dimanche 2 juin 2013

Les Nains, l'Intégrale, de Markus Heitz,

Lorsque s’effondre le passage de Pierre que les Nains gardaient depuis toujours, Orcs et Ogres déferlent sur le Pays Sûr.
C’est le jeune Nain Tungdil qui donne l’alerte. Envoyé en mission par son père adoptif, le Mage Lot-Ionan, il découvre l’armée qui avance sur le pays. À la tête de cette force d’invasion, les Albes, êtres cruels et maléfiques, ont le pouvoir de ramener les morts à la vie.
Tungdil n’a pas d’autre choix, s’il veut sauver Hommes, Elfes, Mages et Nains du péril imminent, que de devenir un héros.
Quatrième de couverture par Bragelonne.
---

« - Par la barbe de Beroïn ! Comment peux-tu te laisser désarmer ? dit-il, faisant la leçon à Tungdil.
- Tu es… un Nain ?! haleta celui-ci, sidéré, avant de se ressaisir.
- Évidemment ! Pourquoi, j’ai l’air d’une Elfe ?! »
P. 149

Si j’apprécie les elfes à leur juste valeurs, je suis en revanche complètement emballée par le peuple des Nains. Les auteurs, lorsqu’ils se lancent dans un récit sur le peuple elfique, commettent l’erreur de rester dans leurs limites, les codes de l’imaginaire, on se retrouve alors avec des personnages parfaits, lisses, bons, purs, doux et à la limite divins. Résultat : les elfes en deviennent chiants.
Mais qu’en est-il des nains, alors ? Rares sont les écrivains qui préfèrent ces petits êtres à la barbe traînante et laissent au placard les oreilles pointues, ne se laissant pas séduire par ces corps sveltes et ces visages splendides, se penchant plutôt sur les manieurs de hache et forgerons hors-pairs. Mais les codes peuvent agir ici aussi : les nains seraient tous des brutes armées jusqu’aux dents, des ivrognes au gosier débordant de bière, à la barbe qui fait office de garde-manger et qui rigolent dès qu’il y en a un qui rote ou qui pète.
C’était ma petite crainte au début de ma lecture de la saga des Nains mais finalement… Il n’en est rien !

Les deux tomes séparés chez Milady et l'intégrale de Bragelonne, couvertures signées Didier Graffet.

Déjà, j’accorde un point bonus à Markus Heitz pour le sujet abordé. Comme dit plus haut, les ouvrages où les nains sont les personnages principaux sont quasiment inexistants, servant surtout de héros secondaires avec un moment de gloires qui dure cinq pages. Heitz explique dans son introduction que c’est un sujet qui lui tenait à cœur et que c’était délicat pour lui d’écrire sur ce peuple couvert de préjugés. Il renverse alors les idéaux barbares et les alcooliques pas du tout anonymes pour nous servir une galerie très variée et donc plaisante.
Le héros mérite déjà qu’on s’arrête sur lui : Tungdil, élevé par les Hommes (ou les longs-sur-pattes comme les appellent les nains pour les taquiner), ne connaît rien sur son propre peuple à part ce qu’il a lu dans les livres. L’approche est donc bien trouvée puisque l’on découvrira les us et coutumes des enfant du Forgeron à ses côtés. Tungdil est le héros assez classique qui ne demande rien, et pourtant se retrouve quand même dans une quête grandiose mais terrible. Courageux, généreux quand il le veut, il garde quand même des caractéristiques typiquement naines pour le rendre crédible : têtu, obstiné, buté (oui, ce sont des synonymes et alors ?), il connaîtra une évolution sympa. Un héros attachant en somme.
J’ai beaucoup aimé aussi les deux jumeaux, Boïndil Deux-Lames et Boëndal Cloue-de-la-Main qui, eux, sont des nains déjà plus dans le cliché. Le premier est hargneux, violent et borné (bah tient) et le second équilibre le duo en étant plus réfléchi, sympathique et borné (bah quand même).

D’autres nains, comme Balendilín ou Gandogar, rappellent les fiers vikings de l’époque avec un certain sens de l’honneur mais un caractère bien trempé. C’est d’ailleurs une idée classique : un nain est loyal et franc ami, mais avec la mémoire tenace et au caractère particulièrement rancunier qui font de lui un redoutable ennemi. Mais là encore, tout en respectant l’idée générale, Heitz fait des écarts pour enrichir ses personnages et construire une histoire davantage intéressante : cachés dans les pages, certains nains sont traîtres, couards et fourbes.
Illustrations de deux nains opposés dans l'aventure.

Bien sûr, il existe d’autres peuples : celui des elfes, celui des hommes, celui des orcs… On ne peut pas se tromper : il s’agit bien d’un livre fantasy conforme au genre et aux règles. Certes, Heitz explore un peuple qui rend les autres auteurs timides mais ne révolutionne pas les codes pour autant puisqu'il nous présente une aventure perchée dans la folie des grandeurs qui semble perdue d’avance mais ne fait pas pour autant reculer les personnages. Combats, révélations et magie à prévoir donc.
Je soulève d’ailleurs un sujet qui souffre de nombreux débats (surtout depuis que J. K. Rowling n'a été considérée comme « véritable auteur » que depuis The Casual Vancancy par les médias, alors qu’elle avait déjà la populaire saga Harry Potter derrière elle) : la fantasy n'est-elle qu'un genre exclusivement jeunesse ? Pour les autres œuvres, je ne sais pas, mais il est clair qu’au début de ma lecture, je trouvais Les Nains assez enfantin et léger, notamment avec les petites touches d’humour qui touchent au doux ridicule, un peu facile. Et pourtant, grave erreur de ma part puisque quelques chapitres plus tard, on assiste à des scènes plutôt sanglantes, glauques voire répugnantes ! Bref, un vrai contraste qui ne m’a pas dépaysé pour autant et qui m’a surtout fait plaisir.
Sans compter que les surprises que réserve Heitz sont efficaces tout en restant logiques et que la richesse de l’univers tant dans la culture que la religion et époques fait qu’il faut un certain temps d’habituation.

Ce premier tome intitulé Le Passage de Pierre est donc à la limite du coup de cœur. J’attends le second tome pour savoir si je suis totalement conquise ou non mais il est certain que j’admire le travail de Markus Heitz et que je ne le remercierai jamais assez d’avoir rendu un noble hommage à ce peuple qui me fascine tant. Curieux et fans des nains, vous pouvez vous lancer.


Ayant terminé Lame de Feu, je peux enfin compléter ma critique de ce premier volume d’aventures naines signées Markus Heitz.
Déjà, en bref rappel : adorant le peuple nain, ce roman a été tout d’abord un véritable régal puisqu’il avait tout ce que j’attendais. La Porte de Pierre avait donc frôlé le coup de cœur, malheureusement, Lame de Feu m’a déçu sur certains points à côté. J’avais hésité entre un 4/5 et un 3/5, mais quand je compare ma surprise durant le premier tome et ma déception au second, j’ai finalement opté pour un petit 3.

Mais que j’en explique les raisons : la fin de la première partie promet une magnifique concurrence, une aventure haletante, serrée. Et effectivement, la suite démarre en trombe avec une course complexe. Malheureusement les pages passent et le récit s’essoufflent, à tel point que les événements se mélangent tant ils finissent par se ressembler durant une petite centaine de pages. Un certain ennui alourdit la lecture en plus d'un changement qui arrive alors qu'on ne l’attendait plus. Par chance, les événements finals arrivent à faire passer la pilule avec des surprises plus ou moins bien maitrisées (en somme, des révélations mais certaines étaient évidentes et avaient juste besoin d’une confirmation) et surtout, mieux que tout, une conclusion satisfaisante qui ouvre la voie vers d’autres horizons. Les autres horizons étant bien sûr La Guerre des Nains mais Markus Heitz se montre franchement sympa en nous évitant un cliff-hanger à deux balles, se contentant de nous signaler que la fin n’est pas encore là, n’obligeant pas le lecteur à enchaîner tout de suite la série.

Tout à gauche... Je crois que je n'ai jamais vu une édition anglaise aussi moche. Et à droite, deux éditions allemandes.

Concernant les personnages, Heitz impressionne une fois de plus avec des situations naturelles, des conversations maîtrisées et des caractères distincts, hauts en couleurs. On explore enfin d’autres contrées, côtoyant de plus près les hommes et les elfes. Un groupe d’étrangers rejoint même la partie : des comédiens qui s’inspirent des événements du roman pour en faire une pièce de théâtre inachevée. Si l’idée était pas mal, j’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à m’attacher à ce trio pourtant hors-norme. Je pense surtout au fait que sur ces trois personnages, deux gardent perpétuellement le silence (sauf au début et à la fin) et s’étaient presque effacés de ma mémoire !
Donc en clair, rajouter des personnages, c’est bien, leur attribuer un vrai rôle et rappeler leur présence de temps en temps, c’est mieux.
Heureusement que chez les nains, mon affection reste intacte même pour les nouvelles rencontres poilues. J’ai adoré Bravagor et sa destinée, l’évolution de la relation entre Boïndil et Boëndal, les changements causés par l’arrivé de la jolie Balindys… Bref, maintenant que le lecteur est plus familiarisé avec les Nains, Heitz peut se lancer dans des développements et aboutir sur des situations intéressantes.
Sans oublier, en dehors des barbus, Djerůn que j’adore toujours autant.

Peut-être à cause de la vision de son armure que je me fais ?

Il s’agit donc d'une véritable aventure épique avec des passages agréables, tragiques, des pertes (voire des sacrifices), des issues incertaines… Il manque toutefois quelque chose aux Nains pour être un roman inégalé et c’est à mes yeux à cause de cette impression de « limité », comme si l’auteur se retenait.

En conclusion, dans sa globalité, les Nains est et reste un très bon livre de Fantasy et je ne regrette pas d’avoir déjà le tome suivant : La Guerre des Nains.

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
Les Nains l’Intégrale réunit deux tomes : Le Passage de Pierre et Lame de Feu, qu’on peut retrouver séparément chez l’édition Milady. Mais Markus Heitz n’arrête pas les aventures de Tungdil ici pour autant puisqu’il existe trois autres intégrales qui sont, dans l’ordre,  
→ La Guerre des Nains (qui compte Le Secret de l’Eau Noire et Les Êtres de Feu, séparés chez Milady),  
→ La Revanche des Nains (qui compte Le Diamant de Discorde et L’Étoile de l’Expiation, séparés chez Milady)
Le Destin des Nains (qui compte Le Gouffre Noir et Le Mage Maudit chez Bragelonne, réunis en intégrale depuis le 6 Décembre 2013)

 Les couvertures françaises chez Bragelonne.

• Pour le bonheur des geeks (allemands), un jeu de table est sorti en reprenant le principe des Nains : Die Zwerge. Comme dans le livre, les rôlistes (minimum, 2 et maximum, 5) doivent empêcher le Pays Mort d’envahir le Pays Sûr en adoptant l’identité d’un des nains de l’aventure de Heitz, par exemple Tungdil (évidemment), Bavragor ou Boïndil… (plus d’informations françaises ici)
(Y aura-t-il une édition anglaise ? demanderont les rôlistes intéressés qui se débrouillent mieux dans la langue de Shakespeare que Goethe. Peut-être ! Sur une réponse datant du 9 Avril 2013, l'éditeur annonce avoir pris contact avec un éditeur américain. On croise les doigts !)
Les Nains serait en cours d'adaptation cinématographique selon le site de Bragelonne mais je n'ai pas trouvé d'informations à ce sujet.

2 commentaires:

  1. Dommage que le 2è tome n'ait pas été à la hauteur de tes attentes... mais cela doit être agréable de trouver des Nains comme personnages emblématiques d'une saga...
    j'espère donc que la suite renouera avec les qualités du début !
    en tout cas, je note ces livres dans un coin de ma tête...

    ps : psstt... c'est qui ce mystérieux Djerun ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Après, c'est surtout l'absence de dialogues qu'il y avait entre les personnages qui m'a vraiment déplu (c'est un peu comme retrouver la compagnie de l'anneau de Tolkien avec seulement des dialogues entre Gandalf et Frodon, et à côté, on oublie Legolas, Gimli, Merry, Pippin et Aragorn :/ ). La conclusion a rattrapé quand même le tout, ce qui n'est pas trop mal !

      Ohoh, alors Djerůn, sans trop de spoil, est un étrange être, ni Nain (trop grand), ni Orc, ni mage, ni Humain qui possède une force incroyable, refuse de retirer son armure (même pour manger, il attend que tout le monde détourne le regard) et peut pousser des cris qui effraient les autres peuples et les animaux.
      L'explication est peu claire dans ce premier tome quant à sa nature et il garde beaucoup de mystère, mais on le revoit dans le 2 donc j'espère avoir des réponses :D

      Supprimer