dimanche 22 septembre 2013

Le Fantôme de l'Opéra, de Gaston Leroux,

Des phénomènes étranges se produisent à l'Opéra. Un lustre s'effondre pendant une représentation, un machiniste est retrouvé pendu. Mais le personnage dont certains affirment avoir vu la tête squelettique ne semble être qu'un humain ; en effet les directeurs de l'Opéra se voient réclamer 20 000 francs par mois de la part d'un certain « Fantôme de l'Opéra » qui exige aussi que la loge numéro 5 lui soit réservée. Mais, plus étrange encore, une jeune chanteuse orpheline nommée Christine Daaé, recueillie par la femme de son professeur de chant, entend son nom pendant la nuit et elle dirait même avoir vu et rencontré le fameux Fantôme de l'Opéra...
Quatrième de couverture par Le Livre de Poche
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Bien que férue de classiques, Le Fantôme de l’Opéra est en fait ma première véritable approche avec la section classiques français. Nous, français, sommes connus pour notre style pompeux et lourd, notre savoir-faire dans la littérature rococo. Forcément, cette réputation m’effraie toujours un peu lorsque je m’apprête à lire un classique de Paris. Mais restons réalistes : la langue de Voltaire est ma langue maternelle, donc plus c’est pompeux, plus j’aime.


Plus sérieusement parlant, j’aime quand les lignes foisonnent de détails, de métaphores et de descriptions chargées. La plume de Gaston Leroux multiplie les précisions sur sa toile de décor, ce qui n’est pas dommage quand on pense que c’est une excellente façon de faire écho à l’architecture de l’Opéra Garnier. Par contre, j’ai trouvé dommage que les personnages soient si pâles dans ce milieu haut en couleurs : les caractères sont trop évidents, voire ordinaires même si l’histoire qui les lie reste passionnante.

Peintures que j'aime énormément signées Anne Bachelier, 
de gauche à droite : Le Fantôme ; Le Lustre Tombe ; Le Persan.

Certains lecteurs reprocheront que le schéma reste commun : une demoiselle en détresse, un monstre au cœur mutilé, un chevalier servant (et particulièrement chiant) et je ne peux pas leur en vouloir. Cependant, l’histoire est quand même bien menée et offre ce qu’on lui demande : des romances funèbres enrobées de drame bien noir. Avec même quelques crimes à la clé, ce qui est magnifique. J’ai trouvé agréable de suivre le parcours de Christine que j’ai apprécié et découvrir la conclusion que j’ai trouvé juste et honnête. Le Fantôme de l’Opéra aussi est un bon élément, antagoniste terrifiant et barge, qui mérite sa popularité dans le cirque des Horreurs. Sans oublier le fameux Persan, sûrement le personnage que j’ai préféré avec le charisme qu’il dégage même à travers les mots. Mon unique regret est le mystère entier qui entoure ce personnage et ne laisse donc au lecteur que des hypothèses.
Par contre, comme beaucoup d'autres lecteurs, j'aurai aimé virer Raoul et ses questions à la con qui font de lui un homme très fatiguant... Oui, oui, je parle du chapitre où il interrompt Christine qui lui relate son kidnapping pour lui demander si elle l'aime. GAWD RAOUL, TAIS-TOI.
Le Fantôme de l’Opéra est donc un étrange thriller sur fausse note romantique loin des rues mal famées, au centre plutôt des coulisses agitées jusqu’aux planches de la scène éclairée, dans le milieu mondain de la Belle Époque. Une originalité sur laquelle je ne pouvais pas cracher. Gaston Leroux a une plume travaillée et aussi excellente que de délicieux cupcakes au glaçage saturé de beurre et la chute, digne d’une pièce de théâtre burlesque, possède son charme grandiloquent.
Ma conclusion pourrait sonner ironique mais c’est uniquement parce que je cherche à viser des lecteurs particuliers, de la même façon que dans ma chronique de Basil de W. Wilkie Collins.

La Mort Rouge par André Castaigne, illustration qui accompagne la toute première édition.

Je termine sur une petite parenthèse car l’occasion ne se présentera pas ailleurs pour expliquer mon aversion envers la comédie musicale de 2004 signé Joel Schumacher. Petit détail : les critiques sont très positives pour la comédie musicale de Londres, ne l’ayant pas vu, je parle bien évidemment du film !
Alors que j’avais adoré la part de mystère qui s’engluait dans les pages du roman d’origine, au morbide qui pourrissait sous les dorures de l’opéra, Le Fantôme de l’Opéra (2004) préfère se concentrer sur les décors surchargés et nous offrir du kitsch qui brille, faisant abstraction de l’angoisse qui règne dans les coulisses pour mettre sous les projecteurs la romance qui déchire Christine.
Mais là où j’en ai réellement voulu à l’équipe du film, c’est le changement que subit le Fantôme de l’Opéra. Je ne peux pas mieux résumer qu’un commentaire que j’avais lu sur Youtube qui en gros était : Erik est censé avoir une voix magnifique et un visage repoussant, pas l’inverse. On va me sortir l’argument « les goûts et les couleurs ne se discutent pas » mais en choisissant un personnage sensuel et charmant comme le Erik de ce film, la donne change. J’y vois là une façon d’attirer la sympathie vers Erik (de la même façon qu’Hitchcock l’avait fait pour Norman Bates dans Psycho) et de pousser les jeunes romantiques à hurler de colère contre le choix final de Christine.
Croyez-moi, le Erik du film n’a RIEN à voir avec celui du livre dont le visage ressemble à celui d’une tête-de-mort et dont l’humeur est aussi changeante que le temps en montagne.
Je vous en prie alors : ne dîtes pas être fan du Fantôme de l’Opéra si vous n’avez vu que ce film, le personnage n’a pas été du tout respecté et il n’a rien de romantique (et, de mon propre avis, une femme qui souhaite finir avec Erik, dans une relation au-delà du fantasme, doit être véritablement désespérée).
Oh et pis, il n’y a même pas le Persan…

             Quelques anecdotes sur ce bouquin,
• Les événements tragiques du livre ont été inspirés de faits réels survenus à la seconde moitié du XIXème à l’Opéra Garnier mais également d’un incendie du 4 mai 1897 au Bazar de la Charité qui fit près 129 morts (dont la sœur de Sissi l’Impératrice d’Autriche, Sophie-Charlotte, Duchesse d’Alençon).
• Les plus connaisseurs en théâtre ont peut-être remarqué que le Fantôme de l’Opéra, malgré son récit romanesque, s’inspire des différentes registres et courants du genre théâtral : Gaston Leroux aurait « rangé » les étages de l’Opéra Garnier, du lustre jusqu’aux plus sombres sous-sol où vit le Fantôme pour faire passer le lecteur du burlesque au tragique.
• Lors de sa première publication, Le Fantôme de l’Opéra a été illustré par André Castaigne.

6 commentaires:

  1. Marrant comme personne ne peut blairer Raoul dans Le fantôme de l'opéra, film comme livre. Enfin, je peux comprendre, je l'ai moi-même trouvé insupportable et j'ai préféré de loin le fantôme - of course - Le Persan et Madame Giry, j'aurais même aimé en apprendre plus sur ces deux derniers.

    J'ai bien aimé ce classique, avec son atmosphère mystérieuse sur un fond policier, et rien que de m'imaginer les superbes décors de l'opéra Garnier, ça me fait rêver. J'avais aussi vu le film musical d'Andrew Lloyd Webber (d'ailleurs, ça doit être le film de 2004 dont tu as parlé), plutôt sympa si on a pas lu le livre... j'ai aimé certaines chansons mais restant fidèle au livre, je ne donne pas au film toutes les critiques positives qu'il a pu recevoir. De plus, le fantôme de l'opéra est censé être hideux et dans ce film, je ne vois qu'une cicatrice au visage qui ne marque pas profondément un visage séduisant. Je sais qu'on aime choisir des beaux gosses dans le domaine du cinéma mais je suis désolée, Erik est censé être hideux !
    (bouhou, et en plus il n'y avait même pas Le Persan ;__;)

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    1. En même temps... Raoul ! L'homme qui demande à son amie d'enfance si elle l'aime alors qu'elle raconte combien elle avait peur durant son kidnapping quoi ! Pas chiant un sous, le gars xD

      Certaines chansons sont bien, quoique je recherche encore la reprise parfaite du fameux "Phantom of the Opera" (soit c'est la voix de l'homme qui est parfaite, soit celle de la femme, mais les deux... Pas encore trouvé).
      Et exactement pour cette histoire de blessure : ça doit occuper dans les 25% du visage, ça ne semble même pas inné au passage. Le Erik du roman, sa propre mère ne voulait pas l'embrasser et il n'a carrément plus de nez, sans compter que même ses mains sont décrites comme étant répugnantes, ça fait pas mal de différences !
      Et en virant le Persan, ils suppriment même une partie du passé de son histoire donc ouais, franchement pas excellent comme adaptation... );

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  2. Le cinéma ayant "inventé" l'accessoire du masque du fantôme, je me demande s'il ne se mord pas la queue par rapport à cela. A une époque où l'on possédait finalement peu de moyens pour filmer quelqu'un (les acteurs devaient porter énormément de couches de maquillages), comment représenter l'horreur? La solution du masque, devenu emblématique par la suite, fut bien utile pour suggérer cette "horreur" qu'est le fantôme.
    Le film de 2004 a oublié que ce n'était pas le masque qui faisait le fantôme, mais bien la laideur (quoique avec le masque bien kitsch à bouclettes dans le clip de Sarah Brightman, je m'enfuirais en courant). Le film de 2004 a oublié plein de choses tout court d'ailleurs, dans les intentions....

    Par contre, est-ce que tu as vu la version de Dario Argento? Là aussi dans un registre différent on atteint pas mal de summum :P genre une scène d'amour au milieu des rats

    Au final, je retiens de ce roman un personnage fascinant, une Mort Rouge dantesque dans ce qu'elle évoque (la lecture de ce passage me donne toujours une impression de calme glacial, extrêmement pesant) et des personnages secondaires qui intriguent (sauf Raoul, évidemment).

    Pour la chanson, j'me rappelle d'une version entre sarah brightman et antonio banderas qui m'avais bien plu

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    1. J'ai un doute là-dessus : la version de Lon Chaney en 1925, la première, est ironiquement le seul rôle qui assume pleinement la laideur du personnage. Pour le masque de 2004, j'y vois surtout un côté "pseudo-érotique" en fait : transformer le masque "économiseur de moyen" selon ton petit cours en une espèce de masque de Venise quoi, loin de celui de 1962 Enfin, ça, c'est de mon interprétation, après...

      Nope, pas vu la version de Dario Argento ou j'en ai pas le souvenir, je crois que j'ai vu plutôt la version de 1943 si je me souviens bien m'enfin, là encore, plutôt déçue. Nan, je crois que les adaptations du F de l'O., je vais laisser tomber.

      Pour le duo avec Banderas, elle m'avait pas spécialement marqué, la seule que j'ai retenu est celle avec Nightwish qui est "fun" vu comment ils se permettent d'offrir un nouvel aspect. Mais le reste, toujours un détail qui me dérange.

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  3. Je plussoie tant pour cet imbécile de Raoul... Quelle plaie, nom de Dieu ! Ce livre m'a profondément marquée, même si ça fait des années que je l'ai lu, notamment les scènes de la fin avec Erik qui m'avaient glacé les sangs. Et puis, je suis amoureuse du palais Garnier, donc ça aide.

    Autrement, j'aime beaucoup l'adaptation de J. Schumacher, notamment son esthétique. Certes, c'est foisonnant, kitsch et il y a de grandes divergences d'avec le roman, mais je pense qu'il faut le prendre davantage comme une inspiration très éloignée, puisque c'est déjà une adaptation d'une comédie musicale elle-même adaptation d'un roman. D'où de nombreuses déformations... Enfin, j'ai adoré les décors, les costumes et l'atmosphère qui me sont restés longtemps en mémoire.

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    1. C'est justement parce que j'avais préféré le côté glauque, enquête faussement surnaturelle que je n'ai pas accroché à cette comédie musicale qui met surtout en avant la romance... Comme tu dis, les dernières scènes sont particulièrement effrayantes et j'attendais le même sentiment.
      Après, y a bien l'adaptation de 1925 qui me semble plus sombre, j'aurai plus de chance avec celle-ci peut-être ?

      Merci d'être passée dans tous les cas~

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