jeudi 18 janvier 2018

Le Portrait du mal, de Graham Masterton,

Ils étaient prêts aux pires atrocités pour conserver l’éternelle jeunesse. Un portrait de douze personnages au visage en décomposition... La toile est l’œuvre d’un certain Waldegrave, ami d’Oscar Wilde et passionné d’occultisme, mais elle est sans valeur et plutôt médiocre. Alors pourquoi la mystérieuse Cordelia Gray veut-elle à tout prix s’en emparer ? Quel est le secret du portrait ? Qui sont ces douze personnages ? Vincent Pearson, l’actuel propriétaire du tableau, découvre un lien entre cette œuvre démoniaque et une série de meurtres particulièrement abominables qui secouent la Nouvelle-Angleterre depuis quelques mois.
Quatrième de couverture par Milady.
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« — Mon grand-père a dit que si nous [gardions ce tableau] en notre possession, il protégerait notre famille. Et si c’est ce que mon grand-père pensait, cela me va parfaitement.
— Mais vous n’y croyez pas vraiment, allons !
— Cessez de me psychanalyser. Vous voulez une prime pour Noël, oui ou non ? »
P. 47

Séduite par Walhalla cet été, j’étais prête à remettre le couvert avec Graham Masterton qui s’affirme comme un des maîtres de l’horreur. Moins convaincue par l’histoire du portrait maudit que par celle de la demeure hantée, j’ai quand même apprécié Le Portrait du mal.

Malgré une couverture macabre et un genre qui séduit les amoureux d’épouvante, Le Portrait du mal est un roman assez soft qui se place entre l’horreur et l’enquête surnaturelle. La part policière est assez importante et contrebalance, ne faisant pas de ce livre une plongée en enfer : l’ambiance glaciale, loin du Noël magique, et les décors luxueux, couverts de peintures victoriennes, n’inspirent pas distinction et classe mais vieilleries d’un autre temps qui aurait dû s’effacer.
Masterton reprend des éléments classiques pour donner tout à fait autre chose. C’est dommage que ces efforts au niveau du cadre effacent l’essentiel : le thème du roman. Dans la même veine que Le Portrait de Dorian Gray, l’auteur joue avec l’opposition entre un portrait qui résistera aux assauts du temps et des excès et le modèle de chair et de sang qui subira le poids des années. La quête de la jeunesse et de la beauté parfaite n’est pas loin, promettant un récit fascinant mais… Le Portait du mal se révèle un peu fade, à côté, par exemple, de Coldheart Canyon de Clive Barker qui traitait du même sujet, Graham Masterton explore moins la dimension humaine, ce qui est dommage.

En plus de cette timidité concernant le thème, le roman finit par devenir brouillon à partir de la moitié : des longueurs cassent le rythme et les points forts sont au contraire trop faibles pour marquer l’esprit. C’est dommage et même si le surnaturel ne demande pas forcément d’explications afin de conserver le mystère et la peur, Masterton est bien trop vague, laissant le lecteur sur sa faim.


Les personnages par contre sont surprenants et intéressants
: un policier qui doit changer ses convictions, une famille qui tente de survivre comme des tigres, un collectionneur tiraillé entre les souhaits de ses ancêtres et l’avenir de sa famille… J’ai beaucoup aimé Cordelia Gray et ses surprenants petits… cadeaux, laissés à ses victimes.
Si vous avez peur des insectes, Le Portrait du mal vous donnera des frissons.

Sans oublier la conclusion qui laisse un agréable goût amer : je me doutais de cette fin et ce n’est donc pas la surprise qui marque, mais l’horreur qui hante jusqu’aux dernières pages, jusqu’aux derniers mots, laissant songeur une fois le livre refermé (ou la liseuse éteinte, dans mon cas).

Un bon roman d’horreur donc, mais pas le meilleur de Masterton et pas le meilleur sur le thème. Le Portrait du mal reste un honneur sympathique à Oscar Wilde mais j’aurais aimé un récit plus développé.

« Vincent ne fut pas certain d’avoir vraiment entendu le cri. Il semblait lui avoir été transmis par les os de son visage. C’était un hurlement hideux, horrifiant, un hurlement de terreur, de souffrance et de désespoir absolu. C’était le hurlement d’un homme broyé par sa propre épouvante. »
P. 242 – 243


             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Si les peintures et les peintres mentionnés existent bel et bien, il va de soit que le portrait peint par Waldegrave et ce peintre-lui-même soient fictifs… quoique…


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4 commentaires:

  1. C'est vrai que le roman a quelques longueurs. Je l'ai lu il y a plus d'un an mais j'ai trouvé le début un peu (car je ne savais pas trop où je mettais les pieds, en fait) puis la seconde partie m'a parue un peu plus "flottante" parfois. Mais c'était mon premier de l'auteur, ajouté au fait que je ne lis pas forcément des romans dans cette veine, d'habitude. Du coup, j'ai trouvé cette lecture joliment angoissante.

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    1. Oui, c'est même un côté "brouillon" dans la seconde partie, je ne sais pas si tu te souviens mais la conversation avec le maître de conférences féru d'occulte qui doit mener à la solution est finalement assez vague... Et [spoiler!!] l'inspecteur qui s'imagine entrer dans le tableau en échappant à l'immortalité des Grey... Il t'a expliqué quoi le monsieur des conférences, hein ?! Il t'a expliqué quoi ? *sort*
      C'est une lecture agréable mais pas son meilleur, si tu as l'occasion de renouveler l'expérience :D

      PS : j'ai fini ton livre il y a deux semaines, avec la masse de travail, je n'ai pas encore commencé la critique (si ce n'est un commentaire sur GoodReads) mais j'ai beaucoup aimé ! J'espère poster une critique plus complète début Février.
      (Quand on met fait divers réel, féminisme et époque victorienne, je deviens une cible vulnérable !)

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  2. Hum... ma lecture est lointaine et comme j'ai eu un peu de mal avec la seconde partie, je crois que mes souvenirs ne sont pas très frais :-/ Mais je me souviens que mon enthousiasme du début est peu à peu retombé.
    C'est quoi son meilleur du coup ? Ou du moins l'un des plus inoubliables à tes yeux ?

    Oh super ! Je suis contente que tu aies aimé :) Je pense que je le reprendrai un jour pour faire plus long et puis pour changer quelques trucs mais si la base t'as plu, c'est déjà encourageant :)

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    1. Pour l'instant, j'en ai lu que deux : celui-ci et Walhalla, mais j'ai trouvé Walhalla dix fois mieux, plus humain avec une femme qui "perd" son mari possédé par le fantôme d'un gars horrible, par contre... Il n'est plus édité :') J'espère que Bragelonne compte le rééditer un de ces quatre...

      Aaaah, je le relirai avec plaisir alors ! J'ai programmé la chronique, ça y est, elle se postera mardi prochain~

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