un atout pour Ce Cher Dexter.

Par contre, pour en revenir au style, si la froideur m’a dérangé bien que ce soit parfaitement justifié, Jeff Lindsay sait jouer avec les mots et offre une plume moderne qui fait sourire ou qui horrifie, invitant amicalement (en quelque sorte…) le lecteur à entrer dans l’histoire.

Je trouvais les criminels emprunts d'un certain réalisme, en espérant que l'auteur ne s'y connaissait pas tant que ça en folie meurtrière... Mais j'ai fini par avoir des doutes...

On retiendra donc de ce premier tome un personnage hors-norme, devenu depuis la série une icône, intéressant qui parle à travers une plume originale et sympa. Quant à l’enquête, si elle m’a laissé franchement sceptique, je ne pense pas pour autant m’arrêter là et je continuerai à suivre les sombres aventures de ce brave Dexter Morgan… En roman comme à l’écran, car je conseille également la série même pour ceux qui n’auraient pas aimé le bouquin.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Jusqu'aux dernières nouvelles, Dexter Morgan n'a été inspiré par aucun tueur en série (ce qui n'est pas le cas de Jay Byrne dans Le Corps Exquis qui vient de Jeffrey Dahmer ou de Norman Bates dans Psycho avec Ed Gein). En espérant maintenant que Dexter n'inspirera aucun tueur. En revanche, sa relation avec son père a de nombreuses similitudes avec le récit de Frankenstein et a fait l'étude de nombreuses études sociologiques, dont Les formes élémentaires de la vie électronique de Vincenzo Susca.


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